L'autorité de la parole politique, religieuse et scientifique
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- Connaitre trois sources d’autorité fondamentales dans nos sociétés occidentales : la religion, l’État et la science.
- Comprendre sur quoi leur autorité est fondée.
- Comprendre les limites de cette autorité.
- À l’époque actuelle, l’autorité des discours religieux, politiques ou scientifiques se trouve soumise à l’examen de l’esprit critique.
- Nous nous conformons ainsi à l’esprit des Lumières qui, sous l’impulsion de Kant, nous invitait à nous servir de notre entendement et à avoir le courage de remettre en question les autorités établies.
Par excellence, la parole religieuse est dogmatique (elle se présente comme incontestable) et révélée (c’est-à-dire transmise par une opération divine). Elle exige une soumission absolue via un credo auquel nul croyant ne peut a priori se soustraire. Les textes fondateurs des grandes religions monothéistes (l’Ancien et le Nouveau Testament, le Coran) sont réputés être une source d’autorité indiscutable. Certains croyants (les créationnistes par exemple) considèrent que certains épisodes (comme la création du monde par Dieu en sept jours) correspondent à une vérité historique et non pas à un récit allégorique.
Les lectures contradictoires de ces textes religieux entrainent des schismes (séparation des fidèles d’une religion en différents groupe) ou des anathèmes (exclusion de fidèles) quand la lecture parallèle est qualifiée d’hérétique, c’est-à-dire contraire aux doctrines d’une Église. Pour justifier l’aspect indiscutable du texte religieux, les croyants y voient l’expression même de leur dieu, qui aurait par exemple dicté les Dix Commandements à Moïse ou le Coran en entier par l’entremise de l’archange Gabriel.
Cependant, les textes religieux posent de nombreux problèmes d’exégèse, c’est-à-dire d’interprétation. De nombreux philosophes, historiens ou philologues ont montré que les textes religieux devaient être interprétés et mis en perspective avec leur contexte historique ou géographique de rédaction. L’un des premiers philosophes à tenter une exégèse rationnelle de la Bible est Spinoza, dans le Traité théologico-politique (1670). Il revendique un examen rationnel et historique de la Bible et souligne le fait qu’il ne doit pas y avoir d’opposition entre liberté d’examen et foi religieuse.
Au XVIe siècle, les guerres de religions déchirent l’Europe. C’est dans ce contexte troublé que Thomas. Hobbes publie Léviathan (1651), un traité de philosophie politique dans lequel il soutient que seul un État fort peut établir la paix civile. Pour le philosophe anglais, les passions naturelles des hommes les conduisent à vivre en guerre perpétuelle les uns contre les autres. Seul le pouvoir de l’État peut les tenir en respect. Ce pouvoir se fonde sur un contrat solennel, dans lequel tous les citoyens abandonnent à l’État le droit de se gouverner eux-mêmes. En retour, l’État leur garantit paix et protection. Selon Hobbes, pour garantir le contrat, la soumission des citoyens doit être totale et le pouvoir de l’État soit être absolu. L’autorité de l’État peut se fonder sur le glaive, c’est-à-dire la violence.
Locke et Rousseau présentent tour à tour une version moins absolue de l’autorité étatique. Selon Locke, nul homme ne souhaite abandonner tous ses droits à l’État. Aucun gouvernement légitime ne saurait être absolu. Diderot, dans l’article « Autorité politique », défend la même idée :
(Denis Diderot, Encyclopédie, 1751)
Rousseau présente ce contrat social de façon différente : il souligne l’importance de l’égalité de tous devant la loi d’une part, et de l’autorité totale de la loi sur tous les citoyens d’autre part, si elle est l’expression de la volonté de tous. Ainsi, c’est le même individu qui participe à l’élaboration des lois et qui, en tant que citoyen, les respecte. Il se trouve soumis, certes, mais à la mesure de lois qu’il s’est lui-même données.
Ces théories du contrat social sont au fondement de l’avènement des démocraties occidentales et américaines, à la fin du XVIIIe siècle, et de l’idéal d’égalité de tous les citoyens devant la loi et l’État. Se développe en parallèle l’idéal de droits humains : l’instruction, la propriété, la santé, la liberté d’expression, la sécurité... Dans un État démocratique, la liberté d’expression implique qu’on puisse critiquer l’État, manifester, protester, et même remettre en cause l’idée-même de démocratie, car le mode de légitimation du pouvoir (la majorité) peut parfois sembler tout aussi arbitraire que d’autres régimes.
La science est la seconde source d’autorité qui a pris le relai de l’autorité religieuse. Après avoir longtemps suscité la défiance (les scientifiques étaient persécutés et devaient publier leurs travaux anonymement pour éviter les poursuites), la science a été érigée en source de vérités incontestables au XIXe et au début du XXe siècle. Par la suite, l’histoire de la science et l’épistémologie (à travers les études de Thomas Kuhn ou Karl Popper par exemple) ont montré que la science évolue selon des ruptures radicales avec les idées scientifiques antérieures, et que la marque d’une théorie scientifique doit être sa réfutabilité. Ainsi, lorsqu’Einstein exposa en 1905 sa théorie des « quanta lumineux » (l’idée que, en plus d’être une onde électromagnétique, la lumière est composée de particules, aujourd’hui appelés photons), il proposa à ses « adversaires » trois protocoles expérimentaux destinés à valider ou réfuter sa théorie.
L’origine de l’autorité de la science et des discours qu’elle tient se situe au XVIIe, sous l’impulsion de Descartes ou John Locke. Le langage de la science doit être un langage net, clair et ordonné, dépouillé d’artifices et neutre. Il repose sur des intuitions intellectuelles infaillibles et des raisonnements déductifs. Cependant, même les évidences mathématiques de Descartes ont été remises en cause par les théories non-euclidiennes (par exemple, par un point situé hors d’une droite, il ne peut passer qu’une et une seule parallèle à cette droite).
Aujourd’hui, le discours scientifique est lui aussi remis en question comme source d’autorité indiscutable. Il n’est en effet pas dénué d’idéologie ou de subjectivité et de partialité. La froide et évidente rationalité de la science laisse la place à une vision plus nuancée qui intègre les enjeux sociaux et éthiques, les émotions, l’argumentation et l’incertitude. À tel point qu’Edgar Morin, entre autres, présente le fait d’affronter les incertitudes liées à la connaissance comme l’un des sept savoirs fondamentaux du XXIe siècle et appelle à se méfier d’une « fausse rationalité », aveugle et destructrice.
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