La communication est-elle la première fonction du langage ?
1. Le langage est ce qui nous permet de communiquer avec
autrui
a. L'opinion commune
Quand nous prenons la parole, disons-nous, c'est afin
d'exprimer notre pensée, et par là
de la communiquer ; ce mot signifie en effet
étymologiquement « mettre en
commun » quelque chose – ici,
nos pensées.
Ainsi le langage, oral ou écrit, nous apparaît d'abord comme un moyen, ou un instrument, dont la fonction est de communiquer. Mais cette première idée doit être justifiée.
Ainsi le langage, oral ou écrit, nous apparaît d'abord comme un moyen, ou un instrument, dont la fonction est de communiquer. Mais cette première idée doit être justifiée.
b. Les mots sont des signes dont la fonction est
d'extérioriser nos pensées
J. Locke met ainsi en
évidence le fait que le langage a
été créé afin que les hommes
puissent entrer en relation et échanger leurs
idées : « Comme on ne saurait
jouir des avantages et des commodités de la
société sans une communication de
pensée, il était nécessaire que
l'homme inventât quelques signes extérieurs et
sensibles par lesquels ces idées
invisibles, dont nos pensées sont
composées, puissent être
manifestées aux autres. »
Les mots sont donc bien des signes linguistiques qui ont pour fin d'extérioriser et par là de communiquer nos pensées.
Les mots sont donc bien des signes linguistiques qui ont pour fin d'extérioriser et par là de communiquer nos pensées.
c. Le langage n'est qu'un
« instrument » dont la fonction est
de communiquer
C'est ainsi que la linguistique classique décrit
le fonctionnement du langage, qui implique selon
elle :
– un « émetteur » ou « locuteur », qui exprime une idée ;
– un « récepteur » ou « auditeur », qui l'écoute ;
– un « référent » : ce dont on parle, les échangées ;
– un « code », la langue, que le locuteur utilise pour exprimer sa pensée.
Ainsi les échanges linguistiques sont décrits comme n'importe quel « instrument de communication » (un téléphone, par exemple, implique aussi un « émetteur » et un « récepteur » entre lesquels circulent les informations codées sous forme d'influx électriques). Et, même si les linguistes admettent que le langage peut s'utiliser à diverses fins (donner un ordre, écrire des poèmes, etc.), ils maintiennent cependant le plus souvent, comme G. Mounin, que « la fonction communicative est la fonction première, originelle et fondamentale du langage, dont toutes les autres ne sont que des aspects ou des modalités non-nécessaires ». Mais cette façon de décrire le langage ne doit-elle pas être questionnée ?
– un « émetteur » ou « locuteur », qui exprime une idée ;
– un « récepteur » ou « auditeur », qui l'écoute ;
– un « référent » : ce dont on parle, les échangées ;
– un « code », la langue, que le locuteur utilise pour exprimer sa pensée.
Ainsi les échanges linguistiques sont décrits comme n'importe quel « instrument de communication » (un téléphone, par exemple, implique aussi un « émetteur » et un « récepteur » entre lesquels circulent les informations codées sous forme d'influx électriques). Et, même si les linguistes admettent que le langage peut s'utiliser à diverses fins (donner un ordre, écrire des poèmes, etc.), ils maintiennent cependant le plus souvent, comme G. Mounin, que « la fonction communicative est la fonction première, originelle et fondamentale du langage, dont toutes les autres ne sont que des aspects ou des modalités non-nécessaires ». Mais cette façon de décrire le langage ne doit-elle pas être questionnée ?
2. Le langage n'est pas un
« instrument » dont la
« fonction » serait de communiquer
a. La communication est une fonction que le langage
remplit souvent bien mal
Combien de fois en effet, voulant exprimer une
idée nouvelle, un sentiment particulier, nous
sommes nous exclamés : « je
n'arrive pas à dire ce que je
ressens ». Souvent, le langage semble en effet
incapable de
communiquer ce que nous voulons dire, et ce
pour deux raisons :
1) le langage n'est que conventionnel, de sorte qu'il ne peut jamais représenter avec exactitude nos pensées ou sentiments ;
2) les mots sont généraux, de sorte qu'ils ne disent pas ce qu'il y a de particulier dans ce que nous cherchons à exprimer.
1) le langage n'est que conventionnel, de sorte qu'il ne peut jamais représenter avec exactitude nos pensées ou sentiments ;
2) les mots sont généraux, de sorte qu'ils ne disent pas ce qu'il y a de particulier dans ce que nous cherchons à exprimer.
b. Le langage n'est pas un instrument
Le langage, à vrai dire, n'est pas un « outil »
extérieur à moi que j'utilise
dans un but déterminé (comme on utilise un
marteau pour planter un clou).
Pour le comprendre, il suffit de se référer à la façon dont nous expérimentons le langage : quand j'écoute quelqu'un parler, je n'ai pas à m'interroger longuement pour savoir quelles pensées me sont ainsi communiquées dans les mots, je n'ai pas à « traduire » ces mots en idées ; mais le sens, les idées me sont données instantanément dans et par les paroles mêmes de l'autre.
Le langage n'est pas un instrument extérieur à nous ; par suite, il ne saurait être défini par une fonction unique – et moins que toute autre peut-être par celle qui consisterait à « communiquer ». Comment alors déterminer la nature du langage ?
Pour le comprendre, il suffit de se référer à la façon dont nous expérimentons le langage : quand j'écoute quelqu'un parler, je n'ai pas à m'interroger longuement pour savoir quelles pensées me sont ainsi communiquées dans les mots, je n'ai pas à « traduire » ces mots en idées ; mais le sens, les idées me sont données instantanément dans et par les paroles mêmes de l'autre.
Le langage n'est pas un instrument extérieur à nous ; par suite, il ne saurait être défini par une fonction unique – et moins que toute autre peut-être par celle qui consisterait à « communiquer ». Comment alors déterminer la nature du langage ?
3. Les multiples fonctions du langage humain
a. Le langage ne sert pas à communiquer notre
pensée : il est cela même qui la
constitue
Tant qu'elle n'est pas mise en mots,
organisée sous la forme d'énoncés
clairs, notre pensée demeure floue ou
évanescente : « abstraction faite
de son expression par les mots, notre pensée n'est
qu'une masse amorphe et indistincte »,
écrit en ce sens le linguiste Ferdinand de Saussure,
« prise en elle-même, la pensée
n'est qu'une nébuleuse où rien n'est
délimité. Il n'y a pas d'idées
préétablies, et rien n'est distinct
avant l'apparition de la langue ».
Autrement dit, la pensée ne précède pas le langage ou les mots, qui ne serviraient qu'à l'extérioriser dans un second temps : mais c'est dans et par les mots qu'elle se constitue. C'est pourquoi Hegel dira que « c'est dans les mots que nous pensons », et que « vouloir penser sans les mots est une tentative insensée ».
Autrement dit, la pensée ne précède pas le langage ou les mots, qui ne serviraient qu'à l'extérioriser dans un second temps : mais c'est dans et par les mots qu'elle se constitue. C'est pourquoi Hegel dira que « c'est dans les mots que nous pensons », et que « vouloir penser sans les mots est une tentative insensée ».
b. Par là, le langage structure notre
perception du monde
Les anthropologues E.
Sapir et B. L.
Whorf ont montré que des langues
différentes entraînent des conceptions
ou des perceptions du monde différentes
(c'est la thèse de la « relativité
linguistique ») : des peuples
qui n'ont qu'un seul mot pour désigner l'ensemble
des nuances qui vont du bleu au vert n'auront pas
exactement la même perception du monde que nous,
pour qui un objet « bleu » est
absolument différent d'un objet
« vert ». Aussi des peuples qui ont
une multitude de mots pour désigner ce que nous
considérons comme un seul et même objet
(ainsi des Esquimaux qui ont un vocabulaire très
riche pour distinguer les diverses sortes de neiges)
auront-ils une perception du monde plus riche et
variée que la nôtre.
c. La fonction créatrice ou poétique
du langage
Disposer d'un mot nouveau, c'est disposer d'une
idée nouvelle : ainsi le mot
« animal » permet de disposer de
l'idée abstraite d'« être
vivant », regroupant toute la diversité
des animaux connus.
Et le poète (dont le nom vient d'ailleurs du mot grec poïèsis, « fabrication, production, création ») est celui qui est capable de faire surgir en nos esprits des représentations de ce qui pourtant jamais n'exista ; c'est ce que tente nous faire comprendre le poète Mallarmé dans les vers suivants :
« Je dis : une fleur ! et [...] musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tout bouquet. » (Divagations). Écrire ou prononcer ce simple mot : « une fleur », fait surgir l'idée de cette fleur qui pourtant ne fut jamais présente en aucun bouquet auparavant rencontré.
Et le poète (dont le nom vient d'ailleurs du mot grec poïèsis, « fabrication, production, création ») est celui qui est capable de faire surgir en nos esprits des représentations de ce qui pourtant jamais n'exista ; c'est ce que tente nous faire comprendre le poète Mallarmé dans les vers suivants :
« Je dis : une fleur ! et [...] musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tout bouquet. » (Divagations). Écrire ou prononcer ce simple mot : « une fleur », fait surgir l'idée de cette fleur qui pourtant ne fut jamais présente en aucun bouquet auparavant rencontré.
d. L'usage « appellatif » ou
« performatif »
L'usage « appellatif » ou
« performatif » du langage
consiste à provoquer en autrui un
sentiment, une action ou une réaction. Ainsi quand
le général d'une armée crie à
ses hommes « à
l'attaque ! », il ne cherche pas tant
à communiquer avec eux, qu'à les faire
agir : le langage implique une dimension de pouvoir sur
autrui.
C'est ce qu'avaient bien compris les sophistes de l'Antiquité (que critique Platon), qui font usage du langage en vue de persuader leur auditoire de l'opinion qui leur sera avantageuse, du point de vue politique ou judiciaire par exemple : l'art de bien parler, la rhétorique et la sophistique, permet d'entraîner les foules dans la direction qu'on veut bien ainsi leur imprimer.
C'est en ce sens que G. Berkeley pourra dire que « la communication des idées marquées par les mots n'est pas la seule ni la principale fin du langage, comme on le pense communément. Il y a d'autres fins, comme éveiller une passion, provoquer une action ou en détourner, mettre l'esprit dans une disposition particulière » (Principes de la connaissance humaine, Introduction, § 20).
C'est ce qu'avaient bien compris les sophistes de l'Antiquité (que critique Platon), qui font usage du langage en vue de persuader leur auditoire de l'opinion qui leur sera avantageuse, du point de vue politique ou judiciaire par exemple : l'art de bien parler, la rhétorique et la sophistique, permet d'entraîner les foules dans la direction qu'on veut bien ainsi leur imprimer.
C'est en ce sens que G. Berkeley pourra dire que « la communication des idées marquées par les mots n'est pas la seule ni la principale fin du langage, comme on le pense communément. Il y a d'autres fins, comme éveiller une passion, provoquer une action ou en détourner, mettre l'esprit dans une disposition particulière » (Principes de la connaissance humaine, Introduction, § 20).
Pour aller plus loin
J. Locke, Traité sur l'entendement
humain
(III, chapitres 1 et 2) : pour une
analyse classique de l'usage et de la fonction du langage ou
des mots.
G. Mounin, Clés pour la linguistique (Seghers, 1968, p. 79-80) : sur les multiples fonctions du langage, et leur subordination à la seule fonction de communication.
Ferdinand de Saussure, Éléments de linguistique générale.
Platon, Gorgias (463 a-466 c) : à propos de la rhétorique et de la sophistique comme arts de « flatter » et de persuader les foules.
G. Mounin, Clés pour la linguistique (Seghers, 1968, p. 79-80) : sur les multiples fonctions du langage, et leur subordination à la seule fonction de communication.
Ferdinand de Saussure, Éléments de linguistique générale.
Platon, Gorgias (463 a-466 c) : à propos de la rhétorique et de la sophistique comme arts de « flatter » et de persuader les foules.

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