1. Les mutations du système de production
a. La crise du système tayloriste
Au début des années 1970, lorsque les pays
industrialisés ont commencé à
connaître leurs premières difficultés
économiques, et que les politiques anti-crise ont
rapidement montré leurs limites, l'emploi a
constitué la première variable d'ajustement pour
les entreprises. La réduction de l'emploi permettait en
effet une réduction immédiate des coûts de
production, à la condition qu'elle soit assortie d'une
augmentation de la productivité compensant la diminution
de la main-d'oeuvre. Le chômage bondit alors jusqu'à
atteindre 8 % de la population active des pays
industrialisés au début des
années 1980. C'est en Europe que le chômage est
le plus élevé, avec des taux dépassant
10 % de la population active. La réaction des
pouvoirs publics, dans un premier temps, est de pratiquer des
politiques de relance, dites keynésiennes. Mais la
distribution de pouvoir d'achat, sous forme de prestations
sociales, ne parvient pas à juguler durablement les effets
sociaux de la crise, en particulier le développement du
chômage.
b. Les difficultés à inventer de nouvelles
politiques économiques
L'échec des politiques de relance, d'inspiration
keynésienne, ouvre la voie à de nouvelles
approches, fondées sur les théories
monétaristes. Constatant que le développement du
chômage s'accompagne de la persistance de l'inflation,
phénomène inédit, les économistes
néo-libéraux vont s'attacher à
définir une politique économique de lutte contre
l'inflation. Ils en attendent une diminution des déficits
publics et surtout un retour aux lois du marché. Pour eux,
le marché du travail est un marché comme n'importe
quel autre où l'équilibre ne doit pas être
installé artificiellement. Mises en place au début
des années 1980, ces politiques ne donnent que des
résultats mitigés : le chômage qu'on
pensait conjoncturel est en fait structurel et on
s'aperçoit qu'il devient, pour une partie, incompressible.
Manque de formation ou formation inadaptée aux nouveaux
besoins sont mis en avant pour expliquer ce caractère
incompressible. Seule l'embellie économique de la seconde
moitié des années 1980 et celle de la seconde
moitié des années 1990 permettent une
réduction du taux de chômage. Mais sitôt
l'embellie passée, la tendance s'inverse.
2. Le bouleversement du rapport au travail
a. La révolution numérique
Une explication de l'envolée du chômage depuis le
milieu des années 1970 peut être trouvée
dans la révolution numérique qui affecte tous les
secteurs productifs. Pour compenser la diminution de
main-d'oeuvre destinée au départ à restaurer
la compétitivité de leurs prix, les entreprises ont
cherché à enregistrer des gains de
productivité importants, ouvrant ainsi la voie à un
cercle vicieux où ces gains de productivité
permettaient une nouvelle réduction de la
main-d'oeuvre...
Souvent réduite à ses seuls aspects informatiques,
la révolution numérique a concerné d'abord
le monde industriel, avec l'apparition et la
généralisation des machines à commande
numérique, offrant à la fois une meilleure
précision et une meilleure productivité. Leur
asservissement progressif à l'informatique a ouvert la
voie à une production industrielle de plus en plus
automatisée où l'intervention humaine peut se
limiter à une simple surveillance du processus de
production. Les services sont restés longtemps à
l'écart de la révolution numérique
jusqu'à ce que l'informatique vienne là encore
bouleverser le monde du travail en permettant des gains de
productivité considérables. Le simple travail de
caissière a ainsi été profondément
transformé par l'irruption des codes-barres qui permettent
d'éviter la saisie du prix de chaque article. Certains
spécialistes estiment que la productivité d'une
caissière a ainsi été triplée.
b. Le partage du travail
Pour la première fois depuis un siècle, la
croissance économique ne se traduit pas par une
augmentation de l'emploi. Se pose la question d'un partage du
travail et son corollaire, celle de la réduction du temps
de travail. Peu de pays se sont résolument engagés
dans la voie de la réduction du temps de travail. Certains
l'ont fait de façon déguisée, comme au Japon
où les entreprises, qui fonctionnaient durablement en
imposant des heures supplémentaires à leurs
salariés, ont réduit leur contingent d'heures
supplémentaires pour réduire leurs coûts.
D'autres pays, comme les Pays-Bas, privilégient le temps
partiel. Seule la France a opté pour une réduction
massive de la durée légale du travail. Dans tous
les cas, il s'agit de mieux répartir le travail et
d'éviter les inégalités d'un partage entre
ceux qui ont un travail et ceux qui n'en ont pas.
L'essentiel
L'emploi est, traditionnellement, une variable d'ajustement des
prix de revient dans les économies
industrialisées. Aussi n'est-il pas étonnant,
dans les années 1970, d'assister à un
développement du chômage. Mais ce dernier a
rapidement pris des proportions inédites depuis un
siècle en continuant à progresser alors que
l'activité économique continuait à se
développer.