Objectif : connaître les différents
genres argumentatifs.
Le pamphlet est un genre argumentatif, il appartient à la
littérature d'idées. Il s'agit d'un ouvrage
court qui s'attaque violemment à des idées ou
à des personnes. Comme la satire, sa tonalité
est très agressive. On applique parfois le terme de
pamphlet à des textes qui ne sont pas des pamphlets au
sens strict, mais qui en imitent l'aspect polémique. Par
exemple, certains articles de journaux ou certains essais (le mot
« essai » désigne en principe un
écrit plus modéré que le pamphlet) ont un
contenu qui relève plutôt du pamphlet.
1. Le registre polémique
« Polémique » vient du grec
polemos qui signifie « guerre ».
Quand on parle de registre polémique, on renvoie donc au
caractère agressif d'un texte, aux attaques constantes
auxquelles il se livre.
a. L'implication de l'adversaire
Pour attaquer un adversaire, l'auteur d'un pamphlet s'en prend
souvent directement à la personne concernée. Un
indice du registre polémique est donc l'
usage de
marques de la deuxième personne (du singulier ou du
pluriel) comme les pronoms ou les adjectifs possessifs. De
même, les
périphrases
dépréciatives sont souvent utilisées
pour s'en prendre directement à ceux que l'on
condamne.
Ainsi, dans l'article « Superstition » du
Dictionnaire philosophique (1765), Voltaire attaque les
superstitieux en multipliant les apostrophes agressives :
« Vous pensez que Dieu
oubliera votre homicide si vous vous baignez dans
un fleuve, si vous immolez une brebis noire, et si on
prononce sur vous des paroles. Un second homicide
vous sera donc pardonné au même prix, et
ainsi un troisième, et cent meurtres ne vous
coûteront que cent brebis noires et cent ablutions !
Faites mieux, misérables humains :
point de meurtres et point de brebis
noires. »
b. L'implication du lecteur
Pour donner plus de force à son message, l'auteur peut
également prendre le lecteur à témoin de
l'absurdité d'une idée, du ridicule d'une personne,
de la cruauté d'une décision... Cette prise
à témoin s'exprimera par des procédés
tels que
l'apostrophe au lecteur ou l'usage du pronom
nous par lequel il se trouve associé à la
prise de position de l'auteur.
On observe par exemple cet usage dans la critique du
Ventre de
Paris de Zola écrite par Barbey d'Aurevilly
(publiée dans
Le Constitutionnel
en 1873) :
« Pour monsieur Zola, toute
cette cochonnaille, qu'il nous étale et dont il nous
repaît, et dont il finit par nous donner le mal au
cœur, c'est de l'art. »
c. Les termes dépréciatifs
Pour attaquer (une personne, une idée, une œuvre,
etc.), l'auteur de pamphlet utilise de nombreux termes
dépréciatifs ou dévalorisants (il peut aussi
utiliser des termes valorisants de façon ironique).
Ainsi, Romain Rolland, dans
Au-dessus de la
mêlée (1915), s'en prend violemment aux chefs
d'Etats bellicistes en utilisant à leur sujet l'adjectif
criminels et l'adverbe
sournoisement :
« Ces guerres, je le sais, les
chefs d'États qui en sont les auteurs criminels
n'osent en accepter la responsabilité ; chacun
s'efforce sournoisement d'en rejeter la charge sur
l'adversaire. »
2. Quelques pamphlets célèbres
a. De l'horrible danger de la lecture de Voltaire (1765)
Dans ce pamphlet qui condamne les atteintes à la
liberté d'expression, Voltaire fait parler un personnage
imaginaire, Joussouf Chéribi, à qui il fait
démontrer point par point que la lecture représente
un « horrible danger » (pour le pouvoir
politique, pour la religion, pour l'ordre de la
société, etc.). Ce pamphlet présente la
particularité d'être tout entier ironique. Pour
comprendre le message de Voltaire, ce qu'il pense en
réalité, il faut inverser le sens des paroles de
son personnage.
b. J'accuse ! d'Emile Zola (1898)
Lettre ouverte adressée par Zola au président de la
République Félix Faure, publiée dans le
journal L'Aurore, J'accuse ! peut se
rapprocher du pamphlet par son caractère fortement
polémique. Cette dimension polémique s'applique
notamment à la fin de la lettre, dans laquelle Zola
commence toutes ses phrases par
« J'accuse ». Ainsi, pour défendre
le capitaine Dreyfus injustement condamné pour espionnage
(en fait, condamné par antisémitisme), Zola s'en
prend ouvertement à la hiérarchie militaire et
à tous ceux qui la soutiennent.
c. A l'agité du bocal de Céline (1948)
Ce pamphlet attaque, de façon extrêmement agressive
et grossière, l'écrivain Jean-Paul Sartre,
désigné par la périphrase
dépréciative du titre « l'agité
du bocal ». Ce dernier avait écrit dans
Portrait d'un antisémite : « Si
Céline a pu soutenir les thèses socialistes des
nazis, c'est qu'il était payé. »
Ulcéré par cette phrase, Céline
répond par un pamphlet d'une grande violence,
désignant sans cesse son adversaire par des termes
scatologiques : « la petite fiente »,
« ce petit bousier », « cette
ventouse baveuse », etc. Ici, les arguments
disparaissent totalement, au profit de la seule injure.
L'essentiel
Le pamphlet est un écrit court qui attaque violemment
une idée, une personne ou une attitude. Il a recours au
registre polémique. De l'horrible danger de la
lecture de Voltaire, J'accuse ! de Zola ou
encore A l'agité du bocal de Céline sont
des pamphlets célèbres.