1. La gauche : un nouveau projet social ?
a. L'attention portée au « peuple de
gauche »
Le début du septennat de François Mitterrand est
présenté comme la victoire des opprimés.
Dès son élection, le nouveau président de la
République indique qu'il compte mener une politique en
faveur du « peuple de gauche ». Il choisit
Pierre Mauroy comme Premier ministre. Cet homme du Nord, ancien
militant syndical, connaît bien les milieux populaires. Les
mesures prises par le premier gouvernement Mauroy ont donc un
fort contenu social : attribution d'une cinquième
semaine de congés payés, augmentation du SMIC de
10 %, relèvement des allocations familiales, projet
de création de 55 000 emplois publics. Cette
politique cherche donc à satisfaire les revendications des
salariés, en accentuant le rôle de l'Etat
providence. Mais la nouvelle majorité souhaite
également prendre en compte les aspirations nouvelles qui
sont apparues depuis 1968, et permettre de
« changer la vie ».
b. Satisfaire les revendications salariales
La politique économique et sociale de François
Mitterrand se situe dans le prolongement historique du Front
populaire. Plusieurs mesures cherchent ainsi à
réformer la société dans un sens plus
favorable aux catégories sociales
défavorisées. Ainsi est créé
l'impôt sur les grandes fortunes en 1981 : cet
impôt touche alors 200 000 personnes, soit
1 % des foyers fiscaux. Sa valeur symbolique est
évidemment très grande.
D'autres mesures ont également un fort contenu
social : retraite à 60 ans, instauration de la
semaine de 39 heures... Les nationalisations illustrent
également l'idée qu'il revient à l'Etat de
changer les conditions économiques et sociales.
c. « Changer la vie »
Les mesures prises ont également pour but d'adapter la
société française à la
modernité, et de lui donner un nouveau visage. On peut
citer parmi ces mesures la suppression de la peine de mort ou la
création des radios libres. Le mouvement de
décentralisation, lancé en 1982, permet de
rapprocher le pouvoir des citoyens, par un transfert de
compétences de l'Etat aux collectivités locales
(communes, départements, régions). Les lois Auroux,
préparées en 1982 par le ministre du Travail
Jean Auroux, tentent d'instaurer la démocratie dans
l'entreprise, en attribuant davantage de droits aux
travailleurs : droit d'expression, obligation d'une
négociation annuelle des salaires... Une réforme du
système hospitalier et une réforme de
l'enseignement sont également lancées.
Un grand chantier de réflexion est donc entamé pour
changer en profondeur les structures de la société
française.
2. Le nouveau projet social à l'épreuve des faits
a. Les mécontentements sociaux
Les difficultés qui apparaissent rendent de plus en plus
difficile la mise en pratique des évolutions sociales
souhaitées par la gauche au pouvoir. Les réformes
sont d'abord bien accueillies par l'opinion, mais
progressivement, le changement amène des
mécontentements. Pour certains, les réformes ne
sont pas assez radicales, tandis que pour d'autres, elles vont
déjà trop loin. Plusieurs catégories de la
population protestent contre la remise en cause de leur
situation : protestation des médecins contre les
transformations du système médical, colère
des commerçants et des industriels contre la lourdeur des
charges, manifestations des cadres qui se plaignent de la
lourdeur des impôts...
Le mécontentement le plus grand est suscité par les
projets de réforme de l'école privée. Les
oppositions à ces réformes se multiplient et
culminent le 24 juin 1984 à Paris, où environ
un million de manifestants défilent dans les rues. Le
12 juillet, le président de la République doit
annoncer le retrait du projet.
b. Une société victime de la crise
L'échec du nouveau projet social résulte surtout de
la crise économique et de ses conséquences
sociales. La crise accélère les restructurations
économiques, et les fermetures de mines et d'usines
sidérurgiques dans le Nord et la Lorraine. Les effectifs
du monde ouvrier diminuent : au cours des
années 1980, l'industrie a perdu plus de
800 000 emplois. La crise se manifeste surtout à
travers le chômage. Le taux de chômage est ainsi
passé de 6,4 % de la population active en 1980
à 10,2 % en 1985. Le chômage frappe plus
les femmes (12,9 % en 1985 contre 8,3 % pour les
hommes), et les jeunes : le taux de chômage des jeunes
de moins de 25 ans atteint 25,4 % en 1985.
La crise provoque également un ralentissement global de la
progression des revenus, alors que pendant les Trente Glorieuses,
le pouvoir d'achat des Français avait connu une
augmentation sans précédent. Ce
phénomène touche particulièrement les
classes moyennes.
c. Une nouvelle pauvreté
La montée du chômage a eu pour conséquence le
développement de nouvelles formes d'exclusion et de
pauvreté. Au cours des années 1980, le
chômage de longue durée conduit certaines personnes
à perdre progressivement tout lien avec la
société. Les plus démunis se trouvent
bientôt exclus de la société, sans
ressources. Pendant l'hiver 1984-1985, le froid tue
145 personnes en France. L'humoriste Coluche crée
en 1985 les Restos du coeur, qui distribuent gratuitement
des repas grâce aux dons et à l'argent
récolté par les concerts et la vente de
disques.
Les pouvoirs publics tentent eux aussi de venir en aide à
ces populations particulièrement démunies. Le
Premier ministre Michel Rocard crée en 1988 le RMI
(Revenu Minimum d'Insertion), allocation versée chaque
mois par l'Etat et les collectivités locales aux
chômeurs en fin de droits (c'est-à-dire ne touchant
plus d'indemnités) et aux personnes de plus de 25 ans sans
revenu. Le RMI compte
335 000 bénéficiaires en 1989.
L'essentiel
Arrivée au pouvoir en mai 1981, la gauche
française est porteuse d'un nouveau projet social. Ce
projet a pour but de satisfaire les revendications
traditionnelles des salariés, mais aussi de
réformer profondément les structures de la
société. Les premières mesures vont dans
ce sens, mais les réticences d'une partie de la
population freinent le mouvement. Les années 1980
apparaissent en fait surtout marquées par les
conséquences sociales de la crise économique
(chômage, pauvreté).