Peut-on encore parler de science là où il n'y a pas de démonstration ?
- soit critère signifie condition nécessaire et suffisante : la démonstration est-elle ce qui fait qu'une science est une science ?
- soit critère signifie simplement indice ou symptôme : la démonstration est-elle ce qui permet de reconnaître ou d'identifier une science ?
Le premier problème est d'ordre métaphysique (lié au fondement) puisqu'il vise l'essence de la science et le second est épistémique (lié à notre connaissance) puisqu'il vise à justifier s'il y a science ou non.
La démonstration au sens large est un raisonnement qui enchaîne rigoureusement des propositions visant à prouver un résultat ou une conclusion. Sa forme logique est fournie par Aristote à partir du syllogisme, raisonnement qui, de deux prémisses (propositions), permet de déduire nécessairement une conclusion : « Tout homme est mortel, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel ».
La démonstration (apodeixis) au sens étroit est le syllogisme dit « scientifique » dont les prémisses doivent être vraies absolument, mieux connues que la conclusion. Autrement dit, il ne peut pas y avoir de science là où il n'y a pas syllogisme scientifique donc de démonstration. Démonstratif au sens fort voulant dire discours fondé sur des principes apodictiques c'est-à-dire vrais, universels et nécessaires.
Il s'agit alors d'élargir sa méthode pour bien l'appliquer à toute la connaissance. Descartes fonde ainsi la science sur une méthode universelle (Mathesis Universalis) qui consiste à bien conduire sa raison, « chose du monde la mieux partagée », quelque soit l'objet à connaître. Toute chose est ainsi démontrable pour qui procède par méthode jusqu'à la démonstration de l'existence de Dieu comme fondant la vérité.
On peut retenir que, si une science n'est une science qu'en raison de sa méthode, celle-ci n'est donc plus limitée par ses objets et les mathématiques sont ainsi présupposées comme la sève alimentant tous les niveaux de la connaissance. Il n'y a science que là où l'on conduit ses pensées conformément à l'ordre des raisons donc démonstrativement depuis les objets les plus simples (méta-physiques : Dieu, l'âme) jusqu'aux plus complexes (physiques : le monde extérieur, l'union de l'âme et du corps et les passions).
Toutefois le problème de la scientificité d'une science peut se poser à nouveaux frais en faisant l'économie de toute fondation métaphysique de la démonstration. La question de savoir si la démonstration est un critère de scientificité signifie désormais de manière critique : la démonstration permet-elle de discerner une science d'une non-science ?
À chaque fois il s'agit de prouver, mais selon le type de science convoquée, la nature de la preuve change : en mathématique ou en logique, la démonstration est formelle puisqu'elle repose sur des objets construits par la raison ne dépendant pas de l'expérience (déduction) tandis que toutes les autres sciences se confrontent au réel et nécessitent la remontée depuis les faits jusqu'à leurs causes (induction). La méthode expérimentale associe la logique et l'expérience pour conduire au vrai, c'est-à-dire au réel.
En dehors des sciences formelles comme les mathématiques et la logique, on peut donc affirmer que la démonstration n'est plus le seul critère pour reconnaître la science. Toute science empirique ayant une relation aux faits de l'expérience, donc au réel, doit nécessairement faire appel à la méthode inductive puisqu'elle part toujours d'un donné irréductible et particulier.
Popper propose un critère de démarcation entre science et non-science à partir de la déduction comme méthode de contrôle. La démonstration s'infléchit : elle n'est plus positivement ce qui permet de prouver la vérité d'une théorie. Le critère de scientificité devient la falsifiabilité d'une théorie, c'est-à-dire sa capacité d'être réfutée par des expériences déductibles en principe de la théorie en question. « Scientifique » voulant dire négativement « réfutable », la théorie de Popper permet de tracer une ligne de démarcation entre science et pseudo-science. Par exemple le freudisme ou le marxisme ne sont pas scientifiques car rien ne peut les tester c'est-à-dire les réfuter. Sans les discréditer, elles relèvent d'une autre procédure de connaissance.
Mais il ne s'agit pas pour autant de nier la capacité de certaines disciplines de faire sens. La démonstration est un modèle explicatif du réel certes toujours convocable pour les sciences de la nature, mais l'interprétation est le modèle compréhensif du réel humain.
Dilthey développe l'idée profonde qu'il existe un abîme entre les sciences de la Nature et les sciences de l'Esprit à partir de la distinction entre expliquer et comprendre. Si ces deux activités sont hétérogènes, elles ont toutes deux un souci « démonstratif » au sens large, mais la première est extérieure à son objet alors que l'autre appartient elle-même à ce qu'elle cherche à connaître. L'explication (dont l'étymologie renvoie au fait de déplier) est démonstrative parce qu'elle implique une relation externe entre une cause et son effet, alors que l'interprétation (lire-entre) est une forme de compréhension qui relève plutôt de la notion de sens que de la vérité. Par exemple les interprétations de la psychanalyse ou de l'histoire ne doivent pas être confondues avec des hypothèses scientifiques et ceci n'a rien de péjoratif : l'interprétation n'est pas démonstrative au sens fort puisque c'est nous qui lui donnons son sens.
Descartes, Règles pour la direction de l'esprit (1-6).
Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale.
Karl Popper, La Logique de la découverte scientifique.
Wilhelm Dilthey, Le Monde de l'Esprit.

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