Allons-nous vers une société pacifiée ?
- Comprendre la notion de progrès.
- Comprendre la notion de pacification d’une société.
- Toutes les sociétés connaissent des conflits internes. Une société démocratique et pluraliste est susceptible d’en connaître et d’en exprimer davantage. Les individus et les groupes y disposent en effet d’une plus grande liberté dans le choix des buts à poursuivre et des valeurs à respecter que dans les sociétés traditionalistes. L’entrechoc de ces libertés produit presque mécaniquement des conflits. Le risque consiste alors à désirer un pouvoir autoritaire assez fort pour les faire disparaître, trop souvent au prix des libertés.
- Les États totalitaires apparus en Europe durant l’entre-deux-guerres prétendaient ainsi apaiser la société grâce à l’unité nationale.
- L’idéal d’une société pacifiée et démocratique consiste donc moins à rejeter les conflits qu’à condamner les différentes formes de violences qui en sont parfois les effets et les causes.
Les désaccords politiques qui divisent une société s’accompagnent souvent de violence. Les partisans de l’Algérie française, s’estimant trahis par la politique de décolonisation du général de Gaulle, s’insurgent en janvier 1960 à Alger lors de la semaine des barricades qui fait 22 morts. Ce désaccord profond aboutit en 1961 à une tentative de coup d’État, le putsch des généraux, et en 1962 à une tentative d’assassinat, l’attentat du Petit-Clamart. D’un point de vue général, il est possible de se demander si ces débordements de violence sont inévitables. Est-ce qu’une humanité plus rationnelle et raisonnable parviendrait à résoudre le conflit pacifiquement ?
La plupart des hommes ont l'image d’un passé
d’autant plus violente qu’il est
éloigné. L’homme croit alors en ce
sens en un certain progrès. Il est plus
civilisé que son ancêtre, et son descendant
plus civilisé que lui. Dès lors, les
conflits politiques violents seraient condamnés
à disparaître.
Pourtant l’idée d’un progrès
humain à tous les niveaux est très
contestée. D’un côté, les
progrès scientifiques et techniques sont
évidents. D’un autre côté, il
est possible de se demander si l’humanité a
autant progressé dans le domaine moral. Le
philosophe Bergson (1859-1941) remarque à ce sujet
que si l’ensemble des technologies nouvelles a en
quelque sorte agrandi le « corps » de
l’humanité, il manque peut-être
à ce « corps » un
« supplément
d’âme ». Si elle est
avérée, cette dissymétrie entre la
puissance et la morale de l’humanité doit
nous inquiéter davantage, surtout à une
époque où, même si nous avons
tendance à l’oublier depuis la fin de la
Guerre froide, la guerre atomique est toujours possible.
Il est possible toutefois de penser que les violences individuelles ont sensiblement régressé dans la société. S’armer avant de sortir est sans doute une habitude rare en France. Dans La Civilisation des mœurs (1939), le sociologue Norbert Élias (1897-1990) soutient justement la thèse que les populations d’Europe sont entrées dans un processus de civilisation au moment de la Renaissance.
Ce processus serait le résultat de plusieurs facteurs convergents. D’une part, à la fin du Moyen Âge, l’État commence à se centraliser et à revendiquer avec succès le monopole légitime de la violence physique. D’autre part, dans ces territoires pacifiés, les progrès techniques accentuent la division du travail (la spécialisation devenant nécessaire), qui entraîne à son tour une interdépendance et une coopération croissante des individus. Pris entre les contraintes étatiques, sociales et économiques, ceux-ci sont donc de plus en plus conduits à contrôler leurs émotions et leurs pulsions. Ce contrôle aboutit aux idées actuelles de pudeur, la discrétion au sujet des excrétions corporelles et de la sexualité serait un fruit particulier de ce processus, mais aussi à une délégitimation de l'usage individuel de la violence physique.
Au Moyen Âge, l’idéal de la noblesse est le chevalier rude et violent. Il est remplacé par le courtisan raffiné et élégant à l’âge classique.
Quelle est la portée de la théorie d’Élias ? Est-il vraisemblable de parler d’un adoucissement des mœurs au sujet d’un continent ayant colonisé brutalement le reste du monde avant de provoquer deux guerres mondiales ? L’historien George Mosse (1918-1999) a préféré parler de « brutalisation » de la société après la Première Guerre mondiale. Pour lui, les habitudes prises durant la guerre ont perduré pendant la paix, ouvrant ainsi la voie aux totalitarismes. Il a été normal de déshumaniser l’ennemi, de ne pas reculer devant des moyens violents jugés nécessaires, « d’engourdir sa sensibilité face à la cruauté et à la mort d’être chers ». La civilisation des mœurs a-t-elle survécu aux guerres et aux génocides ?
Historiquement, le terme de « pacification » relève du vocabulaire militaire et colonial. Un territoire est pacifié quand la rébellion qu’il abritait a été anéantie par les forces armées. Les exigences d’unité, de consensus et de tranquillité publique peuvent, elles aussi, aboutir à ce genre de paix. Au contraire, une démocratie adulte et véritablement pacifiée doit pouvoir supporter des débats contradictoires, tant qu’ils ne conduisent pas à s’entretuer.

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