Le moi se réduit-il à la conscience ?
1. Le « moi » : une
entité introuvable ?
a. Qu'est-ce que le
« Moi » ?
Le « moi » (en
latin : ego) désigne
classiquement cette réalité permanente et
invariable qui, par-delà les
caractéristiques et les changements accidentels,
constituerait essentiellement l'individu, le sujet
ou la personne que je suis.
Ma conscience suffit-elle alors à définir le « moi » ? Ou bien implique-t-il également d'autres dimensions de mon être, et si oui, lesquelles ?.
Ma conscience suffit-elle alors à définir le « moi » ? Ou bien implique-t-il également d'autres dimensions de mon être, et si oui, lesquelles ?.
b. Où donc trouver et situer le
« moi » ?
Dans les Pensées (1670),
Pascal se demande :
qu'est-ce donc que l'on aime au juste, lorsqu'on
prétend aimer une personne, son
« moi » véritable ?
Est-ce son corps et sa beauté ? Non, car
alors nous ne l'aimerons plus si la maladie les corrompt.
Est-ce pour ses qualités intellectuelles ?
Non plus, car si ces qualités s'amoindrissent avec
l'âge, cette personne n'en restera pas moins
elle-même. « Où est
donc ce moi », demande finalement
Pascal, « s'il n'est ni dans le corps, ni
dans l'âme ? ».
Le « moi », ce noyau censé être constitutif d'une personne, n'est situable en aucun lieu : quand j'aime quelqu'un, je n'aime rien d'autre qu'un ensemble de qualités périssables, au-delà desquelles je n'aperçois aucun substrat permanent : « On n'aime donc jamais personne », conclut Pascal, « mais seulement des qualités. »
Le « moi », ce noyau censé être constitutif d'une personne, n'est situable en aucun lieu : quand j'aime quelqu'un, je n'aime rien d'autre qu'un ensemble de qualités périssables, au-delà desquelles je n'aperçois aucun substrat permanent : « On n'aime donc jamais personne », conclut Pascal, « mais seulement des qualités. »
c. Le « moi » : une
fiction linguistique ?
Le problème se redouble si c'est en moi-même
que, par l'introspection, je cherche à
découvrir ce « moi »
substantiel qui me définirait, suivant
l'expérience à laquelle nous invitait
David
Hume dans le Traité de
la Nature Humaine : « Pour moi, quand je
pénètre le plus intimement dans ce que
j'appelle moi-même, je tombe toujours sur
une perception particulière ou sur une autre,
de chaleur ou de froid, de lumière ou d'ombre,
d'amour ou de haine... », et en aucun cas sur
un « moi » unifié et identique
à lui-même.
Ce que nous appelons « moi » n'est donc rien d'autre selon Hume qu'une « fiction », un mot qui ne désigne en réalité rien de plus que la succession indéfinie de ces perceptions et sentiments variés que j'aperçois en moi.
Nous voyons cependant ici que le « moi », s'il ne peut être conçu comme une substance toujours identique à elle-même, consisterait cependant du moins dans la conscience et la mémoire qu'un sujet a de l'ensemble des phénomènes internes ou externes qui le concernent.
Ce que nous appelons « moi » n'est donc rien d'autre selon Hume qu'une « fiction », un mot qui ne désigne en réalité rien de plus que la succession indéfinie de ces perceptions et sentiments variés que j'aperçois en moi.
Nous voyons cependant ici que le « moi », s'il ne peut être conçu comme une substance toujours identique à elle-même, consisterait cependant du moins dans la conscience et la mémoire qu'un sujet a de l'ensemble des phénomènes internes ou externes qui le concernent.
2. Le moi est réductible à la conscience
a. Du moi ontologique au moi psychologique
On opposera donc, à l'idée d'un
moi
« ontologique » (du grec
to on :
« l'être »)
c'est-à-dire conçu comme un être
ou une chose stable, le concept d'un moi
« psychologique »,
qui n'est rien d'autre que l'ensemble de nos
états de conscience successifs et
changeants.
Condillac écrivait en ce sens dans son Traité des Sensations : « Notre moi n'est que la collection des sensations qu'elle éprouve et de celles que la mémoire lui rappelle. »
Condillac écrivait en ce sens dans son Traité des Sensations : « Notre moi n'est que la collection des sensations qu'elle éprouve et de celles que la mémoire lui rappelle. »
b. « Je » suis en tant que « je
» pense
De façon plus radicale, on pourrait montrer avec
Descartes que la
certitude propre de mon être se fonde
d'abord et seulement sur la conscience que j'ai de
penser ; le processus du
doute radical montre que je puis douter de
toutes choses, y compris d'avoir un corps, mais qu'il
reste certain même alors du moins que je
pense, et que j'ai par là la certitude
d'exister, en tant que chose pensante :
« Pendant que je voulais ainsi penser que tout
était faux, il fallait nécessairement que
moi, qui le pensais, fusse quelque
chose... ».
La formule : « je pense, donc je suis » signifie ainsi que le moi (ego) que je suis véritablement n'est rien de plus que mon être pensant et conscient.
La formule : « je pense, donc je suis » signifie ainsi que le moi (ego) que je suis véritablement n'est rien de plus que mon être pensant et conscient.
c. Le moi n'est que l'autre nom de l'esprit
conscient
En ce sens le moi ne serait rien d'autre que l'âme,
l'esprit ou en d'autres termes la
pensée consciente de l'individu. C'est
en ce sens déjà que le Socrate de Platon pouvait dire,
s'adressant au jeune Alcibiade : lorsque je
prétends m'adresser à ta personne
véritable, c'est à ton âme que
je m'adresse, et non pas seulement à ton visage ;
celui qui t'aime véritablement, c'est celui qui
aime ton âme, et non pas seulement ton corps, et
« se connaître
soi-même » ce n'est rien d'autre que
« connaître son
âme ».
Cependant, si je suis à proprement parler mon être pensant, peut-on affirmer que toute pensée est consciente ? Si comme le disait Proust, « notre moi est un effet de la superposition de nos états successifs », ne peut-on supposer qu'il y a en nous-mêmes des souvenirs ensevelis, représentations qui ne me sont pas toujours perceptibles et qui seraient donc inconscients ?
Cependant, si je suis à proprement parler mon être pensant, peut-on affirmer que toute pensée est consciente ? Si comme le disait Proust, « notre moi est un effet de la superposition de nos états successifs », ne peut-on supposer qu'il y a en nous-mêmes des souvenirs ensevelis, représentations qui ne me sont pas toujours perceptibles et qui seraient donc inconscients ?
3. Le moi, le corps et l'inconscient
a. Le moi conscient implique une sphère
inconsciente
Il revient à Freud d'avoir montré que la
pensée consciente elle-même était
souvent incompréhensible si on ne la rapportait
pas à des phénomènes
inconscients : certaines de nos
conduites, de nos paroles, ou encore nos
rêves, ne sont compréhensibles
qu'à la condition de poser l'hypothèse de
l'inconscient psychique, c'est-à-dire de
l'existence en nous-mêmes de pulsions et de
représentations refoulées et qui
demeurent ignorées de notre conscience.
b. Le moi conscient comme effet du corps
Or ceci implique également que notre moi est, tout à la fois,
spirituel et corporel : car
l'inconscient et les pulsions ont également
rapport au corps, aux besoins et désirs
originaires qui en sont issus.
Le moi conscient ne serait ainsi que l'effet de surface (l'« épiphénomène ») de processus physiologiques et inconscients. C'est en ce sens que Nietzsche écrit : « Tu dis moi et tu es fier de ce mot. Mais ce qui est plus grand c'est [...] ton corps et sa grande raison : il ne dit pas moi, mais il est moi. » (Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885).
L'idée d'une âme pure, séparée du corps et seule constitutive du moi, n'est qu'illusion : celui-ci n'est que le résultat apparent d'une multiplicité de processus pulsionnels et inconscients ; l'esprit n'est que cette « petite raison » que gouverne en réalité le corps comme « grande raison ».
Le moi conscient ne serait ainsi que l'effet de surface (l'« épiphénomène ») de processus physiologiques et inconscients. C'est en ce sens que Nietzsche écrit : « Tu dis moi et tu es fier de ce mot. Mais ce qui est plus grand c'est [...] ton corps et sa grande raison : il ne dit pas moi, mais il est moi. » (Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885).
L'idée d'une âme pure, séparée du corps et seule constitutive du moi, n'est qu'illusion : celui-ci n'est que le résultat apparent d'une multiplicité de processus pulsionnels et inconscients ; l'esprit n'est que cette « petite raison » que gouverne en réalité le corps comme « grande raison ».
c. Le moi comme totalité physio-psychologique
Ainsi, pour comprendre mon « moi », il
me faut dire avec Nietzsche : « je
suis corps et âme », et cesser de me
penser comme pur esprit.
Plus encore : l'âme, la conscience, peuvent toujours être ramenées à des sources instinctives, à des besoins physiologiques inconscients. En ce sens on pourrait même alors aller jusqu'à dire que « je suis corps, et rien de plus », puisque l'âme et la conscience ne sont que l'effet de cette totalité corporelle et pulsionnelle. Le moi humain doit donc se comprendre, par-delà tout réductionnisme idéaliste ou matérialiste, comme totalité à la fois physiologique et psychologique, impliquant une conscience sous-tendue par des processus inconscients. Il n'est donc, en aucun cas, réductible à la seule conscience de soi.
Plus encore : l'âme, la conscience, peuvent toujours être ramenées à des sources instinctives, à des besoins physiologiques inconscients. En ce sens on pourrait même alors aller jusqu'à dire que « je suis corps, et rien de plus », puisque l'âme et la conscience ne sont que l'effet de cette totalité corporelle et pulsionnelle. Le moi humain doit donc se comprendre, par-delà tout réductionnisme idéaliste ou matérialiste, comme totalité à la fois physiologique et psychologique, impliquant une conscience sous-tendue par des processus inconscients. Il n'est donc, en aucun cas, réductible à la seule conscience de soi.
Pour aller plus loin
Descartes, Discours de la Méthode, IV :
sur le doute radical et la découverte du
« Je pense, donc je suis ».
Freud, Métapsychologie, éd. Gallimard, Idées, p. 66-67 : sur la nécessité et la légitimité de l'hypothèse d'un inconscient psychique.
Hume, Traité de la Nature Humaine, I, IV, 6, éd. Garnier Flammarion, 1995, p. 342-344 : sur l'idée de moi comme fiction.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, I, « Des contempteurs du corps ».
Platon, Alcibiade, 130a-133b (« L'homme, c'est l'âme » et « Se connaître, c'est connaître son âme »), et Phédon, 65b sqq (sur le corps comme « obstacle » à l'égard de l'âme).
Proust, La Recherche du Temps perdu - Albertine Disparue, I.
Freud, Métapsychologie, éd. Gallimard, Idées, p. 66-67 : sur la nécessité et la légitimité de l'hypothèse d'un inconscient psychique.
Hume, Traité de la Nature Humaine, I, IV, 6, éd. Garnier Flammarion, 1995, p. 342-344 : sur l'idée de moi comme fiction.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, I, « Des contempteurs du corps ».
Platon, Alcibiade, 130a-133b (« L'homme, c'est l'âme » et « Se connaître, c'est connaître son âme »), et Phédon, 65b sqq (sur le corps comme « obstacle » à l'égard de l'âme).
Proust, La Recherche du Temps perdu - Albertine Disparue, I.

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