L'Etat
Tel est le fameux paradoxe de La Boétie. Aucune autorité, aucun pouvoir ne peuvent se maintenir à l'existence, s'ils ne s'appuient pas sur le consentement de ceux qui en supportent le joug. Il faut donc supposer que l'avantage contrebalance suffisamment les inconvénients de vivre dans un Etat. Cela signifie notamment que l'autorité de l'Etat ne peut reposer sur un simple état de fait, mais qu'il suppose au contraire l'adhésion librement consentie des citoyens.
Inversement, sans un tel consentement, aucun déploiement de force, aucun régime de terreur ne peut être sûr de conserver durablement le pouvoir, s'il ne s'efforce de transformer l'état de fait en état de droit (voir Rousseau, Le Contrat social).
Dans ce cas, tout ce que la coutume et la tradition ont sanctionné est juste aussi longtemps que cela ne contrarie pas les intérêts en jeu dans le présent. De ce principe, on peut tirer deux interprétations de la légitimité d'un Etat. Soit, avec Locke, on affirme que « c'est la loi qui commande et s'impose » (voir Deux Traités du gouvernement) ; soit, avec Hobbes, on assure que « ce n'est pas la vérité, mais l'autorité qui fait la loi » (Le Leviathan, chap. XXVI).
Une dernière réponse possible est celle de Rousseau, considéré comme l'un des théoriciens de la démocratie moderne. Le fondement de l'autorité de l'Etat réside dans la « volonté générale » (Le Contrat social). Cette volonté générale, qui ne se confond pas avec celle de la majorité des suffrages, est la volonté de tout un peuple ou d'une nation. Elle est fondatrice d'un pacte social, qui veut qu'en principe la liberté de chacun soit compatible avec celle de tout autre. Locke tirait de son principe « le droit à l'insurrection », lorsque l'Etat ou le pouvoir en place a outrepassé ses droits. En revanche, la primauté de la volonté générale justifie selon Rousseau le recours à la force ou aux « pouvoirs spéciaux » (voir la Constitution de la Ve République), lorsque l'intérêt de l'Etat et de la communauté sont en jeu. En effet, le souverain ne peut se tromper, puisqu'il ne peut vouloir que son propre bien. « Le peuple est toujours vertueux », affirme Rousseau, avec plus de conséquence peut-être que de sagesse.
On peut se demander si ces questions ne présupposent pas la séparation de la morale (ou considération sur les fins reconnues comme bonnes par elles-mêmes) et la politique (définie comme l'art de s'emparer du pouvoir et de le conserver, dans la tradition de Machiavel). Or, cette opposition ne conduit-elle pas à se résigner devant l'impuissance de la morale et à justifier indirectement l'immoralité de la puissance politique, forte de ses seuls succès ?
Deux orientations divergentes se dessinent. Soit l'Etat exerce sa puissance selon une finalité qui lui appartient en propre. L'individu et sa puissance sont subordonnés à la volonté de l'Etat ; il fait partie d'un tout, une communauté (peuple, nation) dont les desseins sont irréductibles à la somme des intérêts particuliers ; il mène dans l'histoire universelle son propre jeu. Cette orientation conduit irrésistiblement sur la pente de l'Etat totalitaire (voir Hannah Arendt ou Raymond Aron).
Soit, au contraire, l'Etat n'a d'autre fin que celle de l'individu ; et loin de dicter à ses membres ce qu'ils doivent penser, il ne se justifie que pour permettre à chacun d'exercer ce qui constitue sa fin dernière, c'est-à-dire l'usage de sa raison et de son jugement (voir Spinoza, Traité théologico-politique, chap. XX). Dans ce cas, la fin de l'Etat désigne en même temps sa limite. Une force coercitive peut contraindre les corps à s'incliner, mais elle ne peut empêcher de penser que deux et deux font quatre et qu'il est préférable de suivre sa raison plutôt que les puissances du jour.

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