Faut-il maîtriser ses désirs pour être sage ?
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1. La relation entre sagesse et désirs
a. Que signifie « être
sage » ?
Suivant la représentation commune, un sage est un
homme qui a suffisamment d'expérience, et
en conséquence de savoir et de bon
sens, pour savoir comment bien agir en toutes
circonstances, et qui a en outre atteint une forme de
quiétude ou encore de bonheur.
En ce sens, « être sage » ne signifie pas seulement « être savant » : la sagesse suppose un certain savoir, elle a une dimension théorique, mais elle implique surtout une dimension pratique – la capacité de « bien agir » aux deux sens du terme : agir efficacement d'une part, mais aussi agir justement, moralement.
Telle est la définition que Descartes donne de la notion de « sagesse » : par ce mot, on entend « une parfaite connaissance de toutes les choses que l'homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l'invention de tous les arts » (Lettre préface des Principes de la philosophie). On pourrait dire que le sage est celui qui pense de façon rationnelle, et qui agit de façon raisonnable.
En ce sens, « être sage » ne signifie pas seulement « être savant » : la sagesse suppose un certain savoir, elle a une dimension théorique, mais elle implique surtout une dimension pratique – la capacité de « bien agir » aux deux sens du terme : agir efficacement d'une part, mais aussi agir justement, moralement.
Telle est la définition que Descartes donne de la notion de « sagesse » : par ce mot, on entend « une parfaite connaissance de toutes les choses que l'homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l'invention de tous les arts » (Lettre préface des Principes de la philosophie). On pourrait dire que le sage est celui qui pense de façon rationnelle, et qui agit de façon raisonnable.
b. Nos désirs sont souvent
déraisonnables
Nous désirons souvent des choses
impossibles (être riches mais sans trop
travailler), ou encore des choses excessives et qui
nous nuisent (manger avec excès). Ces
désirs irréalistes
ou excessifs s'opposent assurément
à l'idée même de sagesse.
c. Tous les désirs sont par définition
irrationnels
Mais on peut aller plus loin et dire que le désir
est en effet ce qui s'oppose essentiellement à la
raison, comme le montre Platon dans la
République (livre IV) lorsqu'il
distingue en l'âme la partie
« désirante » et la partie
« rationnelle », qui sont
souvent en conflit : quand un homme désire
boire avec excès, sa raison doit lutter contre ce
désir, elle doit le dominer ou le maîtriser
pour que cet homme agisse sagement.
Il y a une « lutte intestine » perpétuelle entre raison et désirs. Comment alors rétablir la paix entre ces deux dimensions de notre être ? Comment atteindre la sagesse en dépit de cette « guerre intérieure » entre nos désirs et notre raison ?
Il semble bien que la sagesse implique de maîtriser ses désirs, c'est-à-dire de les dominer par la raison.
Mais la question reste de savoir ce que signifie « maîtriser » : est-ce que l'on doit éliminer tous ses désirs, en tant que tous sont irrationnels ? Ou la notion de maîtrise implique-t-elle seulement de désirer avec mesure, de rejeter certains désirs seulement tout en cédant à d'autres ?
Il y a une « lutte intestine » perpétuelle entre raison et désirs. Comment alors rétablir la paix entre ces deux dimensions de notre être ? Comment atteindre la sagesse en dépit de cette « guerre intérieure » entre nos désirs et notre raison ?
Il semble bien que la sagesse implique de maîtriser ses désirs, c'est-à-dire de les dominer par la raison.
Mais la question reste de savoir ce que signifie « maîtriser » : est-ce que l'on doit éliminer tous ses désirs, en tant que tous sont irrationnels ? Ou la notion de maîtrise implique-t-elle seulement de désirer avec mesure, de rejeter certains désirs seulement tout en cédant à d'autres ?
2. La sagesse implique-t-elle l'éradication de
tout désir ?
a. Le sage est entièrement maître de
lui-même : il ne cède à aucun
désir
Si tout désir est irrationnel et si être
sage, c'est être raisonnable, alors il semble
qu'il faille rejeter tout désir si l'on veut
être vraiment sage.
Plus précisément, on pourra alors définir la sagesse, à la façon stoïcienne, comme autarcie (« suffisance à soi »), ce qui implique de ne dépendre de, c'est-à-dire de ne désirer, rien d'extérieur à soi : « Souviens-toi », écrit Épictète dans les Entretiens (IV, 11), « que le désir des honneurs, des dignités, des richesses, n'est pas le seul qui nous rende esclaves et soumis ; mais aussi le désir du repos, du loisir, des voyages, de l'étude. En un mot, toutes choses extérieures, quelles qu'elles soient, nous rendent sujets quand nous les estimons. »
Pour être libres, pour être heureux, pour être sages, il ne faut rien désirer, afin de ne dépendre que de soi-même : « ce n'est pas par la satisfaction des désirs que s'obtient la liberté, poursuit Épictète, mais par la destruction de tout désir ».
Plus précisément, on pourra alors définir la sagesse, à la façon stoïcienne, comme autarcie (« suffisance à soi »), ce qui implique de ne dépendre de, c'est-à-dire de ne désirer, rien d'extérieur à soi : « Souviens-toi », écrit Épictète dans les Entretiens (IV, 11), « que le désir des honneurs, des dignités, des richesses, n'est pas le seul qui nous rende esclaves et soumis ; mais aussi le désir du repos, du loisir, des voyages, de l'étude. En un mot, toutes choses extérieures, quelles qu'elles soient, nous rendent sujets quand nous les estimons. »
Pour être libres, pour être heureux, pour être sages, il ne faut rien désirer, afin de ne dépendre que de soi-même : « ce n'est pas par la satisfaction des désirs que s'obtient la liberté, poursuit Épictète, mais par la destruction de tout désir ».
b. Paradoxe : pour devenir sage, ne faut-il pas
du moins désirer la sagesse ?
Pour pouvoir renoncer à tout désir, ne
faut-il pas désirer renoncer à tout
désir ? Pour devenir sage, ne faut-il pas
désirer la
connaissance, et la sagesse
elle-même ?
Cette prétention du sage stoïcien à rejeter tout désir semble donc excessive et contradictoire.
Cette prétention du sage stoïcien à rejeter tout désir semble donc excessive et contradictoire.
c. Il y a même pour le sage des désirs
nécessaires
En outre, le sage véritable n'en est pas moins
un homme : comme tout homme, il doit, s'il veut
se conserver, satisfaire certains désirs vitaux
(s'il prétend renoncer à toute nourriture,
il ne survivra certes pas longtemps). D'ailleurs,
l'excès de privation pourra du moins
l'amener à des excès
ultérieurs : « qui veut faire
l'ange », disait Pascal, finit par « faire la
bête ».
C'est en ce sens que Platon recommande, dans La République (IX, 571 sqq), de faire preuve de « modération » dans la maîtrise des désirs : il ne faut livrer la partie désirante de notre âme « ni au manque ni à la satiété » ; il ne faut ni la priver absolument, ni satisfaire la totalité de ses demandes, mais seulement celles qui sont nécessaires à la vie (manger, boire en quantité modérée).
Ainsi voyons-nous apparaître le véritable sens de l'expression « maîtriser ses désirs » : non point prétendre renoncer à tous ses désirs, mais les évaluer, afin de satisfaire ceux-là seuls qui sont raisonnables.
C'est en ce sens que Platon recommande, dans La République (IX, 571 sqq), de faire preuve de « modération » dans la maîtrise des désirs : il ne faut livrer la partie désirante de notre âme « ni au manque ni à la satiété » ; il ne faut ni la priver absolument, ni satisfaire la totalité de ses demandes, mais seulement celles qui sont nécessaires à la vie (manger, boire en quantité modérée).
Ainsi voyons-nous apparaître le véritable sens de l'expression « maîtriser ses désirs » : non point prétendre renoncer à tous ses désirs, mais les évaluer, afin de satisfaire ceux-là seuls qui sont raisonnables.
3. Il faut mesurer et choisir ses désirs pour
être sage
a. Il faut renoncer aux désirs impossibles
Il convient sans doute avant tout de renoncer aux
désirs qui sont absolument impossibles à
satisfaire : mieux vaut, dit Descartes,
« changer mes
désirs plutôt que l'ordre du
monde » (Discours de la méthode,
III), puisque les choses extérieures souvent ne
dépendent pas de moi et que je n'y puis rien
changer, et puisque désirer l'impossible ne
peut que me rendre inquiet et malheureux.
b. Une métrétique des désirs et
des plaisirs
Enfin, il faut savoir évaluer, mesurer nos
désirs dans leur ensemble (élaborer une
métrétique des
désirs) afin de savoir lesquels sont
raisonnables ou non.
Tel est le propos d'Épicure qui, dans la Lettre à Ménécée, distingue trois types de désirs :
– les désirs naturels et nécessaires (par exemple, manger suffisamment de pain et boire assez d'eau pour survivre) doivent être satisfaits puisque l'on ne saurait survivre sans cela ;
– les désirs naturels mais non nécessaires (par exemple de manger des mets luxueux, et en grande quantité) n'ont pas à être satisfaits ; ils sont excessifs et, si l'on prend l'habitude de tels plaisirs, on risque de souffrir le jour où l'on ne pourra plus se les procurer ;
– les désirs vains, non naturels et non nécessaires, doivent être proscrits : la richesse et les honneurs sont par exemple des biens difficiles à acquérir, et aisés à perdre.
À ces deux derniers types de désirs, le sage préfèrera bien sûr les désirs naturels et nécessaires au bonheur : le désir du savoir ou de la sagesse, mais aussi le désir d'avoir des amis, avec lesquels vivre en commun et partager ses savoirs, pour atteindre enfin l'ataraxie, c'est-à-dire le calme de l'âme, et vivre enfin « comme un dieu parmi les hommes », sans troubles ni inquiétudes.
Tel est le propos d'Épicure qui, dans la Lettre à Ménécée, distingue trois types de désirs :
– les désirs naturels et nécessaires (par exemple, manger suffisamment de pain et boire assez d'eau pour survivre) doivent être satisfaits puisque l'on ne saurait survivre sans cela ;
– les désirs naturels mais non nécessaires (par exemple de manger des mets luxueux, et en grande quantité) n'ont pas à être satisfaits ; ils sont excessifs et, si l'on prend l'habitude de tels plaisirs, on risque de souffrir le jour où l'on ne pourra plus se les procurer ;
– les désirs vains, non naturels et non nécessaires, doivent être proscrits : la richesse et les honneurs sont par exemple des biens difficiles à acquérir, et aisés à perdre.
À ces deux derniers types de désirs, le sage préfèrera bien sûr les désirs naturels et nécessaires au bonheur : le désir du savoir ou de la sagesse, mais aussi le désir d'avoir des amis, avec lesquels vivre en commun et partager ses savoirs, pour atteindre enfin l'ataraxie, c'est-à-dire le calme de l'âme, et vivre enfin « comme un dieu parmi les hommes », sans troubles ni inquiétudes.
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