Désir et besoin - Maxicours

Désir et besoin

1. L'identité apparente du désir et du besoin
a. Désir et besoin impliquent tous deux le manque ou l'absence d'un objet
Dans le langage commun, nous disons aussi bien que « nous désirons cet objet » ou que « nous en avons besoin » : autrement dit, nous considérons ces deux notions comme identiques. Toutes deux marquent le manque ou l'absence.

Deux exemples le montrent clairement : quand j'ai faim ou soif, c'est-à-dire quand je désire manger ou boire, c'est que je manque de nourriture ou de boisson, autrement dit, parce que j'en ai besoin.
Inversement, quand je viens juste de manger ou de me désaltérer, quand ces besoins vitaux sont comblés, je n'éprouve plus le désir de manger ou de boire.
b. « On ne désire que ce dont on manque », c'est-à-dire ce dont on a besoin
Telle est en effet la définition du désir donnée par Platon dans Le Banquet (199 d-200 e) : le désir ne peut porter que sur ce que l'on n'a pas, ce que l'on n'est pas. Par exemple, l'homme qui est déjà grand et fort ne saurait désirer le devenir, puisqu'il l'est déjà. Il faut donc dire avec Platon que « ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l'amour ».
Désir et besoin semblent ainsi identiques, ou du moins étroitement liés.

2. Le besoin et le désir sont liés et cependant distincts
a. Le besoin au sens strict relève du corps, le désir, de l'âme
On peut définir le besoin comme un manque objectif, d'ordre physiologique : nous avons besoin de nourriture lorsque notre corps n'a plus les nutriments qui lui sont nécessaires pour se conserver.
Le désir quant à lui serait le sentiment ou la conscience que notre esprit a de ce besoin corporel.

Par suite, le désir aura un contenu différent du simple besoin : le besoin a pour objet la nourriture en général, tandis que le désir portera sur tel aliment précis, en fonction de mes goûts, des souvenirs de plaisirs gustatifs passés, etc.
Tandis que le besoin est neutre ou indifférencié, le désir, parce qu'il relève de la pensée, a au contraire un objet déterminé et différencié.
b. Le besoin est un manque, le désir est l'élan qui le comble
Plus encore, le lien qui unit le besoin au désir est paradoxal : d'une part certes, le désir s'éveille suite à un besoin dont il est la conséquence, mais il est aussi ce mouvement ou « élan » de l'esprit qui va nous conduire à combler ce besoin antérieur.
Si le désir est lié au besoin, il est donc aussi ce qui s'y oppose en le satisfaisant, et par là en le détruisant.
De sorte que le besoin apparaît comme étant pure négativité, tandis que le désir est un élan positif vers un accroissement ou du moins une conservation de soi.

Tel est le sens du mythe de la naissance d'Eros (Amour) narré par Platon dans Le Banquet (201 d-207 c) : Eros, fils de Penia (l'Indigence) et de Poros (la Richesse), est l'intermédiaire entre le manque et la satisfaction, l'élan qui nous permet de passer de l'un à l'autre. Le désir n'est donc pas, comme le besoin, un simple manque : il est ce qui permet de combler ce manque, puisqu'il est à la fois conscience du besoin et élan vers la satisfaction.
c. Enfin, il existe des besoins sans désirs, et des désirs sans besoin
Il y a des besoins sans désir : c'est ce que montre l'anorexique, dont le corps manque de nourriture, et qui ressent la faim, mais qui ne désire pourtant pas manger. Ce cas, certes pathologique, nous révèle (ainsi que le montrent certaines études psychanalytiques) que l'être humain n'est pas d'abord un être de besoin, mais un être de désir : l'anorexique, en refusant d'assouvir un besoin vital par peur de s'y trouver réduit, affirme par son refus que l'on peut désirer tout autre chose que ce dont on a besoin.

Mais il y a aussi des désirs sans besoin : c'est le cas du désir amoureux, qui ne résulte pas d'un simple besoin physique, mais est le fruit d'une attirance complexe, non seulement physique mais d'ordre intellectuel, pour l'objet aimé.
Nous voyons donc que les désirs humains sont souvent découplés du besoin.

3. Spécificité du désir humain : l'homme désire sans besoin
a. L'homme désire au-delà de ses besoins : c'est là sa faiblesse...
Contrairement aux animaux, qui agissent seulement en vue de satisfaire leurs besoins, l'homme désire et agit souvent sans en tenir compte.
Or ceci constitue souvent une faiblesse de notre part : il arrive ainsi que nous désirions manger quoique nous n'ayons pas vraiment faim, et que nous commettions ainsi des excès nuisibles à notre santé ou à notre bien-être.

De même, nous désirons nombre d'objets dont nous n'avons pas besoin (posséder une résidence luxueuse ou des bijoux...). Ce sont là des désirs qu'Épicure dans la Lettre à Ménécée qualifiera de « non nécessaires », et auxquels il recommandera de renoncer si nous voulons trouver la quiétude et le bonheur. Car qui s'attache trop à un luxe ou à des plaisirs excessifs s'expose à bien des insatisfactions et déceptions, puisque ce sont là des biens difficiles à acquérir et aisés à perdre.
b. ... mais c'est aussi sa grandeur
C'est en effet parce que l'homme ne s'est pas contenté de ses seuls besoins immédiats, mais parce qu'il a aussi cherché à satisfaire ses désirs, qu'il a pu, au cours de son histoire, progresser, apprenant par exemple à maîtriser le feu et diverses techniques afin d'améliorer peu à peu son mode de vie.

Il faut noter en outre que ces désirs ne sont pas seulement d'ordre matériel : l'homme a aussi des désirs portant sur des objets abstraits ou intellectuels.
c. Les désirs intellectuels ou « désirs purs »
Il y a en l'homme un désir du Beau, que Platon qualifie dans le Philèbe comme un « désir pur », parce qu'il ne procède d'aucun manque antérieur, et qu'il est donc un désir purement positif : désir de voir de belles formes, mais aussi désir de produire de belles formes, de belles œuvres, ce qui amène la création des différents arts, susceptibles chacun à leur manière de matérialiser cette beauté à laquelle l'homme aspire.

Le désir de savoir, ou désir de la vérité, a aussi amené l'homme à élaborer des sciences qui lui ont permis de progresser, tant sur le plan intellectuel que pratique puisque certaines découvertes scientifiques ont parfois des applications techniques et utiles.

Enfin le désir de sagesse, qui peut être défini comme l'aspiration à être, non pas seulement plus savant, mais aussi plus juste et plus heureux, est cet élan qui a porté et doit encore porter l'homme à améliorer son existence, à s'améliorer lui-même, afin de se rendre toujours plus moral mais aussi plus heureux. Or désirer (phileïn) la sagesse (sophia), ce n'est rien d'autre que pratiquer ce que les Grecs appelaient la philosophia.

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