Le rôle de la famille dans la mobilité sociale

On sait que cette origine influence l’individu dès son plus jeune âge à travers la socialisation différenciée, par la transmission de normes et de valeurs différentes en fonction de son milieu social. De ce fait, les inégalités sociales vont se répercuter sur les inégalités scolaires entre les différentes catégories.

Tableau du diplôme le plus élevé obtenu selon le diplôme des parents et l'origine sociale, en 2014-2015

On peut voir ici que les enfants des individus peu diplômés sont eux mêmes peu diplômés : (23,9+27) 50,9 % des enfants des non diplômés n’ont pas dépassé le BEP. À l’inverse, les enfants des parents diplômés sont eux mêmes diplômés : (20,3+23,7+34,1) 78,1 % des enfants des diplômés du supérieur ont un diplôme supérieur à bac +2.

Les personnes ayant suivies de longues études (supérieures à bac+2) deviennent pour la plupart cadres ou professions intermédiaires. Ayant eux même un niveau élevé de qualifications, ils peuvent mieux accompagner leurs enfants dans la maîtrise des connaissances (aides aux devoirs, pratique des langues étrangères, etc.), mais aussi plus les stimuler intellectuellement du fait de leurs pratiques culturelles dites « savantes » (lecture, musées, etc.). De plus, ces catégories ont de meilleurs niveaux de vie qui leur permettent de mieux financer les études de leurs enfants (cours particuliers, séjours à l’étranger, etc.), ce qui va favoriser leur réussite scolaire et donc professionnelle. Ainsi, les inégalités sociales se répercutent sur les inégalités scolaires et freinent la fluidité sociale.

Le diplôme est un élément essentiel de la réussite sociale. Il augmente considérablement les chances d’occuper une position sociale élevée. De ce fait, il diminue aussi les chances des non diplômés d’évoluer dans la structure sociale. On a vu qu’il existe une reproduction dans la réussite scolaire qui va se retrouver dans la la reproduction sociale.

La reproduction sociale entre cadres et ouvriers

On constate donc que 49,3 % des fils de cadres sont devenus cadres et que 47,2 % des fils d’ouvrier sont devenus ouvriers. De ce fait, il existe bien un lien entre la position sociale et l’origine sociale, qui s’explique aussi par la reproduction de la réussite scolaire puis sociale. On peut donc en déduire que l’origine sociale joue un rôle sur la mobilité des individus et leur chances relatives d’atteindre telle ou telle position sociale.

Pour Bourdieu, les différences de mobilité s’expliquent essentiellement par l’inégale réussite scolaire, générée principalement par des inégalités de capital :

• les inégalités de capital culturel : élevé dans les familles de cadres, il a de nombreux effets positifs sur la réussite scolaire car il correspond exactement à ce que l’école attend (type de langage utilisé, visites culturelles, lectures, etc.) ;
• les inégalités de capital économique : il facilite la réussite scolaire et les études longues en permettant chambre individuelle, cours particuliers, biens culturels, vacances, visites, séjours à l’étranger, écoles privées, etc. ;
• les inégalités de capital social  : il permet, à diplôme égal, un accès plus fréquent aux emplois les plus prisés.

De ce fait, la reproduction sociale est inévitable. Les enfants des catégories supérieures resteront dans cette catégorie et il en est de même pour les catégories inférieures. Ainsi, la société n’offre que peu de possibilités de mobilité car elle n’est pas assez fluide. Les enfants de cadre ont 24,1 fois plus de chance de devenir cadre que les enfants d’ouvriers. Notre position sociale est donc bien souvent héritée de nos parents.

Pour Raymond Boudon, l’existence de stratégies familiales selon un calcul coût/avantage-risque limite aussi la mobilité sociale, notamment ascendante. Cette théorie permet de comprendre pourquoi les ambitions sont plus limitées dans les milieux ouvriers que dans les professions dites supérieures.

Or, ce calcul ne donne pas les mêmes résultats selon les milieux sociaux :

• dans les milieux populaires, l’obtention d’un métier manuel qualifié est un grand avantage ;
• les milieux aisés font le calcul inverse. Le coût de la poursuite des études est relativement faible alors que les avantages en termes de prestige, d’emplois, sont relativement plus importants que pour les milieux populaires.

L’inégalité à l’école n’est donc pas imposée par la société. Elle résulte du choix individuels des familles (« effet d’agrégation ») qui ont pesé le pour et le contre avant d’engager leurs enfants dans la poursuite des études.

En conclusion, l’origine sociale donnée par la famille influence la réussite scolaire et sociale des enfants et détermine donc souvent la mobilité sociale, ou plutôt l’immobilité entre deux générations.