L'État est-il facteur d'oppression ?
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L'État est l'ensemble organisé des
institutions (politiques, juridiques, policières,
militaires, administratives et économiques) sur un
territoire indépendant et sous un gouvernement autonome
disposant d'une souveraineté. Au sein de la
société, l'autorité de l'État est
considérée comme supérieure aux autres
pouvoirs (à celui du père sur sa famille par
exemple). Pour maintenir ce pouvoir, l'État dispose d'un
système juridique qui lui confère le
monopole de la force publique. Or, ce droit exclusif
d'employer la violence risque toujours de devenir abusif.
Cette menace a fait dire à certains que l'État
était dans sa définition même source d'oppression.
Prétendre que l'État est facteur d'oppression, ce n'est pas simplement supposer que l'État implique une soumission à une autorité supérieure, mais c'est affirmer que cette autorité est injuste, violente et fondamentalement excessive. En effet, l'oppression est une forme de pouvoir qui ne respecte pas les principes de la légalité (universalité, défense de l'intérêt général) et qui porte atteinte à la liberté de tous. L'autorité de l'État implique-t-elle nécessairement un pouvoir si contraignant et autoritaire qu'il empêche les individus d'être libres ? Ou bien, au contraire, permet-elle d'assurer l'ordre et la paix et ainsi de garantir la liberté ?
Prétendre que l'État est facteur d'oppression, ce n'est pas simplement supposer que l'État implique une soumission à une autorité supérieure, mais c'est affirmer que cette autorité est injuste, violente et fondamentalement excessive. En effet, l'oppression est une forme de pouvoir qui ne respecte pas les principes de la légalité (universalité, défense de l'intérêt général) et qui porte atteinte à la liberté de tous. L'autorité de l'État implique-t-elle nécessairement un pouvoir si contraignant et autoritaire qu'il empêche les individus d'être libres ? Ou bien, au contraire, permet-elle d'assurer l'ordre et la paix et ainsi de garantir la liberté ?
1. L'État comme facteur d'oppression
L'État suppose l'obéissance des
citoyens. Toute obéissance entraîne
nécessairement une limitation de la liberté.
En raison de cette liberté rognée, on a soupçonné l'État de n'être qu'un moyen habile pour masquer et figer la domination d'une fraction de la société. Nietzsche affirme ainsi que l'État est « le plus froid de tous les monstres froids » : au nom de la paix, il discipline les individus en leur retirant toute initiative personnelle.
En raison de cette liberté rognée, on a soupçonné l'État de n'être qu'un moyen habile pour masquer et figer la domination d'une fraction de la société. Nietzsche affirme ainsi que l'État est « le plus froid de tous les monstres froids » : au nom de la paix, il discipline les individus en leur retirant toute initiative personnelle.
a. L'État opprime l'individu : la
critique anarchiste
Étymologiquement, l'anarchie est l'absence de
commandement, d'autorité. Pour l'anarchiste,
en effet, toute forme d'obéissance est une
destruction de la personnalité.
Or l'État symbolise l'ordre et l'autorité. Il apparaît donc comme la négation de la liberté : il exerce une oppression plus ou moins forte sur l'individu en réglementant sa vie sociale par des lois. Ainsi, pour Stirner, l'État est la puissance hostile aux forces individuelles : « tout État est despotique », écrit-il, car « aux mains de l'État, la force s'appelle droit, aux mains de l'individu, elle s'appelle crime ».
Rejetant la notion d'État et plus ouvertement toute forme de pouvoir (juges, police, armée), les anarchistes mettent la valeur suprême dans l'individu et prônent la révolution. Selon eux, seule une vie de type communautaire fondée sur de libres associations et sur la fraternité et l'entraide mutuelle pourrait éviter cette forme de soumission nécessairement contenue dans la notion d'État.
Or l'État symbolise l'ordre et l'autorité. Il apparaît donc comme la négation de la liberté : il exerce une oppression plus ou moins forte sur l'individu en réglementant sa vie sociale par des lois. Ainsi, pour Stirner, l'État est la puissance hostile aux forces individuelles : « tout État est despotique », écrit-il, car « aux mains de l'État, la force s'appelle droit, aux mains de l'individu, elle s'appelle crime ».
Rejetant la notion d'État et plus ouvertement toute forme de pouvoir (juges, police, armée), les anarchistes mettent la valeur suprême dans l'individu et prônent la révolution. Selon eux, seule une vie de type communautaire fondée sur de libres associations et sur la fraternité et l'entraide mutuelle pourrait éviter cette forme de soumission nécessairement contenue dans la notion d'État.
b. L'État opprime les pauvres : la
critique marxiste
Marx a analysé la
société en termes économiques et a
vu dans la structure de l'État la soumission
d'une portion de la population à des forces
productives leur échappant.
Aux capitalistes qui possèdent les moyens de productions (usines, bureaux, champs...), Marx oppose les prolétaires qui n'ont rien d'autre que leur force de travail et appelle « lutte des classes » le rapport de force qui les dresse l'un contre l'autre.
Afin de dissimuler le conflit social créé par l'organisation capitaliste de la société, les capitalistes ont inventé la notion d'État, prétextant que la neutralité du droit pourrait arbitrer les conflits.
Ainsi, pour Marx, l'idée d'État ne fait qu'affermir un pouvoir particulier, économiquement fondé, en le cachant sous l'idée d'une universalité des lois. Au seul service des capitalistes, l'État camoufle les inégalités en prenant le masque de l'intérêt général et empêche l'instauration d'une société sans classe.
Cependant, l'histoire nous a montré que la volonté de supprimer l'État jugé oppressif pouvait entraîner un réel totalitarisme (comme l'URSS et les dérives du stanilisme). Loin d'être un ennemi empêchant le bon fonctionnement de la société, l'État ne garantirait-il pas la paix civile et la sécurité ?
Aux capitalistes qui possèdent les moyens de productions (usines, bureaux, champs...), Marx oppose les prolétaires qui n'ont rien d'autre que leur force de travail et appelle « lutte des classes » le rapport de force qui les dresse l'un contre l'autre.
Afin de dissimuler le conflit social créé par l'organisation capitaliste de la société, les capitalistes ont inventé la notion d'État, prétextant que la neutralité du droit pourrait arbitrer les conflits.
Ainsi, pour Marx, l'idée d'État ne fait qu'affermir un pouvoir particulier, économiquement fondé, en le cachant sous l'idée d'une universalité des lois. Au seul service des capitalistes, l'État camoufle les inégalités en prenant le masque de l'intérêt général et empêche l'instauration d'une société sans classe.
Cependant, l'histoire nous a montré que la volonté de supprimer l'État jugé oppressif pouvait entraîner un réel totalitarisme (comme l'URSS et les dérives du stanilisme). Loin d'être un ennemi empêchant le bon fonctionnement de la société, l'État ne garantirait-il pas la paix civile et la sécurité ?
2. L'État comme garantie de la liberté
civile
a. L'État est né du désir de
paix et de sécurité
À l'état de nature
(c'est-à-dire avant la vie en
société), les hommes ne vivaient que pour
eux-mêmes et c'était « la
guerre de tous contre tous », comme le dit
Hobbes : la vie
sociale était sans cesse menacée par des
conflits nés des jalousies et de la recherche des
intérêts personnels. En effet, les
libertés individuelles, en l'absence de tout
contrôle et de toute régulation
légale, ne peuvent que menacer l'ordre
social.
C'est pour éviter cette situation de chaos et pour pouvoir vivre ensemble que les hommes ont créé l'État. L'État est la seule instance capable de mettre fin à la violence naturelle, et à la lutte de chacun contre chacun. Il permet d'instituer une organisation de vie collective et de garantir la sécurité des individus. Il a pour but d'atténuer les conflits, et non pas de les réactiver. Les lois protègent les individus les plus faibles contre les plus forts et peut ainsi instaurer la paix.
C'est pour éviter cette situation de chaos et pour pouvoir vivre ensemble que les hommes ont créé l'État. L'État est la seule instance capable de mettre fin à la violence naturelle, et à la lutte de chacun contre chacun. Il permet d'instituer une organisation de vie collective et de garantir la sécurité des individus. Il a pour but d'atténuer les conflits, et non pas de les réactiver. Les lois protègent les individus les plus faibles contre les plus forts et peut ainsi instaurer la paix.
b. L'État limite la liberté pour mieux
la protéger
Pour pouvoir vivre ensemble, les individus s'unissent par
un contrat : ils
abandonnent alors le « droit de se
gouverner eux-mêmes » (Rousseau) et confient leur pouvoir
à un tiers. Un État est ainsi
créé qui restreint les
libertés et veille à ce que personne ne
fasse rien de plus que ce qu'il est en droit de
faire.
Les hommes ne pouvant contrôler eux-mêmes l'illimitation de leurs passions, ils doivent être contraints par une autorité supérieure et menaçante. La crainte du châtiment oblige alors les individus à se respecter les uns les autres. Ils abandonnent ainsi le pouvoir de décider eux-mêmes et confient leur liberté à un homme ou à une assemblée.
L'État se fonde donc sur une renonciation de chacun à sa liberté naturelle. Hobbes appelle cet État, qui entraîne l'aliénation de la liberté individuelle, le « Léviathan », du nom d'un monstre marin qui, dans la Bible, est décrit comme une puissance du mal terrorisant les hommes. De la même façon, l'État inspire l'effroi et par là discipline les volontés pour permettre d'assurer la paix.
Par conséquent, l'État impose des bornes aux libertés de chacun, mais c'est justement cette limitation de la liberté absolue qui peut garantir à chacun la possibilité de jouir tranquillement des libertés qui lui reste. La soumission à laquelle sont contraints les citoyens au sein de l'État n'est donc pas arbitraire et fondamentalement injuste. Bien au contraire, elle est la seule garantie à la jouissance par chacun de la liberté.
Les hommes ne pouvant contrôler eux-mêmes l'illimitation de leurs passions, ils doivent être contraints par une autorité supérieure et menaçante. La crainte du châtiment oblige alors les individus à se respecter les uns les autres. Ils abandonnent ainsi le pouvoir de décider eux-mêmes et confient leur liberté à un homme ou à une assemblée.
L'État se fonde donc sur une renonciation de chacun à sa liberté naturelle. Hobbes appelle cet État, qui entraîne l'aliénation de la liberté individuelle, le « Léviathan », du nom d'un monstre marin qui, dans la Bible, est décrit comme une puissance du mal terrorisant les hommes. De la même façon, l'État inspire l'effroi et par là discipline les volontés pour permettre d'assurer la paix.
Par conséquent, l'État impose des bornes aux libertés de chacun, mais c'est justement cette limitation de la liberté absolue qui peut garantir à chacun la possibilité de jouir tranquillement des libertés qui lui reste. La soumission à laquelle sont contraints les citoyens au sein de l'État n'est donc pas arbitraire et fondamentalement injuste. Bien au contraire, elle est la seule garantie à la jouissance par chacun de la liberté.
c. Le contrat social
L'État met fin à la liberté
conçue comme spontanéité
irréfléchie et comme bon plaisir et permet
d'échapper à la tyrannie des passions
individuelles. La liberté qui est ainsi
préservée et même
développée par l'État n'est pas
l'indépendance mais l'autonomie, c'est-à-dire la
capacité de n'obéir qu'à
soi-même. Tel est l'idéal d'État
démocratique que décrit Rousseau dans son Contrat
social.
Celui-ci à la fois protège les individus les uns contre les autres et garantit leur liberté. Certes, leur liberté naturelle se trouve aliénée, mais il ne s'agit pas là d'un asservissement : la liberté naturelle est simplement élevée jusqu'à la forme de la liberté civile qui, elle, est protégée par la loi.
Or, la loi étant « l'expression de la volonté générale », l'homme, en y obéissant, obéit à lui-même : le citoyen est à la fois le législateur et le sujet de la loi. Si l'État est gouverné par un citoyen qui fonde lui-même les lois auxquelles il obéit, on ne voit pas comment il pourrait entraîner l'oppression – à moins de considérer que le citoyen est à la fois l'oppresseur et l'opprimé, ce qui serait bien entendu absurde.
Celui-ci à la fois protège les individus les uns contre les autres et garantit leur liberté. Certes, leur liberté naturelle se trouve aliénée, mais il ne s'agit pas là d'un asservissement : la liberté naturelle est simplement élevée jusqu'à la forme de la liberté civile qui, elle, est protégée par la loi.
Or, la loi étant « l'expression de la volonté générale », l'homme, en y obéissant, obéit à lui-même : le citoyen est à la fois le législateur et le sujet de la loi. Si l'État est gouverné par un citoyen qui fonde lui-même les lois auxquelles il obéit, on ne voit pas comment il pourrait entraîner l'oppression – à moins de considérer que le citoyen est à la fois l'oppresseur et l'opprimé, ce qui serait bien entendu absurde.
3. La nature répressive de l'État
Un État qui vise l'intérêt
général et protège les libertés
individuelles est légitime. Cette
légitimité ne suppose pas l'absence de toute
force contraignante. Au contraire, elle exige la
répression.
a. La différence entre la répression
et l'oppression
Fondés sur la même racine, les mots
« oppression » et
« répression »
renvoient pourtant à des réalités
diamétralement opposées.
Oppression et répression supposent tous les deux une contrainte venue plus ou moins directement de l'extérieur. Mais si dans le premier cas la contrainte est injustifiée et opposée au droit naturel, au contraire, dans le second, elle respecte la légalité et même la fonde.
• L'oppression exerce une violence première envers tous les sujets, quelles que soient leurs actions.
• La répression exerce une violence uniquement sur l'individu qui a enfreint la loi, et non pas indistinctement contre tous. C'est en quelque sorte une violence contre une violence : il s'agit de punir celui qui a désobéi à la loi afin de rétablir les règles qui ont été bafouées. C'est une violence seconde en réponse à une violence première. Ce qui est au fondement de l'État de droit – c'est-à-dire de l'institution qui respecte les principes de la justice – et donc bien la répression et non pas l'oppression.
Oppression et répression supposent tous les deux une contrainte venue plus ou moins directement de l'extérieur. Mais si dans le premier cas la contrainte est injustifiée et opposée au droit naturel, au contraire, dans le second, elle respecte la légalité et même la fonde.
• L'oppression exerce une violence première envers tous les sujets, quelles que soient leurs actions.
• La répression exerce une violence uniquement sur l'individu qui a enfreint la loi, et non pas indistinctement contre tous. C'est en quelque sorte une violence contre une violence : il s'agit de punir celui qui a désobéi à la loi afin de rétablir les règles qui ont été bafouées. C'est une violence seconde en réponse à une violence première. Ce qui est au fondement de l'État de droit – c'est-à-dire de l'institution qui respecte les principes de la justice – et donc bien la répression et non pas l'oppression.
b. Les manifestations du pouvoir répressif de
l'État
Partant du principe universel que l'homme ne peut
s'empêcher de transgresser les lois qu'il s'est
données, il est absolument nécessaire, pour
maintenir la force de l'État, qu'il y ait une
forme de pouvoir rétablissant les règles
violées. Si à chaque fois qu'un
délit était commis, il n'y avait pas une
force chargée de rétablir l'ordre, chaque
infraction ridiculiserait le pouvoir et mettrait en
péril son autorité. Un État ne peut
perdurer que s'il est fondé sur un
système de sanctions qui fait lui-même
partie du droit.
Au sein de l'État, c'est le pouvoir judiciaire qui assure cette fonction de répression, à côté du législatif et de l'exécutif. L'appareil d'État, figuré dans la police, la gendarmerie, l'armée et la justice, va assurer l'ordre et garantir la vie en communauté. Cette répression est institutionnalisée : les pouvoirs aux mains des hommes d'État ne leur appartiennent pas en tant qu'individus. C'est au sein d'une institution qui les dépasse que ces pouvoirs leur sont confiés.
Ainsi, lorsqu'un citoyen obéit à un fonctionnaire de police, il n'est pas soumis à un individu particulier qui pourrait commander arbitrairement, mais il respecte l'institution policière représentée par la personne du policier.
On peut donc dire, avec Max Weber, que l'État a le « monopole de la violence légitime » : l'État est fondé sur une violence, certes, mais celle-ci est réactive et non pas offensive et a pour finalité ultime le respect du droit.
Au sein de l'État, c'est le pouvoir judiciaire qui assure cette fonction de répression, à côté du législatif et de l'exécutif. L'appareil d'État, figuré dans la police, la gendarmerie, l'armée et la justice, va assurer l'ordre et garantir la vie en communauté. Cette répression est institutionnalisée : les pouvoirs aux mains des hommes d'État ne leur appartiennent pas en tant qu'individus. C'est au sein d'une institution qui les dépasse que ces pouvoirs leur sont confiés.
Ainsi, lorsqu'un citoyen obéit à un fonctionnaire de police, il n'est pas soumis à un individu particulier qui pourrait commander arbitrairement, mais il respecte l'institution policière représentée par la personne du policier.
On peut donc dire, avec Max Weber, que l'État a le « monopole de la violence légitime » : l'État est fondé sur une violence, certes, mais celle-ci est réactive et non pas offensive et a pour finalité ultime le respect du droit.
Pour aller plus loin
Marx, L'Idéologie allemande : une
critique de l'idée d'État
considérée comme une création
conceptuelle des capitalistes pour pouvoir rendre plus fort
leur pouvoir économique.
Hobbes, Le Léviathan : une description de ce qui a amené les hommes à constituer l'État.
Rousseau, Du Contrat social (surtout livres I et II) : texte fondamental décrivant les principes de l'État démocratique .
Hobbes, Le Léviathan : une description de ce qui a amené les hommes à constituer l'État.
Rousseau, Du Contrat social (surtout livres I et II) : texte fondamental décrivant les principes de l'État démocratique .
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