Les Etats d’Amérique latine ont peu de facteurs
d’unité. Seules les langues parlées, espagnol
et portugais, des moments historiques communs et
l’omniprésence des Etats-Unis jusqu’aux
années 80, fondent leur unité.
Depuis maintenant presque vingt ans ils prennent leurs distances
vis-à-vis de la puissance nord-américaine et
cherchent à mettre en place des espaces politiques et/ou
économiques d’intégration. La multiplication
de ces tentatives montre bien les difficultés qu’ils
doivent affronter.
Quels sont les facteurs de différenciation et les
principales tentatives d’intégration ?
1. Les facteurs de différenciation
Plusieurs paramètres peuvent être pris en compte
pour établir une typologie régionale :
le
niveau de croissance économique, le Produit
Intérieur Brut (PIB) par habitant, l’Indice de
Développement Humain (IDH) ou encore le niveau de
relations économiques avec les Etats-Unis. Ces
paramètres permettent de distinguer six ensembles
régionaux.
a. Les pays émergents
Le Brésil est le premier d’entre
eux. C’est un pays fortement urbanisé et dont la
croissance industrielle est forte : son entreprise
Empresa Brasileira de Aeronautica est
le troisième constructeur d’avions au
monde derrière Boeing et Airbus. Son IDH
moyen s’élève à 0,8 et son
PIB par habitant à 10 000 dollars mais il est
marqué par de fortes inégalités
sociales.
La Colombie, le Venezuela et le Paraguay sont
également considérés comme des pays
émergents, Le Venezuela grâce à
son pétrole, la Colombie grâce à son
café, son pétrole et son charbon, et ce
malgré le handicap politique que représente le
mouvement révolutionnaire des FARC.
Quant au Paraguay, il est le quatrième exportateur
mondial de soja, dispose d’une industrie agroalimentaire
et de richesses minières (fer et manganèse.
Tous ces Etats en en particulier le Venezuela et le
Brésil prennent leurs distances vis-à-vis des
Etats-Unis, cherchent des accords régionaux et des
partenariats commerciaux extérieurs au continent.
b. Les Etats andins
Il s’agit de l’Equateur, du Pérou,
de la Bolivie qui ont en commun :
- la contrainte géographique du milieu montagnard ;
- un IDH qui va de faible à moyen : de 0,69 pour la
Bolivie (115e rang mondial) à 0,76 pour
l’Equateur (83e rang mondial).
La Bolivie dispose de gaz et de pétrole mais
l’absence d’accès à
l’océan constitue un handicap majeur. Le
Pérou est un des Etats les plus pauvres car un habitant
sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté. Sa
principale ressource est le tourisme.
L’Equateur enfin est le premier exportateur mondial de
bananes et dispose aussi de pétrole.
c. Le troisième groupe homogène est celui du
cône sud
Argentine Uruguay et Chili forment
l’Amérique latine « blanche
». Ce sont des Etats anciennement et puissamment
industrialisés qui ont les meilleurs IDH du continent
sud américain, toujours supérieurs à
0,85.
L’Argentine a une agriculture et une industrie
développée mais elle sort doucement de la
terrible crise économique de 2002 qui a
placé un argentin sur deux en dessous du seuil de
pauvreté ; la situation est loin d’être
rétablie.
L’Uruguay dispose d’une industrie agroalimentaire
et d’une industrie touristique performantes mais, il
subit le contrecoup de la crise économique de
son principal partenaire économique,
l’Argentine, et connait une récession durable.
Le Chili, dans ce groupe, fait figure de « bon
élève ». Il dispose d’abondantes
ressources en cuivre, d’un tourisme
développé, entretient de bonnes relations avec
les Etats-Unis et s’ouvre largement aux échanges
avec l’Union Européenne.
d. Les autres cas
Les Etats de l’Amérique centrale forment avec les
grandes Antilles un groupe homogène : ce sont tous de
petits Etats, avec un Indice de Développement Humain qui
va de moyen à faible, peu industrialisés et
largement sous la dépendance des Etats Unis à
l’exception de Cuba.
Le groupe Guyana, Surinam, Guyane française n’est
pas assez homogène pour entrer dans une typologie.
Enfin le Mexique, du fait de sa forte avec les Etats-Unis
représente un cas particulier.
2. La multiplicité des intégrations
régionales et leurs enjeux
a. L’émancipation progressive de
l’Amérique latine
Avec la Zone de Libre Echange Américaine
(ZLEA), les Etats-Unis souhaitaient étendre
à tout le continent américain l’accord
commercial qui les lie au Canada et au Mexique, accord qui
s’est traduit par un réel asservissement de
l’économie mexicaine à celle des
Etats-Unis.
Mais des coalitions de gauche prennent le
pouvoir dans certains Etats d’Amérique latine
s’ouvrant ainsi à l’alternance
démocratique et s’opposent aux projets
américains.
Ainsi en novembre 2005, les participants au
quatrième sommet des Amériques ont fait savoir
aux Etats-Unis qu’ils n’approuvaient pas ce projet.
Décision en partie imputable aux trois dirigeants
opposés à l’impérialisme
économique étatsunien : Lula, Fidel
Castro et Hugo Chavez.
Par ailleurs, le phénomène de
mondialisation favorise dans la région les
regroupements régionaux et la recherche de nouveaux
partenaires commerciaux autres que les Etats-Unis.
Enfin l’affaiblissement relatif de ces derniers et
l’accès progressif au statut de puissance
intermédiaire du Brésil dopent cette
volonté d’émancipation.
b. Les principales intégrations économiques
latino-américaines
La CARICOM (Communauté des
Caraïbes) unit depuis 1973 en un marché
commun de marchandises et de services quinze Etats membres et
cinq Etats associés (presque tous de langue anglaise)
qui mettent également en place un TEC (Tarif
douanier Extérieur Commun).
En 1990 la Communauté Andine des Nations (CAN)
succède au Pacte Andin et unit le Venezuela (qui
l’a quittée en 2006), l’Equateur, la
Colombie, la Bolivie et le Pérou. Si ce
rapprochement a permis de resserrer les liens entre ces pays,
les objectifs économiques initialement fixés
n’ont pas été atteints en raison de freins
juridiques et administratifs.
Le MERCOSUR ou Marché Commun du Sud unit depuis
le 1er janvier 1995 l’Argentine, le
Brésil, l’Uruguay et le Paraguay. Il se
fixe pour objectifs d’établir un tarif
douanier extérieur commun (TEC),
d’augmenter les échanges, de développer les
spécialités industrielles et agricoles de chacun
des pays afin d’atteindre la
complémentarité (théorie des avantages
comparatifs) et d’attirer les IDE
(Investissements Directs à l’Etranger).
De la sorte, la croissance de chacun des participants devrait
être stimulée au profit des populations. En 2006,
le Venezuela d’Hugo Chavez rejoint le Mercosur
et le renforce du poids de son économie
largement centrée sur le pétrole. En
2004, au sommet de Cuzco, les
responsables brésiliens, proposent de fondre en une
Communauté sud américaine des nations
(CSN), la CAN, le MERCOSUR et certains Etats de la
CARICOM.
c. Vers de vraies transformations
Trois axes semblent particulièrement porteurs de
nouvelles dynamiques. Tout d’abord le MERCOSUR
s’étoffe puisque la mise en place d’un
tribunal, d’un Parlement et d’une banque
régionale vont lui donner une assise juridique,
administrative et financière.
Ensuite les trois grandes compagnies pétrolières
latino américaines, Petrobras pour le
Brésil, PDVSA pour le Venezuela et Enarsa pour
l’Argentine, devraient fusionner pour certaines
activités de prospection et de raffinage.
Enfin de grands projets relatifs aux moyens de
communication (infrastructures portuaires et axes de
transports) devraient se concrétiser pour dynamiser les
échanges interrégionaux et désenclaver les
territoires difficiles d’accès.
L’essentiel
Depuis le début des années 50 les
Etats d’Amérique latine avaient perçu la
nécessité d’intégration
régionale. La mainmise des Etats-Unis, à la fois
politique et économique, la mise en place des
dictatures, la peur du communisme ont bloqué ces
processus jusqu’à la fin des années 80.
A la fin des années 90, après une décennie
de transition, des gouvernements progressistes prennent leurs
distances vis-à-vis du continent nord-américain
et mettent en place les structures d’un
développement intégré régional.
Seul le Mexique reste arrimé aux Etats-Unis dans le
cadre de l’ALENA.