La personne
La « personne » : un
même mot désigne une présence (Pierre, Paul) et une
absence (« Il n'y
a personne ! »). Cette
singularité de la langue fournit ici une
première indication, qui appelle l'attention : la
présence ou l'absence d'une personne humaine
n'ont manifestement pas la même signification que celle
d'une chose, ou même de tout autre être
vivant. Mais comment en rendre compte ?
1. L'individu est-il le support de l'identité
personnelle ?
Partons de la définition célèbre, bien
que fort ancienne, de la personne par Boèce :
« substance individuelle de nature
raisonnable ». Cette définition a
pour inconvénient de répondre à la
question : « Qu'est-ce ? »,
mais pas à la question « Qui
est-ce ? ». Autrement dit, le
problème est de comprendre comment l'individu, en
tant que membre d'une espèce, devient capable de s'individualiser,
c'est-à-dire de devenir soi-même et de dire
« je ».
Remarquons, pour commencer, que l'entrée dans la vie se marque pour tout individu par l'attribution d'un nom, nom de famille pour l'état civil, nom de baptême pour le chrétien. Dans les deux cas, le nom sert autant à l'identifier qu'à signifier son appartenance à une communauté (familiale, religieuse). Le premier apprentissage du tout petit enfant, c'est la reconnaissance de lui-même par le moyen de son nom, en se différenciant de ses camarades. Mais une étape décisive de l'individualisation est franchie lorsque le petit homme est capable de parler en son propre nom et dire « je » (Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, § 1).
Le processus d'apprentissage est donc double : l'usage des pronoms personnels dans la langue suppose d'une part différenciation et identification de l'autre comme lui-même capable de dire « je » et d'échanger paroles, sentiments et pensées dans un même langage. Mais, d'autre part, il annonce l'intériorisation de l'altérité, puisque je suis à la fois le même et autre maintenant que ce matin. L'emploi du pronom personnel suppose en effet la capacité de se référer au vécu passé (mémoire personnelle) et celle d'anticiper le possible en direction du futur (former des projets, faire des promesses, etc.).
C'est ainsi que l'individu, tout d'abord membre de l'espèce à sa naissance, se constitue progressivement une histoire personnelle, s'aménage, dans le monde déjà là, un point de vue qui n'appartient qu'à lui-même et n'est substituable à nul autre. Bref, le nom, la parole et tous les autres éléments de la culture contribuent à former une personnalité, en rendant possible un processus d'individualisation. Toutefois, ils conduisent bien jusqu'au seuil de la personne, mais ils ne la font pas. Du coup, quelle est la signification de cette notion, qui est plus qu'une notion, si on ne doit pas la confondre avec celle d'individu ?
Remarquons, pour commencer, que l'entrée dans la vie se marque pour tout individu par l'attribution d'un nom, nom de famille pour l'état civil, nom de baptême pour le chrétien. Dans les deux cas, le nom sert autant à l'identifier qu'à signifier son appartenance à une communauté (familiale, religieuse). Le premier apprentissage du tout petit enfant, c'est la reconnaissance de lui-même par le moyen de son nom, en se différenciant de ses camarades. Mais une étape décisive de l'individualisation est franchie lorsque le petit homme est capable de parler en son propre nom et dire « je » (Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, § 1).
Le processus d'apprentissage est donc double : l'usage des pronoms personnels dans la langue suppose d'une part différenciation et identification de l'autre comme lui-même capable de dire « je » et d'échanger paroles, sentiments et pensées dans un même langage. Mais, d'autre part, il annonce l'intériorisation de l'altérité, puisque je suis à la fois le même et autre maintenant que ce matin. L'emploi du pronom personnel suppose en effet la capacité de se référer au vécu passé (mémoire personnelle) et celle d'anticiper le possible en direction du futur (former des projets, faire des promesses, etc.).
C'est ainsi que l'individu, tout d'abord membre de l'espèce à sa naissance, se constitue progressivement une histoire personnelle, s'aménage, dans le monde déjà là, un point de vue qui n'appartient qu'à lui-même et n'est substituable à nul autre. Bref, le nom, la parole et tous les autres éléments de la culture contribuent à former une personnalité, en rendant possible un processus d'individualisation. Toutefois, ils conduisent bien jusqu'au seuil de la personne, mais ils ne la font pas. Du coup, quelle est la signification de cette notion, qui est plus qu'une notion, si on ne doit pas la confondre avec celle d'individu ?
2. La personne, un être ou une valeur ?
En mettant l'accent sur l'individualisation de la
personne, c'est-à-dire sur ce qui la particularise,
ne s'éloigne-t-on pas de toute
référence à l'universel
(référence pourtant contenue dans la
définition de Boèce, qui mentionne la nature
raisonnable de la personne) ? En abandonnant la
personne aux accidents et particularités d'une
histoire individuelle, on court le risque d'en
réduire la portée. D'après l'origine
latine du mot, la personne n'est-elle pas, après
tout, qu'une fiction, un masque ou une apparence
derrière lesquels se dissimule l'absence d'unité et
d'identité ? La sociologie
contemporaine ne définit-elle pas l'individu par la
multiplicité de ses désirs, de ses
rôles, de ses identités ?
Toutefois, même le formalisme du droit romain, qui nous a légué la notion de « personne morale », nous apprend que cette notion de personne ne doit pas être conçue sous la forme d'une substance, identifiable ou absente, mais d'abord comme valeur. La personne, en effet, n'est pas une chose parmi les choses, l'individu représentant son espèce biologique, ou la partie interchangeable au sein du tout quel qu'il soit : famille, État, classe ou nation, race ou humanité.
Kant est le premier à avoir reconnu la valeur absolue de la personne en la concevant comme une fin en soi (voir la troisième formulation de l'impératif catégorique dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e partie). À toute chose, en effet, peut être attribuée une valeur relative, en tant qu'elle est utile à autre chose qu'elle-même. En revanche, la personne humaine ne peut jamais être considérée comme utile à autre chose qu'elle-même, autrement dit comme un moyen au service d'un but qui la dépasserait, aussi grand ou sublime soit-il. De plus, la personne humaine, toute personne humaine, en tant qu'elle est capable de faire usage de la raison, est dite autonome.
Toutefois, même le formalisme du droit romain, qui nous a légué la notion de « personne morale », nous apprend que cette notion de personne ne doit pas être conçue sous la forme d'une substance, identifiable ou absente, mais d'abord comme valeur. La personne, en effet, n'est pas une chose parmi les choses, l'individu représentant son espèce biologique, ou la partie interchangeable au sein du tout quel qu'il soit : famille, État, classe ou nation, race ou humanité.
Kant est le premier à avoir reconnu la valeur absolue de la personne en la concevant comme une fin en soi (voir la troisième formulation de l'impératif catégorique dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e partie). À toute chose, en effet, peut être attribuée une valeur relative, en tant qu'elle est utile à autre chose qu'elle-même. En revanche, la personne humaine ne peut jamais être considérée comme utile à autre chose qu'elle-même, autrement dit comme un moyen au service d'un but qui la dépasserait, aussi grand ou sublime soit-il. De plus, la personne humaine, toute personne humaine, en tant qu'elle est capable de faire usage de la raison, est dite autonome.
3. Quelle est la place de la personne dans une
communauté ?
La personne comme valeur ne se laisse ni dissoudre dans
l'atomisation des sociétés
fondées sur la satisfaction des désirs
individuels, ni intégrer dans le totalitarisme
des communautés fermées sur
elles-mêmes. Les unes comme les autres font fi de la
personne au nom soit des impératifs
économiques, soit d'une idéologie ou d'une
religion. Mais dire qu'elle est d'abord valeur, et non
pas seulement individu ou substance, est-ce bien
satisfaisant ? Le paradoxe se redouble du fait que la
personne, si rétive à toute entreprise de
définition, n'est pas non plus objet
d'expérience, à la différence de
l'individu.
Reprenant une suggestion de Paul Ricœur (voir sa préface à E. Mounier, Écrits sur le personnalisme), la personne se caractérise par une certaine attitude : attitude face à la vie, face au monde et aux autres. Mais cette attitude ne surgit que dans des situations que l'on qualifie de crise, autrement dit celles où plus rien ne va de soi.
C'est d'abord la situation de l'homme dans le monde qui semble faire problème. L'attitude-personne est donc la réponse à une interpellation, lorsque les solutions aux problèmes ne viennent pas d'elles-mêmes : « s'apercevoir comme personne déplacée est le premier moment constitutif de l'attitude-personne » (ibid.).
Mais l'interpellation attend une réplique, c'est-à-dire l'affirmation de choix et de préférences, ce qu'implique d'ailleurs la notion de valeur. Entre les fins poursuivies par les hommes, s'établit donc un ordre ou une hiérarchie de préférences, à partir desquels on peut évaluer et dénoncer l'inacceptable et l'intolérable.
En un temps où semble triompher le relativisme du « tout se vaut », l'attitude-personne apporte donc sa réplique, en convoquant chacun à sa liberté et aux responsabilités qui en découlent.
Reprenant une suggestion de Paul Ricœur (voir sa préface à E. Mounier, Écrits sur le personnalisme), la personne se caractérise par une certaine attitude : attitude face à la vie, face au monde et aux autres. Mais cette attitude ne surgit que dans des situations que l'on qualifie de crise, autrement dit celles où plus rien ne va de soi.
C'est d'abord la situation de l'homme dans le monde qui semble faire problème. L'attitude-personne est donc la réponse à une interpellation, lorsque les solutions aux problèmes ne viennent pas d'elles-mêmes : « s'apercevoir comme personne déplacée est le premier moment constitutif de l'attitude-personne » (ibid.).
Mais l'interpellation attend une réplique, c'est-à-dire l'affirmation de choix et de préférences, ce qu'implique d'ailleurs la notion de valeur. Entre les fins poursuivies par les hommes, s'établit donc un ordre ou une hiérarchie de préférences, à partir desquels on peut évaluer et dénoncer l'inacceptable et l'intolérable.
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