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Le centre historique de Rome de la fin de l'Empire romain à 1870

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Si on surnomme Rome la « ville éternelle », le centre historique de Rome apparaît comme la synthèse de ce que toutes les images de Rome nous renvoie : Rome, ville impériale, Rome ville pontificale, Rome à la Renaissance, la Rome de Fellini, etc. Il est d’ailleurs d’emblée intéressant de noter que Paris et Rome sont les deux villes au monde qui associent leurs images à l’idée de permanence (au surnom de Rome répond le Fluctuat nec mergitur parisien) et que ces deux villes sont associées par un jumelage exclusif. Comme si elles deux pouvaient être sur une même échelle de gloire, de richesse et de beauté architecturale.

Mais Rome désigne aussi une époque (« À l’époque de Rome » désigne clairement la Rome antique) et une civilisation (« le mode de vie romain », « la religion romaine » désignent le mode de vie des Romains ou leur religion dans l’antiquité).

Pourtant, Rome n’a pas connu que la gloire de l’Empire romain ou la puissance pontificale. Elle a connu l’affaiblissement, le repli, la dégradation à plusieurs reprises dans son Histoire : la chute de l’Empire romain ou le déclin du monde méditerranéen aux 18e et 19e siècles sont les épisodes les plus significatifs de la déchéance romaine. Peuplée de 1 200 000 habitants au temps de sa splendeur impériale, la ville n’est plus qu’une grosse bourgade provinciale de 200 000 habitants au 19e siècle.

Doc.1. Carte montrant l'évolution géomorphologique (= analyse des paysages, à travers l'histoire et l’évolution naturelle et géopolitique) de Rome

Ce constat nous conduit à une double question :

- Comment une ville qui perd son statut peut-elle surmonter la disparition de ce qui a fait sa puissance, sa réputation et sa beauté ?
- Comment se maintient ou se transforme la pérennité urbaine ?
- Quelles stratégies patrimoniales une ville met-elle en œuvre pour rester la « ville éternelle » tout en devenant une ville durable ?
1. La chute de l'Empire romain
Capitale d’Empire pendant quatre siècles, Rome est une ville sans commune mesure avec les autres villes de son époque. Forte de ses 1 200 000 habitants, c’est la ville la plus peuplée du monde. À la fin du 5e siècle, elle perd son statut avec la chute de l’Empire romain.
a. Rome, du pouvoir impérial au pouvoir spirituel
En 476, dès avant la déposition de Romulus Augustule, le dernier empereur romain, Rome devient capitale de la chrétienté. Plusieurs éléments expliquent cette évolution :
- l’édit de Constantin de 313 fait de la religion chrétienne la religion officielle de l’empire. Rome en est naturellement le centre ;
- la création de la « nouvelle Rome » (la future Constantinople), distante de 1 300 km, prive Rome de son rôle de capitale exclusive dès 330 ;
- Rome faisait figure de cité invincible. Le sac de 410 par Alaric et les Wisigoths ternit durablement l’image de la ville.

Grégoire le Grand fait assumer, au 5e siècle, un triple rôle à la ville de Rome :
- un rôle d’organisation de l’Église occidentale,
- un rôle de centre des missions en Europe vers l’Europe occidentale et orientale,
- un rôle de guide spirituel des populations germaniques converties.
b. L'Église remplace le pouvoir et s'affranchit de l'Empire byzantin
Rome se détache de ce qui reste de l’Empire dont elle a été le centre.

On procède au redécoupage administratif des 14 régions augustéennes en 7 régions ecclésiastiques. En 552, Justinien impose à l’évêque de Rome l’approvisionnement de la ville, ce qui lui permet de s’attribuer des fonctions nouvelles et de s’affranchir de l’Empire byzantin. Un faux de Constantin est élaboré par l’entourage de Paul Ier pour attester que le pape aurait un droit sur Rome et de vastes territoires ; ce faux est à l’origine de tensions qui se poursuivent jusqu’au schisme de 1054.
c. Un regain de puissance au haut Moyen âge
Rome regagne en pouvoir et en centralité à la fin du haut Moyen âge. Au 8e siècle, la papauté s’associe avec les Francs qui chassent les Lombards : les donations de Pépin et de Charlemagne permettent à la papauté de récupérer la Lombardie, Venise, l’Istrie et Ravenne. En 1201, suite à la « promesse de Neuss », l’État pontifical est reconnu grâce au jeu d’influence du pape Innocent III. La perte de Jérusalem renforce la centralité de Rome qui s’affirme comme le cœur du « système spatial pontifical ».
2. La création du « système spatial pontifical »
On entend par « système spatial pontifical », la mise en œuvre d’une stratégie de la papauté médiévale visant à fortifier son pouvoir en renforçant sa place symbolique dans le centre historique de Rome.
a. Le choix du centre historique de Rome
Cette affirmation trouve sa traduction spatiale dans le centre historique de Rome :

- la papauté fait le choix du site du Vatican, lieu du martyre de Pierre au détriment du Latran, ce qui montre la vocation universaliste de Rome.

- Les papes suivants sont des bâtisseurs qui renforcent, par la rénovation urbaine du centre historique, le pouvoir de Rome : on bâtit la cité léonine du Borgo autour de Saint-Pierre, un pôle administratif et curial (qui concerne le Sénat) autour de la basilique et le palais du Vatican. Sixte IV se fait appeler renovator urbis dans le droit fil d'une tradition augustéenne. Pour achever le cycle, Sixte V fait détruire le complexe du Latran dans les années 1586-1588

Doc.2. Rome et son système spatial pontifical

Il se crée ainsi un « système spatial pontifical » associant Rome et le Pape, même si les papes résident moins de la moitié du temps à Rome au cours des 12e et 13e siècles et que l’épisode du transfert de la papauté à Avignon nuance cette association.
b. La remise en cause de Rome
Remise en cause de la centralité romaine aux 14e et 15e siècles
Une série de faits remettent en cause la centralité romaine :
- au 14e siècle, la tentative d’imposer la papauté à Avignon affaiblit l’image de Rome en tant que centre de la chrétienté.
- La prise de Constantinople en 1453 constitue un tournant : l’islam menace la chrétienté en Méditerranée et Rome en est de fait affectée.
- La menace protestante est la plus concrète : le mouvement de Réforme se construit notamment autour d’une critique de la papauté et de Rome, chez Luther, Erasme ou Rabelais qui détournent la devise SPQR (Senatus Populusque Romanus) en « Si Peu Que Rien ».

Rome devient donc la capitale des catholiques plus que de la chrétienté
Cette période est aussi pour Rome celle d’une perte de puissance à l’échelle italienne : les villes du nord de l’Italie s’affirment démographiquement, économiquement et culturellement avec la proclamation de Florence comme capitale de la Renaissance à l’époque du Quattrocento grâce au mécénat des Médicis.

C’est enfin une période de perte de puissance à l’échelle européenne : le dynamisme commercial du Nord de l’Europe et la constitution d’États puissants en Europe contribuent à l’affaiblissement de Rome. Le paroxysme est atteint avec le sac de Rome en 1527 par les troupes de Charles-Quint : le mythe de l’invulnérabilité de la ville est brisé. La ville est même désacralisée.
3. La rénovation du centre historique, réponse à cette remise en cause
La papauté réagit, en essayant par sa politique à l’échelle mondiale, de remettre Rome au centre des jeux politiques et du pouvoir spirituel. Cette politique se double, s’accompagne et est inséparable d’une politique de rénovation à l’échelle de la ville qui utilise le centre historique comme image d’un pouvoir restauré et les monuments comme symbole de la légitimité de leur pouvoir (le concept de monument historique naît vers 1420 à Rome)
a. Rome, capitale culturelle
Rome devient le foyer de la seconde renaissance
Elle accueille les artistes byzantins après la chute de Constantinople et récupère de fait un peu de « romanité ». Deux papes issus de la famille des Médicis (Léon X, puis Clément VII) accueillent des poètes, des peintres comme Michel Ange, Raphaël et réorganisent l’université romaine.
Paul III Farnèse commande à Michel-Ange les fresques de la Chapelle Sixtine et l’aménagement de la place du Capitole. C’est cette politique de mécénat qui est à l’origine du palais Farnèse.

Rome devient le foyer du baroque de 1600 à 1680
Pour répondre aux accusations des protestants par la surenchère, on commande au Bernin le baldaquin de Saint-Pierre et les colonnades de la place Saint-Pierre.

Doc.3. Architecture baroque : colonnade de la basilique Saint Pierre realisé par Gian Lorenzo Bernini

Rome est au cœur de la croisade urbanistique de Sixte Quint (1585-1590). Rome devient alors un vaste chantier :
- réorganisation du Borgo pour mieux relier la ville religieuse et la ville proprement dite,
- urbanisation de la zone collinaire,
- création de percées reliant les sept basiliques principales par de nouvelles rues : développement en étoile à cinq branches faisant de la ville un système sacré et une image de pouvoir spirituel. Ce plan illustre la construction d’une ville chrétienne idéale avec des places, de nouvelles portes et un vaste système de parcours processionnels.

Doc.4. Détails représentant le Vatican sur le plan d'Antonio Tempesta (1593)

b. Rome, une nouvelle image
À la Renaissance, la beauté de la ville est emblème de pouvoir et vitrine de son prince. D’où la diffusion d’une image de combat de la ville : on multiplie les estampes et les gravures qui donnent une image positive de la ville. Dès 1509, Raphaël a agi ainsi en associant histoire antique et histoire moderne dans ses fresques peintes au Vatican.

Les artistes proposent une nouvelle représentation du centre historique de Rome : le plan d’Einsiedeln représente la centralité romaine par une topographie mentale en associant la ville à l’image de la perfection du cercle ou du miroir.

Source : Biblioteca dell'Archivio Capitolino, Rome
Doc.5. Plan de Rome au 8e siècle d'après l'itinéraire d'Einsiedeln

c. Rome, la manipulation du temps
Parmi les stratégies utilisées par la Papauté, la « manipulation » du temps dans le centre historique de Rome est un procédé qui apparaît à cette époque. Le procédé consiste à faire croire à la continuité historique là où il y a discontinuité pour mieux tirer parti de la puissance passée. Plusieurs exemples significatifs en attestent : il y a eu notamment la récupération pure et simple du patrimoine passé au profit du pouvoir présent. Lors de la visite de Charles-Quint, Latino Giovenale Manetti est chargé de fixer le tracé du cortège impérial en touchant tous les points de la ville dans lesquels se trouvent les vestiges de la tradition impériale romaine pour finir au Vatican.

Cette stratégie se traduit dans l’espace par des transformations du centre historique de Rome :
- Le Château Saint-Ange, ancien mausolée d’Hadrien perd sa fonction en 590 au profit d’une fonction militaire. En 1452-1453, Nicolas V fait ériger une statue de Saint-Michel pour recouvrir cette double vocation impériale et militaire.
- Des bâtiments médiévaux sont rasés et reconstruits comme la Basilique Saint-Pierre.
- On ajoute des marbres antiques sur la façade du Palais Farnèse et on fait poser des croix sur les obélisques antiques.
- L'exemple le plus frappant : on érige une statue de Saint-Pierre sur la colonne Trajane.

Doc.6. Vue du château saint Ange Doc.7. La colonne de Trajan
Doc.8. Art baroque : Fontaine des Quatre Fleuves,
place Navone

On cherche également à valoriser et instrumentaliser les édifices glorieux :
- On construit Rome comme miroir du monde : la fontaine des Quatre Fleuves de la place Navone est par exemple un modèle de représentation du monde dans un monument du Bernin.
- On lance un mouvement de renouveau processionnel à travers l’instauration du jeudi-gras qui réunit jusqu’à 6 000 personnes en 1686 à son apogée : le parcours est construit autour de Rome pour passer par les sept basiliques mais c’est aussi un parcours allégorique autour du monde chrétien : urbi et orbi

Doc.9. Parcours allégorique autour du monde chrétien
L'essentiel
Entre la chute de l'Empire romain et le 19e siècle, l'histoire du centre historique de Rome est secouée par les soubresauts de l'Histoire. Capitale d'Empire déclassée, elle devient la capitale de la chrétienté avant de devenir la capitale de la catholicité. Ville la plus peuplée du monde à l'époque impériale, elle n'est plus qu'une grosse bourgade provinciale de 200 000 habitants au début du 19e siècle.

Il n'en reste pas moins que chaque époque a cherché à s'approprier la puissance symbolique du centre historique de Rome pour affirmer ou créer de toute pièce une continuité historique avec la Rome impériale. Cette distorsion de l'Histoire a conduit les papes à transformer les édifices impériaux ou à les récupérer pour se faire les descendants des empereurs romains.

Cette tendance lourde permet à la ville de Rome de continuer à exercer une fascination symbolique sur ses contemporains même si elle n'est plus que l'ombre de la ville d'Empire. À la fin du 19e siècle, la sécularisation des relations internationales et l’affirmation des États modernes vont être à l’origine d’un nouveau choc pour Rome dont le centre, les fonctions et l’image vont être transformés.
Références
Bibliographie :
- Rome éternelle, les métamorphoses de la capitale, Géraldine Djament-Tran, Belin, 2011.

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