1. La formation d'une coalition fragile
a. La double opposition communiste et gaulliste
En 1947, une double menace pèse sur la
IVe République, puisque deux
partis politiques se placent résolument dans
l'opposition. Le PCF (Parti Communiste Français)
adhère en 1947 au Kominform, s'alignant ainsi
sur l'URSS. Il s'isole dans une opposition très
dure, accusant le régime de la IVe
République d'être inféodé aux
États-Unis.
Sur la droite, le RPF (Rassemblement du Peuple
Français) est fondé par le
général de Gaulle le 7 avril 1947.
Anticommuniste et fermement opposé aux
institutions de la Quatrième République, le
RPF entend réunir tous les Français
au-delà des partis politiques. Le succès du
RPF est foudroyant, notamment aux élections
municipales d'octobre 1947.
b. La coalition de la Troisième force
Face à la force de cette double opposition, les
partis qui soutiennent la IVe
République sont contraints de s'unir. Cette
fragile entente prend le nom de
« Troisième force », et
réunit les socialistes, le MRP, les radicaux et
certains modérés. Sur certains points
essentiels, notamment en matière
économique, cette coalition est
divisée : les socialistes sont partisans de
l'intervention de l'Etat dans l'économie, alors
que les modérés y sont opposés. Mais
la Troisième force est soudée par son
opposition commune aux deux autres forces : les
communistes et les gaullistes.
c. La tentation de l'immobilisme
Les contradictions sont donc nombreuses au sein de la
coalition ; il existe donc de forts risques
d'instabilité ministérielle. La seule
manière d'empêcher la fréquente chute
des gouvernements est d'éviter de prendre des
décisions tranchées. Cette tactique
d'immobilisme est pratiquée avec talent par le
radical Henri Queuille, qui fut président du
Conseil à plusieurs reprises. Cette façon
de gouverner est impopulaire, mais permet dans
l'immédiat au régime de survivre.
2. Les réalisations de la Troisième force
a. La politique extérieure
Les partis de la Troisième force s'entendent sur
les orientations fondamentales de la politique
étrangère. Dans le contexte de Guerre
froide, la priorité est donnée aux choix
pro-occidentaux. La France signe ainsi le Pacte
atlantique le 4 avril 1949, traité
d'alliance défensive entre dix pays
européens, les Etats-Unis et le Canada. La
Troisième force met également en route la
construction européenne par la création de
la CECA (Communauté Européenne du Charbon
et de l'Acier) en 1950.
b. La politique coloniale
L'anticommunisme de la coalition se manifeste
également dans la politique coloniale. La
Troisième force refuse la décolonisation et
mène en Indochine une difficile guerre contre le
Vietminh. En Afrique du Nord, la Troisième force
oppose la fermeté aux revendications des
nationalistes marocains et tunisiens.
c. L'oeuvre de reconstruction
La Troisième force poursuit l'oeuvre de
reconstruction, dans le cadre du plan Monnet
défini en 1947. En 1949, le niveau de la
production industrielle d'avant-guerre est
retrouvé et le rationnement supprimé.
Les problèmes financiers divisent cependant la
majorité, et restent préoccupants :
inflation, affaiblissement du franc, déficit
budgétaire.
3. L'effondrement de la Troisième force
a. Les divisions de la Troisième force
La Troisième force ne peut constituer qu'une
solution provisoire, car dans la gestion quotidienne des
affaires, les divergences sont fortes entre socialistes,
libéraux et radicaux. Chacun des partis
souhaiterait reprendre sa liberté, mais
jusqu'en 1951, les oppositions communiste et
gaulliste obligent à conserver l'entente, sous
peine de mettre en péril le régime.
b. Les élections de 1951
La forte audience des communistes et des gaullistes rend
l'échéance des élections
législatives de 1951 très
aléatoire pour la Troisième force. Pour se
maintenir au pouvoir, une nouvelle loi électorale
est adoptée par la coalition : la loi des
apparentements votée en mai 1951. Les listes
qui se seront déclarées
« apparentées » et
obtiendront la majorité absolue dans une
circonscription se partageront tous les sièges. Le
PCF et le RPF sont défavorisés par ces
dispositions.
Grâce à cette loi, la coalition conserve, de
peu, la majorité.
c. La dislocation de la Troisième force
Malgré cette courte victoire électorale, la
Troisième force ne tarde pas à se
disloquer. Le RPF est décidé à faire
éclater les incohérences de la coalition,
et notamment du nouveau gouvernement dirigé par
René Pleven. Le RPF se sert pour cela de la
question scolaire, et fait voter les lois
Marie-Barangé qui favorisent l'école
privée. Le MRP et la droite votent avec le RPF
alors que les socialistes, attachés à la
laïcité, s'opposent à la loi,
rejoignant le PCF dans l'opposition. La majorité
éclate. L'investiture d'Antoine Pinay en
mars 1952 met fin à la Troisième
force, et marque le retour de la droite au pouvoir.