Les facteurs de la croissance

On assiste, au lendemain du second conflit mondial à un réveil démographique des pays industrialisés, tout particulièrement de la France, avec des taux de natalité en progression significative. Ce phénomène classique de récupération démographique après un conflit ne concerne toutefois pas tous les pays industrialisés ; si en France le baby-boom est particulièrement important (surtout en regard du malthusianisme français d'avant-guerre), l'Allemagne et le Japon ne connaissent pas ce phénomène. A ce baby-boom, il convient d'ajouter l'importance des flux migratoires : la Seconde Guerre mondiale a été suivie par d'importants mouvements de populations spontanés ou contraints. Ce sont notamment les migrations politiques qui suivent le conflit et la division du monde en deux blocs. Ainsi, près de dix millions de personnes originaires d'Europe centrale et orientale gagnent la RFA durant la période, compensant ainsi largement les pertes démographiques dues à la guerre et l'absence de baby-boom.

Un second facteur démographique entre en jeu : le recul de la mortalité. Les taux moyens de mortalité reculent de l'ordre de 2 ? dans les pays industrialisés entre l'avant-guerre et la seconde moitié des années 1950. Ce recul de la mortalité s'explique par les progrès de la médecine au lendemain du conflit et surtout par un meilleur accès à celle-ci. C'est le développement des techniques radiographiques ou électrocardiographiques qui permet de mieux lutter contre certaines maladies. Du point de vue de l'accès aux soins, l'élément significatif est le développement de l'encadrement médical avec l'accroissement du nombre de médecins et de membres de professions médicales mais aussi par la mise en place, au lendemain du conflit, des différents systèmes de Sécurité ou d'assurances sociales.

La Seconde Guerre mondiale a été l'occasion d'un véritable tournant technologique dans l'histoire de l'humanité. En moins d'un demi-siècle, les connaissances et le comportement des hommes ont été bouleversés. On estime parfois que les Trente Glorieuses ont permis une nouvelle révolution technologique. De nombreuses innovations permettent, dans le domaine des anciennes techniques et vieux secteurs industriels, de créer de nouveaux produits ou d'améliorer les produits existants. Parmi les innovations ou inventions, on peut citer le transistor, apparu à la fin des années 1940 et qui, après avoir reçu ses premières applications dans le domaine de la radio, va contribuer au prodigieux développement de la télévision. L'aéronautique constitue un autre secteur fortement bouleversé par les innovations qui se succèdent durant la période.

Le rôle de l'Etat est un dernier élément explicatif de la croissance. La guerre avait amené l'Etat à prendre le contrôle de l'économie, pour faire face à l'immense effort de guerre. Le conflit terminé, l'ampleur des destructions, la nécessité de reconstruire des pans entiers de certains pays incitent les hommes d'Etat des différents pays européens mais aussi d'Amérique du Nord à maintenir ce contrôle de l'Etat sur l'économie. L'intervention de l'Etat est motivée d'une part par la volonté d'orienter le mieux possible les ressources nécessaires au relèvement économique, d'autre part par le souhait de rendre impossible le retour d'une crise comparable à celle des années 1930. Au lendemain de la guerre, tous les Etats se dotent de structures interventionnistes, notamment avec l'organisation d'une planification indicative mais également la nationalisation de secteurs jugés essentiels à l'intervention de l'Etat dans l'économie (en France, les houillères du Nord Pas-de-Calais en 1944 ; la Banque de France et quatre banques de dépôts en 1945 ; les compagnies d'assurances, le gaz et l'électricité en 1946). Mais c'est par ses dépenses et ses investissements, notamment ceux liés aux infrastructures (de transports, équipements collectifs, etc.), que l'Etat tient la place la plus importante dans les activités économiques.