1. Pourquoi des références ?
a. Philosopher, c'est « penser par
soi-même »
Pour l'opinion commune, philosopher, c'est « penser
par soi-même » – ce qui n'est pas
faux, pour autant que l'on comprenne correctement le sens de
cette assertion. « Penser par
soi-même », en effet, ne signifie pas se
contenter de donner son opinion subjective quant à la
question posée, mais consiste, suivant le mot de Kant,
à « faire usage de son propre
entendement », à penser de façon
autonome et rationnelle, de manière à rechercher ce
qui est vrai pour tous, en luttant contre toute opinion
immédiate.
b. Or ceci n'exclut pas de « penser avec
autrui »
Se référer à la pensée d'autres
individus n'est en effet nullement un obstacle à toute
pensée philosophique véritable. Au contraire, on ne
saurait prétendre se passer des vingt-cinq siècles
de pensée qui nous ont précédés.
Se référer à un auteur, ce n'est pas se
soumettre à lui et perdre ainsi toute liberté de
pensée, c'est au contraire, suite à un effort
de compréhension ou de réflexion sur tel ou tel
texte, se donner les moyens d'élaborer une
réflexion plus riche, qui fasse appel à la
raison d'autres hommes tout autant qu'à la sienne propre.
c. Les références dans la dissertation et
l'explication de texte
Ainsi
toute dissertation requiert des connaissances concernant
les auteurs et les textes fondamentaux : pas plus qu'en
histoire ou en économie, on ne saurait élaborer un
devoir convenable en l'absence de toute connaissance.
Cela vaut aussi, quoique dans une moindre mesure, pour
l'étude de texte : si l'essentiel du travail
consiste ici à expliquer le texte en et pour
lui-même, cette tâche sera cependant d'autant plus
aisée et approfondie, que l'on saura repérer des
problématiques classiques, resituer la thèse par
rapport à celles d'autres auteurs, montrer comment le
texte s'inscrit dans ou contre une tradition donnée.
2. Références et citations
a. Faut-il faire des citations ?
S'il est vrai qu'il peut parfois être utile d'avoir
à sa disposition des citations courtes pour certains
sujets (par exemple, pour un sujet sur la vérité et
l'opinion, la phrase de Bachelard : « l'opinion
pense mal, elle ne pense pas [...] elle a, en droit, toujours
tort »), cela n'est cependant nullement une
nécessité ou une obligation absolues.
L'essentiel est surtout d'avoir assimilé et d'être
capable de retranscrire avec ses propres mots les arguments
essentiels d'un auteur, sans pour autant le réciter
« par cœur ».
b. Comment citer ou se référer aux auteurs ?
Si l'on choisit de citer l'auteur, il faut reprendre ses termes
exacts, entre guillemets, et donner la référence
aussi précisément que possible.
Exemple
Si l'on souhaite citer un extrait d'un texte de Rousseau, on
écrira par exemple : « Comme le dit
Rousseau dans la première partie du Contrat
social, au chapitre 8 : "l'impulsion du seul
appétit est esclavage, et l'obéissance à
la loi qu'on s'est donnée est
liberté". »
Si l'on retranscrit ou explique le propos de l'auteur sans pour
autant le citer, on ne négligera pas de mentionner au
moins le nom de l'œuvre, en s'efforçant de ne pas
estropier le titre en question.
Exemple
On parlera du Discours sur l'origine et les fondements de
l'inégalité parmi les hommes de Rousseau, et
non pas du Discours sur l'inégalité.
Enfin, on ne négligera pas de souligner les titres des
œuvres, qu'elles soient philosophiques,
littéraires, ou autres.
3. Comment utiliser une référence ?
a. Introduction et conclusion
On évitera généralement de faire usage de
toute référence dans l'introduction, d'une part
pour éviter de limiter d'emblée le champ de la
réflexion (l'analyse du sujet et sa problématique
doivent demeurer aussi ouvertes que possible), d'autre part, pour
éviter d'alourdir l'introduction et d'être
amené à se répéter dans le
développement. Tout au plus peut-on faire appel à
une définition devenue classique, par exemple la
vérité définie comme
« adéquation de l'esprit à la
chose », qui vient de saint Thomas d'Aquin.
Il en est de même pour la conclusion, dans
laquelle il nous revient de donner nous-mêmes une
réponse à la question posée
– la seule exception étant le cas où
la formule de tel ou tel auteur correspond explicitement
à celle-ci et permet de l'énoncer de
manière frappante.
Exemple
A la question « la loi est-elle un obstacle à
notre liberté ? », la formule de
Rousseau : « il n'y a pas de liberté
sans loi », extraite de la VIIe Lettre
sur la Montagne, peut assurément constituer une
réponse claire et précise.
b. La référence comme point de départ de la
réflexion
Une référence peut être amenée
à titre de point de départ, qu'il nous revient
d'expliciter et d'approfondir ensuite afin de donner du corps au
devoir et de le faire progresser.
Exemple
Sur la question « Peut-on tolérer toutes les
opinions ? », on peut commencer, dans une
première partie, par se référer au texte
de Bachelard issu de La Formation de l'esprit
scientifique, selon lequel « l'opinion a
toujours tort », avant d'expliquer le fond de son
argumentation (l'opinion a toujours tort parce qu'elle n'est
pas démontrée, parce qu'elle est subjective,
etc.) pour développer enfin par exemple l'opposition
entre opinion et science.
c. La référence comme confirmation et
approfondissement d'une idée personnelle
Inversement, on peut commencer par amener une idée
« personnelle », que viendra ensuite
confirmer et renforcer la référence.
Exemple
A propos de la liberté et de la loi, on peut ainsi
montrer que l'absence de toute loi pose problème puisque
lorsque les hommes ont le droit de faire tout ce qu'ils
veulent, ils se nuisent ou entrent en conflit... Cela permettra
alors d'introduire la notion d'« état de
nature », de se référer à
Hobbes ou à Rousseau, en fonction de ses connaissances.
Les références permettent donc d'approfondir, de
préciser notre pensée, mais aussi de manifester que
l'on a acquis et assimilé des connaissances, ce qui, lors
d'un examen, ne saurait en aucun cas être
négligé.