Une société profondément religieuse
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Selon une étude de 2007, 84 % des Américains
croiraient en Dieu. Et de fait, la société
américaine renvoie l'image d'une société
profondément religieuse. Ce consensus s'exprime à
travers leur pratique assidue de la religion, l'ensemble de
valeurs que véhiculent les discours politiques, la
télévision, la presse et la société
elle-même.
Cette omniprésence peut s'expliquer par des facteurs historiques : la construction des États-Unis s'est à l'origine faite sur la base du rejet de la sécularisation des sociétés européennes et sur le projet de fonder une utopie religieuse. Cette omniprésence s'est renouvelée depuis les années 1890 par l'arrivée de nouveaux migrants dont les croyances ont fait évoluer la pratique religieuse notamment celles qui imprègnent la société américaine.
Cette omniprésence peut s'expliquer par des facteurs historiques : la construction des États-Unis s'est à l'origine faite sur la base du rejet de la sécularisation des sociétés européennes et sur le projet de fonder une utopie religieuse. Cette omniprésence s'est renouvelée depuis les années 1890 par l'arrivée de nouveaux migrants dont les croyances ont fait évoluer la pratique religieuse notamment celles qui imprègnent la société américaine.
1. L’exception religieuse américaine
a. Une explication historique
L’exception religieuse que les Américains
revendiquent est liée à leur
héritage historique. Les États-Unis se sont
construits sur la quête du profit et du
bonheur et sur la base d’un projet de
société religieuse. Les premiers
Américains voulaient rompre avec la corruption de
la société anglaise, puis du colon anglais.
Ce modèle est aussi celui des puritains de Boston
qui voulaient créer une « cité sur la colline »,
c’est-à-dire une utopie bâtie pour
assurer la rédemption d’un vieux monde
corrompu. Si les utopies européennes sont avant
tout sociales, les utopies américaines sont
religieuses (même si leur discours peut avoir un
contenu social : égalité de tous les hommes
devant Dieu, charité et entraide entre les enfants
de Dieu, etc.)
Ce modèle a donné naissance à un messianisme (croyance à l'avènement d'un monde idéal) particulier dans lequel les Américains sont un peuple élu. Au cours de l’Histoire récente, ce messianisme a été reformulé de différentes manières : républicain avec l’indépendance et la rédaction de la Constitution, il est devenu géographique et culturel avec « la destinée manifeste » qui donnait toute légitimité aux Américains de conquérir leur continent pour des raisons religieuses.
À la fin du 19e siècle, l’émergence des États-Unis en tant que grande puissance économique puis militaire et politique a validé de fait la perpétuation de ce messianisme. Au 20e siècle, il est ensuite devenu géopolitique quand les États-Unis se sont assigné le rôle de défenseur du monde libre. Depuis la disparition de l’URSS, ce rôle s’est transformé en défense de mondialisation fondée sur la promotion d’un ordre individualiste promu planétaire.
Doc. 1. Les Colons puritains arrivant à Boston du Massachusetts, 1630 |
Ce modèle a donné naissance à un messianisme (croyance à l'avènement d'un monde idéal) particulier dans lequel les Américains sont un peuple élu. Au cours de l’Histoire récente, ce messianisme a été reformulé de différentes manières : républicain avec l’indépendance et la rédaction de la Constitution, il est devenu géographique et culturel avec « la destinée manifeste » qui donnait toute légitimité aux Américains de conquérir leur continent pour des raisons religieuses.
À la fin du 19e siècle, l’émergence des États-Unis en tant que grande puissance économique puis militaire et politique a validé de fait la perpétuation de ce messianisme. Au 20e siècle, il est ensuite devenu géopolitique quand les États-Unis se sont assigné le rôle de défenseur du monde libre. Depuis la disparition de l’URSS, ce rôle s’est transformé en défense de mondialisation fondée sur la promotion d’un ordre individualiste promu planétaire.
b. Un modèle construit contre la
sécularisation des sociétés
européennes
Les Américains ont bâti leur modèle
social et religieux sur le rejet de la sécularisation telle que
l’ont vécu les sociétés
européennes.
Sécularisation : Passage de certaines valeurs du domaine du sacré au domaine du profane.
Ils ont ainsi accueilli toutes sortes de communautés religieuses victimes de persécutions dans les pays européens. De fait, les États-Unis sont aussi traditionnellement un conservatoire des pratiques religieuses. En outre, la religion aux États-Unis est avant tout fondée sur l’adhésion volontaire. Il n’existe pas de territorialisme du fait religieux aux États-Unis contrairement à l'Europe où l’Espagne est catholique et l’Allemagne protestante, par exemple. Le choix d’une religion est un acte purement individuel aux États-Unis.
Cette construction ne s’est toutefois pas faite sans heurts :
- L’arrivée des catholiques irlandais, italiens puis des juifs russes a suscité de l’hostilité, voire des affrontements religieux ou des phénomènes de ségrégation.
- L’adaptation des groupes religieux au modernisme pose aussi régulièrement problème. Les mouvements fondamentalistes reviennent de manière cyclique dans les années 1920, puis de nouveau dans les années 1970, avec la « révolution conservatrice » qui s’est traduite par un rejet des valeurs du flower power pour en revenir aux fondamentaux de l’identité religieuse américaine que les mandats de Ronald Reagan ont traduit dans les faits au début des années 1980.
Flower power : un slogan utilisé par les Américains dans les années 1960 - 1970 comme un symbole de résistance. Les Hippies portaient des fleurs dans les cheveux et des vêtements fleuris en signe de contestation de la guerre. Plus tard, ce terme deviendra le symbole désignant le mouvement hippy.
Sécularisation : Passage de certaines valeurs du domaine du sacré au domaine du profane.
Ils ont ainsi accueilli toutes sortes de communautés religieuses victimes de persécutions dans les pays européens. De fait, les États-Unis sont aussi traditionnellement un conservatoire des pratiques religieuses. En outre, la religion aux États-Unis est avant tout fondée sur l’adhésion volontaire. Il n’existe pas de territorialisme du fait religieux aux États-Unis contrairement à l'Europe où l’Espagne est catholique et l’Allemagne protestante, par exemple. Le choix d’une religion est un acte purement individuel aux États-Unis.
Cette construction ne s’est toutefois pas faite sans heurts :
- L’arrivée des catholiques irlandais, italiens puis des juifs russes a suscité de l’hostilité, voire des affrontements religieux ou des phénomènes de ségrégation.
- L’adaptation des groupes religieux au modernisme pose aussi régulièrement problème. Les mouvements fondamentalistes reviennent de manière cyclique dans les années 1920, puis de nouveau dans les années 1970, avec la « révolution conservatrice » qui s’est traduite par un rejet des valeurs du flower power pour en revenir aux fondamentaux de l’identité religieuse américaine que les mandats de Ronald Reagan ont traduit dans les faits au début des années 1980.
Flower power : un slogan utilisé par les Américains dans les années 1960 - 1970 comme un symbole de résistance. Les Hippies portaient des fleurs dans les cheveux et des vêtements fleuris en signe de contestation de la guerre. Plus tard, ce terme deviendra le symbole désignant le mouvement hippy.
2. Du « pays de Dieu » au « pays des
Dieux »
Robert Bellah, spécialiste de la religion aux
États-Unis écrivait dans les années 1970 que les
États-Unis étaient « le pays de Dieu ». Quarante ans
plus tard, on peut même dire que les
États-Unis sont devenus le pays des Dieux, si on
observe le mouvement de diversification des Églises
dans la société américaine.
a. L’importance quantitative du fait religieux
aux États-Unis
Selon les statistiques, plus de 95 % des
Américains croient en Dieu et 90 % appartiennent
à une confession particulière.
Au-delà de ces chiffres, l’engagement des
Américains au quotidien est encore plus frappant :
75 % des Américains déclarent avoir lu
au moins un passage de la Bible au cours de
l’année, 70 % des Américains
participent à une association culturelle et
40 % affirment pratiquer régulièrement
leur religion. 56 % considèrent la foi comme
très importante dans leur vie.
A contrario, seulement 4 % sont athées ou agnostiques ; seuls 7 % des Américains ne possèdent pas de Bible chez eux et seulement 13 % des Américains disent ne jamais prier.
A contrario, seulement 4 % sont athées ou agnostiques ; seuls 7 % des Américains ne possèdent pas de Bible chez eux et seulement 13 % des Américains disent ne jamais prier.
b. L’importance qualitative du fait religieux
aux États-Unis
Les chiffres ne peuvent rendre compte de la ferveur de la
société américaine. On peut affirmer
qu’aux États-Unis, Dieu est
omniprésent : sur la monnaie, dans les
interviews des artistes ou des sportifs, sur les
autocollants collés sur les vitres arrière
des automobilistes, dans les séries
télévisées ainsi que dans des
centaines d’émissions
consacrées à la religion, voire des
chaînes de télévision
entières.
Les lieux de culte reflètent cette omniprésence par la variété des formes et des services qu’ils offrent. Certains centres religieux se présentent comme des supermarchés de biens spirituels. Ils offrent des services variés aux croyants : centres associatifs, ce sont aussi parfois des hospices et des lieux de sociabilité. Ils offrent aussi des services comme des assurances, par exemple. Dans certains cas extrêmes, la religion peut être l'objet de parcs d'attraction comme le Holy Land Experience d'Orlando.
À l’échelle du pays, cette omniprésence est institutionnalisée : le National Day of Prayer (Journée nationale de prières) est institutionnalisé depuis 1988. À la Maison Blanche, les petits déjeuners de prière sont retransmis par la télévision.
Les lieux de culte reflètent cette omniprésence par la variété des formes et des services qu’ils offrent. Certains centres religieux se présentent comme des supermarchés de biens spirituels. Ils offrent des services variés aux croyants : centres associatifs, ce sont aussi parfois des hospices et des lieux de sociabilité. Ils offrent aussi des services comme des assurances, par exemple. Dans certains cas extrêmes, la religion peut être l'objet de parcs d'attraction comme le Holy Land Experience d'Orlando.
Doc. 2. Holy Land Experience, Orlando, États-Unis |
À l’échelle du pays, cette omniprésence est institutionnalisée : le National Day of Prayer (Journée nationale de prières) est institutionnalisé depuis 1988. À la Maison Blanche, les petits déjeuners de prière sont retransmis par la télévision.
c. Une grande variété de pratiques
La nation américaine s’est fondée sur
un groupe social, ethnique et religieux qu’on
appelle les WASP :
White Anglo-Saxon Protestant (les Blancs
protestants anglo-saxons). De fait, historiquement, le
fait protestant aux États-Unis est primordial. On
compte d’ailleurs 80 millions de protestants
aux États-Unis. Mais, avec les différentes
vagues d’immigration, notamment à partir des
années 1890, le
fait religieux s’est complexifié et
diversifié.
Les États-Unis comptent désormais :
- 65 millions de catholiques, issus des grandes migrations irlandaises et italiennes du 19e siècle mais aussi des migrations hispano-américaines plus récentes.
- 6 millions de juifs issus des grandes migrations de la fin du 19e siècle (nombre de Juifs fuient alors les persécutions en Europe, notamment en Europe de l’Est et en Russie) puis des migrations liées à la fuite du nazisme dans les années 1930 - 1940 (on pense à des figures emblématiques comme Albert Einstein).
- 6 millions de musulmans, migrants ou convertis (on pense à un exemple emblématique d’Afro-Américain retourné « aux sources » de son africanisme, en l’occurrence Cassius Clay devenu Mohamed Ali).
De fait, les États-Unis sont le plus grand pays protestant du monde mais aussi le plus grand pays juif et un grand pays catholique. Le Pape a d’ailleurs récemment visité le pays. Outre ces grandes familles religieuses, on compte des milliers de sectes. On a recensé au États-Unis 350 000 lieux de cultes, soit un pour 850 habitants, le ratio le plus élevé au monde.
Les États-Unis comptent désormais :
- 65 millions de catholiques, issus des grandes migrations irlandaises et italiennes du 19e siècle mais aussi des migrations hispano-américaines plus récentes.
Doc. 3. Symbole du prince de la Paix, église catholique Saint-Augustine, États-Unis |
- 6 millions de juifs issus des grandes migrations de la fin du 19e siècle (nombre de Juifs fuient alors les persécutions en Europe, notamment en Europe de l’Est et en Russie) puis des migrations liées à la fuite du nazisme dans les années 1930 - 1940 (on pense à des figures emblématiques comme Albert Einstein).
Doc. 4. Le synagogue Chabad, New York |
- 6 millions de musulmans, migrants ou convertis (on pense à un exemple emblématique d’Afro-Américain retourné « aux sources » de son africanisme, en l’occurrence Cassius Clay devenu Mohamed Ali).
Doc. 5. La mosquée de New York City |
De fait, les États-Unis sont le plus grand pays protestant du monde mais aussi le plus grand pays juif et un grand pays catholique. Le Pape a d’ailleurs récemment visité le pays. Outre ces grandes familles religieuses, on compte des milliers de sectes. On a recensé au États-Unis 350 000 lieux de cultes, soit un pour 850 habitants, le ratio le plus élevé au monde.
L'essentiel
La société américaine est
profondément religieuse, par ses pratiques tout
comme par le nombre et la variété de ses
croyants. Plus encore, la société
américaine est religieuse par l'institutionnalisation
des valeurs religieuses et leur diffusion dans le discours
dominant.
Le mouvement de sécularisation a accompagné l'émergence de la laïcité dans les sociétés occidentales. À l'inverse, le refus de la sécularisation a constitué le socle idéologique sur lequel s'est fondée la société américaine. Aussi le message religieux s'est-il diffusé dans la société. Cette omniprésence du religieux dans la vie publique américaine est telle qu'on parle parfois de religion civile et que la vie politique américaine, depuis une trentaine d'années, est profondément influencée par les groupes de pression religieux qui se sont constitués.
Le mouvement de sécularisation a accompagné l'émergence de la laïcité dans les sociétés occidentales. À l'inverse, le refus de la sécularisation a constitué le socle idéologique sur lequel s'est fondée la société américaine. Aussi le message religieux s'est-il diffusé dans la société. Cette omniprésence du religieux dans la vie publique américaine est telle qu'on parle parfois de religion civile et que la vie politique américaine, depuis une trentaine d'années, est profondément influencée par les groupes de pression religieux qui se sont constitués.
Références
- FROIDEVAUX-METTERIE, « Religion et politique aux
États-Unis », Les États-Unis,
Paris, Fayard, dir. Denis LACORNE, 2006, p.317-330.
- RICHET, Isabelle, La Religion aux États-Unis, Paris, PUF, coll. «Que sais-je?», 2001, P.128.
- RICHET, Isabelle. « De la diversité au pluralisme religieux », Les États-Unis, Paris, Fayard, dir. Denis LACORNE, 2006, p. 299-316.
- FATH S., Dieu bénisse l’Amérique, la religion de la Maison Blanche, Le Seuil, 2004.
- RICHET, Isabelle, La Religion aux États-Unis, Paris, PUF, coll. «Que sais-je?», 2001, P.128.
- RICHET, Isabelle. « De la diversité au pluralisme religieux », Les États-Unis, Paris, Fayard, dir. Denis LACORNE, 2006, p. 299-316.
- FATH S., Dieu bénisse l’Amérique, la religion de la Maison Blanche, Le Seuil, 2004.
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