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Devenir soi-même

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Objectif
  • Comprendre cette injonction paradoxale et les problématiques qu’elle soulève.
Points clés
  • Un individu peut ne pas être lui-même.
  • De nombreux obstacles se dressent lorsqu’on essaye de devenir soi-même. Être soi-même est un projet et non une réalité actuelle.
Pour bien comprendre
  • Le roman de formation
  • Emancipation et éducation
1. Une formule célèbre et paradoxale
a. Un paradoxe

« Deviens ce que tu es » est une formule paradoxale, car elle suppose qu’on n’est pas ce qu’on est, ou qui on est, ce qui semble contradictoire. Pour résoudre cette contradiction, on pourrait considérer l’existence de deux versions de soi : une actuelle, banale, commune, superficielle, apparente, et une en devenir, un soi plus authentique, qu’il faut atteindre à travers un travail, un chemin, un processus. Être soi est donc un projet, un devenir, une potentialité et non pas une réalité actuelle.

Cette formule est à l’impératif, elle a donc un aspect d’injonction. Elle nous incite à ce devenir, qui est essentiel. Passer à côté de qui l’on est, c’est d’une certaine façon se rater. Cependant, cette injonction n’est pas accompagnée d’un mode d’emploi. Comment atteindre ce vrai moi ? Et comment le connaître pour l’atteindre si nous ne le sommes pas encore ? La connaissance de soi est-elle un prélude essentiel à ce devenir, ou pouvons-nous devenir nous-mêmes sans nous connaître ? 

De plus, cette injonction souligne le fait qu’on n’est pas encore soi-même, et donc que, avant de devenir ce que nous sommes, nous passons à côté de nous, de notre singularité, de notre mystère. Qu’est-ce qui nous a éloignés de nous-mêmes et nous en éloigne éventuellement encore ?

b. Origine

La formule « Deviens ce que tu es » est attribuée au poète antique Pindare, dans les Pythiques, qui s’adresse au tyran Hiéron en ces termes : « deviens ce que tu es, l’ayant appris » (γένοι᾽ οἷος ἐσσὶ µαθών). On voit donc que la formule complète originale insiste sur une connaissance de soi qui est première. La connaissance de soi peut renvoyer à ce qu’on découvre de nous-mêmes dans l’épreuve, à ce qu’on apprend sur nous-mêmes par exemple en se mesurant aux autres dans une compétition. Mais cet apprentissage peut aussi être lié à ce que le poète révèle à travers sa poésie. En effet, le rôle de Pindare (et des poètes en général), est de révéler le sens de l’action de celui qui agit, ou plus précisément encore de révéler à celui qui agit ce qu’il est à travers son action. Pindare nous invite à être conscient de notre devenir.  

Cette formule sera reprise de multiples façons et par plusieurs philosophes, mais c’est surtout chez Nietzsche qu’elle trouve un écho retentissant qui résonne encore à notre époque. Dans Considérations inactuelles, Nietzsche nous invite à prendre conscience de notre singularité et à la chérir, plutôt que de chercher à ressembler aux autres, ou se laisser aller, par paresse, par crainte, à penser comme tout le monde, et faire partie de la masse des gens, médiocre et sans intérêt : 

« Il y a dans le monde un seul chemin que personne ne peut suivre en dehors de toi. Où conduit-il ? Ne le demande pas. Suis-le. » (Nietzsche, Considérations inactuelles, 1873) 

Nietzsche, à l’inverse de Pindare, ne pose pas comme essentielle la connaissance de soi. 

2. Enjeux soulevés par cette injonction
a. Trouver sa voie

La société dans laquelle nous évoluons, notre sexe, notre formation scolaire et notre éducation familiale, notre milieu social et géographique d’origine ne nous appartiennent pas réellement, cela nous a été imposé. C'est le hasard qui assigne la place de chaque être humain, qui doit donc essayer, à partir de cela, de trouver sa voie personnelle. « Deviens ce que tu es » nous incite à partir à la recherche de notre singularité, comprise comme notre moi authentique, ce qui fait que nous sommes uniques, et à ne pas nous laisser entraîner par la « masse » des autres hommes et des femmes : 

« L’homme qui ne veut pas appartenir à la masse n’a qu’à cesser d’être indulgent à son propre égard ; qu’il suive sa conscience qui lui crie : « Sois toi-même ! Tu n’es pas tout ce que maintenant tu fais, penses et désires ». Toute âme jeune entend cet appel jour et nuit, et tressaille : car elle pressent la mesure de bonheur qui lui est destinée de toute éternité quand elle pense à sa véritable émancipation : bonheur auquel d’aucune manière elle ne parviendra aussi longtemps qu’elle restera dans les chaînes de l’opinion courante et de la peur. Et quelle vie sans espoir et dépourvue de sens peut s’ouvrir sans cette libération ! » (Nietzsche, Considérations inactuelles, 1874).

À l’adolescence, le besoin de se tourner vers ce qu’on veut devenir plus tard se fait pressant, et tout au long de la vie, cette injonction nous invite à trouver ce qui nous correspond réellement, dans une exigence de sincérité et de loyauté envers nous-même. Nous assurer que nous désirons vraiment ce que nous désirons, que nous pensons vraiment ce que nous pensons, sans renoncer à notre singularité par conformisme. « Devenir ce qu’on est » est alors une révélation, une émancipation, une délivrance, une promesse de bonheur ou encore un chemin vers notre noyau d’être inaliénable, indivisible et autonome.

b. Se faire tigre ou bœuf ?

Il existe une version héroïque de cette injonction à se réaliser : nous devrions alors développer à notre maximum l’ensemble de nos qualités, compétences, aptitudes et nous libérer de ce qui nous empêche de croître et de nous dépasser. 

Il s’agirait en quelque sorte à nous inviter à devenir meilleur, plus performant, fort, grand ou riche que les autres. La formule « deviens ce que tu es » chercherait à attiser le désir de l’excellence et la performance. Attention cependant à ne pas s’imaginer qu’au fond de chacun d’entre nous repose un tigre féroce ou un lion majestueux qui sommeille, ce serait une illusion prétentieuse au sujet de laquelle la fable de La Fontaine, La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf, nous alerte. Les illusions de grandeur, de richesse, de réussite ne doivent pas nous aveugler, comme cette grenouille qui se fait enfler pour ressembler le plus possible à un bœuf et qui finit par exploser.

c. Prendre conscience de soi et s’accepter tel qu’on est

Une autre façon de comprendre cette sentence serait de nous inviter à prendre tout d’abord conscience de nous-même, pour devenir pleinement la personne qu’on est, c'est-à-dire par un mouvement intérieur, s’accepter tel qu’on est, y compris médiocre, faillible et imparfait. On est proche d’un idéal de médiocrité heureuse formulé entre autres par Érasme dans l'Éloge de la folie : « Le bonheur consiste essentiellement à vouloir être ce que l’on est » et Martial dans ses Épigrammes précise : « Voici les éléments de la vie heureuse : [...] se contenter d'être ce que l'on est, et ne rien désirer de plus ; attendre son dernier jour sans crainte sans demande ». 

Cette interprétation nous écarte de l’injonction de la performance, de l’envie et de la prétention pour choisir la modération ou le juste milieu.

d. Être authentique vis à vis de soi et des autres

« Deviens ce que tu es » peut aussi se comprendre comme un idéal d’intégrité et d’authenticité vis-à-vis de soi-même et des autres. Se percevoir avec justesse et donner à voir aux autres la personne que l’on est. Se sentir en conformité ou congruence avec ce qu’on pense et ce qu’on ressent. Cette congruence nécessite de prendre conscience de qui on est, et d’agir dans une sincérité ou véracité à l’égard de cette conscience de soi. On dit aussi plus couramment « se sentir en accord avec soi-même » , « être vraiment soi-même ».

Cette sincérité a été notamment revendiquée par Rousseau dans ses Confessions ou dans d’autres de ses écrits : « Quiconque a le courage de paraître toujours ce qu'il est, deviendra tôt ou tard ce qu'il doit être ; mais il n'y a plus rien à espérer de ceux qui se font un caractère de parade. » (Rousseau, Correspondance). Rousseau refuse ici de se comporter de façon hypocrite, prétentieuse ou lâche. Cette pratique de l'authenticité permet de devenir soi-même. Cette authenticité se retrouve dans le Préambule de ses Confessions (1765) :  

« Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. » 

L’unicité de son être (« je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus…» ) qu’il perçoit pleinement, s’associe à un exigence de sincérité et de vérité absolue. 

e. Atteindre sa vérité à travers l’épreuve de la vie

Une dernière façon, mais il y en aurait d’autres, de comprendre cette injonction serait de l’associer à un regard rétrospectif, comme celui de Nietzsche dans Ecce Homo dont le sous-titre est « Comment on devient ce que l’on est ». Ici le processus est présenté comme achevé, à l’heure du bilan que fait le héros de roman, l’écrivain, le poète ou le philosophe sur sa vie et les épreuves qu’il a traversées. Le héros devient ce qu’il est, c'est-à-dire un héros, à travers une série d’épreuves douloureuses et de victoires sur lui-même, sur ses peurs, sur les autres. A la fin de son parcours héroïque, il est devenu le héros tragique ou triomphant, qu’il était destiné à venir (Ulysse, Oedipe, Julien Sorel, mais aussi… Luke Skywalker). Il a atteint une vérité et une authenticité qu’il peut partager avec les siens ou emporter dans sa mort.

Dans le Rouge et le Noir par exemple Julien réalise, alors qu’il est proche de la mort et en prison, à quel point il a été heureux avec Mme de Rênal tandis que l’ambition qui l’avait animé l’a éloigné de ce vrai et simple bonheur.

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