Le devoir est-il un obstacle au bonheur ?
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Agir au gré de ses envies et les voir toutes satisfaites
correspond à un idéal du bonheur fort
répandu. Mais chacun sait que l'existence des hommes
ensemble n'est possible qu'à la condition d'observer certaines limites. Tout ce qui est
possible ne doit pas être accompli et même
certaines choses qui nous rebutent doivent être faites
malgré tout. Ne doit-on pas dès lors
considérer que le devoir est un obstacle au
bonheur ?
1. Le devoir et le bonheur se fondent sur des principes
contradictoires
a. Obligation et désir
Un devoir se présente sous la forme d'une
obligation qui s'impose à
l'individu et règle sa conduite. Il ne
détermine pas cette règle selon son bon
vouloir mais il se conforme à une règle
que d'autres lui prescrivent. Le bonheur au
contraire correspond aux désirs spontanés
de l'individu et à la recherche de leur
satisfaction.
b. Objectivité du devoir et
subjectivité du bonheur
Aussi le devoir est-il impersonnel dans la mesure
où il est le même pour tous sans
égard aux différences de
personnalité, d'intérêts ou encore de
goûts. À l'opposé, le bonheur
se détermine en fonction des attentes, des espoirs
et des ambitions d'une personne singulière.
c. Bonheur et devoir ne visent pas le même but
Le devoir correspond à une loi morale qui
définit le rapport aux autres et qui est
dirigée vers la recherche
du bien en soi. Le bonheur correspond
à une aspiration personnelle qui
définit l'orientation de sa propre existence et
qui est dirigée vers la recherche du bien pour soi. Ces
deux sortes de bien entrent souvent en contradiction.
2. Séparer radicalement le devoir et le bonheur
est une impasse
a. L'absence de devoir ruine toute prétention
au bonheur
Reste que l'on peut se demander si le mépris de
ses devoirs ne rend pas inaccessible le bonheur.
Choisir de n'obéir qu'à son caprice
implique qu'il n'existe plus de communauté
humaine mais seulement des individus ennemis
les uns des autres. L'absence de tout devoir
entraînerait dans les rapports humains une
violence, une menace
et une peur si constantes qu'on conçoit mal la
possibilité de faire l'expérience du
bonheur dans un tel contexte.
b. Remplir ses devoirs d'homme est le moyen
d'accéder au bonheur
Aristote affirme
même qu'être heureux signifie
nécessairement pour un individu réaliser sa
nature. Est heureux celui qui est parvenu à
réaliser son
humanité et non celui qui poursuit la
satisfaction de désirs impossibles à
assouvir. Fonder son existence sur les vertus de
sagesse, de tempérance, de courage et de
justice est digne d'un homme et conduit au bonheur.
c. La coïncidence de la vertu et du bonheur
Pour la morale
eudémoniste (du grec eudaimonia,
« bonheur »), le bonheur et la
vertu coïncident parfaitement et ce qui est fait
par devoir ne peut que rapprocher de l'état de
satisfaction tant désiré. En effet, les
devoirs qui incombent à chaque homme ont pour
objet de lui permettre de s'accomplir et non de le
déposséder de lui-même. Le devoir
est alors une condition du bonheur.
3. Le devoir et le bonheur relèvent de deux
ordres distincts
a. Le devoir d'être heureux
« Assurer son propre
bonheur est un devoir » affirme
Kant (Fondements de
la métaphysique des mœurs), car l'homme
frustré et malheureux est tiraillé par la
tentation constante d'enfreindre ses devoirs afin
d'apaiser son malheur. Chacun est spontanément
porté à chercher son bonheur en tant que
celui-ci désigne la satisfaction de toutes ses
inclinations. Mais agir suivant ses inclinations ou
ses désirs n'est pas agir de façon
morale. Si le devoir et le bonheur ne sont pas
ennemis, ils ne sauraient pourtant être confondus.
b. L'action morale est
désintéressée
Selon Kant, la marque
propre d'un acte moral est d'être désintéressé,
c'est-à-dire qu'il s'agit d'un acte
réalisé sans aucun égard pour mon
intérêt personnel. Les
préférences ou les répulsions ne
peuvent donc pas être la règle de la
conduite morale. Le principe de la moralité ne
dépend pas de la sensibilité mais de la
raison. Il s'agit d'agir par devoir :
« Une action accomplie par devoir tire sa
valeur morale non pas du but qui doit être atteint
par elle, mais de la maxime d'après
laquelle elle est décidée »
(Kant, Fondements de la métaphysique des
mœurs).
c. Le devoir s'accomplit sans souci du bonheur
L'action morale doit être accomplie en
conformité avec le principe selon lequel
« je dois toujours me conduire de telle sorte
que je puisse aussi vouloir que ma maxime (le
principe qui inspire mon action) devienne une
loi
universelle » (Kant, Fondements de la
métaphysique des mœurs). Dans le cas du
mensonge, je dois me demander s'il est souhaitable que
le principe du mensonge soit universalisé,
c'est-à-dire adopté par tous les hommes. Or
il est évident qu'une telle perspective
entraînerait la destruction des rapports entre les
hommes, ce pourquoi le mensonge est à
proscrire.
Dans cette perspective, la question du bonheur personnel ne peut intervenir dans la considération des devoirs qui nous incombent et seule la volonté d'agir conformément à la loi morale doit être considérée.
Dans cette perspective, la question du bonheur personnel ne peut intervenir dans la considération des devoirs qui nous incombent et seule la volonté d'agir conformément à la loi morale doit être considérée.
Pour aller plus loin
Aristote, Éthique à Nicomaque,
Livre premier « Le bien et le
bonheur » : sur le lien entre morale et
bonheur.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section : une réflexion sur le devoir moral.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section : une réflexion sur le devoir moral.
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