1. Des sociétés en plein renouvellement
a. L'élévation des qualifications
La croissance des Trente Glorieuses s'accompagne d'une
élévation des qualifications qui est à la
fois cause et conséquence des transformations
économiques. On assiste à une explosion du nombre
des lycéens et des étudiants : en dix
années, de 1967 à 1977, le nombre
d'étudiants en France passe de 450 000 à
730 000. Si 11 % des bacheliers de 1950 ont
accédé à l'enseignement supérieur,
vingt ans après, ce sont 22 % des bacheliers qui
poursuivent leurs études dans l'enseignement
supérieur. Cet accès accru à l'enseignement
secondaire et supérieur ne se fait pas sans
difficulté, comme le montre le mouvement de contestation
étudiante qui agite les différents pays
industrialisés à la fin des
années 1960. Conséquence de l'allongement
de la scolarité, l'insertion dans la vie professionnelle
se fait plus tardive, à un moment où les besoins en
main-d'oeuvre sont les plus vifs, d'où un recours
systématique des pays industrialisés à
l'immigration.
b. Un renouvellement des catégories sociales
On assiste par ailleurs à d'importantes mutations des
catégories sociales. La modernisation technique de
l'agriculture, à partir du début des
années 1950, accélère le déclin
de la population active agricole, son vieillissement et –
par conséquence – l'exode rural. Dans le domaine du
commerce, le développement des grandes surfaces, à
partir de la décennie 1960, tant en Europe qu'aux
Etats-Unis, entraîne une diminution des petits
commerçants, particulièrement dans le secteur du
commerce alimentaire.
Le premier Carrefour ouvre en 1963 à
Sainte-Geneviève-des-Bois dans l'Essonne ;
en 1969, la banlieue parisienne compte
253 hypermarchés.
La consommation de masse est née.
D'une façon générale, on assiste à
un recul des commerçants et des artisans – recul
qui débouche en France sur la contestation poujadiste
– au profit des salariés dont le nombre ne cesse
de croître. Dès lors, les catégories
sociales s'organisent en fonction non plus de la possession ou
non de l'outil de travail, mais du niveau de salaire :
classes moyennes (employés, petits fonctionnaires,
cadres moyens) et nouvelle bourgeoisie (cadres
supérieurs, hauts-fonctionnaires).
2. Les modifications du monde du travail
a. La montée des « cols blancs »
La montée des « cols blancs » (les
employés de bureau par opposition au « col
bleu » de l'ouvrier) correspond à la
montée rapide des activités tertiaires dans les
sociétés industrialisées. Si, jusqu'à
la Seconde Guerre mondiale, la demande en services était
relativement faible, elle se fait plus forte après la
conflit, motivée par le plus grand désir de
confort, d'agrément, de tout ce qu'on appelle alors la
qualité de vie. L'accroissement de la scolarisation, le
développement des études supérieures, le
meilleur encadrement sanitaire, l'expansion des services
financiers, l'allongement du temps de loisirs, tout concourt au
développement du secteur tertiaire. Parmi les
salariés, les « cols blancs »
deviennent ainsi progressivement majoritaires. Ce mouvement se
trouve renforcé avec la désindustrialisation de la
crise des années 1970-1980.
b. La montée du travail féminin
C'est en liaison avec cette tertiarisation des économies
et des sociétés occidentales que s'effectue le
développement du travail salarié des femmes (car
les femmes ont toujours travaillé mais pas
forcément sous forme salariée). La Seconde Guerre
mondiale a été un moment, comme durant le premier
conflit mondial, où les femmes ont dû remplacer les
hommes absents du système productif (y compris à
des postes de direction). Alors qu'après 1918, les
structures économiques n'avaient guère
changé, ne laissant pas de réelle place à
l'épanouissement professionnel des femmes, la
période qui suit le second conflit mondial leur ouvre, au
contraire, de nouvelles possibilités. Assurances, banques,
santé, éducation ou encore commerce, sont autant de
secteurs qui font massivement appel à la main-d'oeuvre
féminine durant les Trente Glorieuses. Plus
généralement, la volonté d'accéder
à un niveau de vie supérieur, se manifestant par un
accès à de nouvelles consommations, justifie aussi
l'accroissement du travail féminin : le salaire de la
femme devient alors dans le ménage un
élément essentiel de l'élévation du
niveau de vie.
L'essentiel
La croissance économique des Trente Glorieuses
s'accompagne de mutations sociales considérables et de
l'apparition de nouveaux modes de vie.
L'élévation des qualifications, les changements
dans les modes de production, notamment avec le
développement du tertiaire et l'apparition de nouveaux
métiers, entraînent un renouvellement des
sociétés occidentales.