Quand dire, c'est faire
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Contrairement à ce qu’on pourrait de prime abord croire parole et action ne s’opposent pas nécessairement, car la parole est nécessairement un acte, ce qui peut être entendu de différentes façons.
La théorie des actes de parole a fait émerger au XXe siècle un aspect essentiel de la parole : sa part d’action. Dans la plupart des cas, la parole ne se contente pas de prendre le monde tel qu’il est, de décrire son état et de le laisser tel quel. On parle d’acte de parole ou de langage lorsqu’une action est réalisée par un énoncé.
Ferdinand de Saussure distingue la langue, définie comme un produit social et un ensemble de conventions nécessaires, et la parole, qu’il définit comme « un acte individuel de volonté et d'intelligence » dans lequel « le sujet parlant utilise le code de la langue en vue d'exprimer sa pensée personnelle ». Chaque être humain fait en permanence évoluer la langue, à travers son utilisation personnelle et subjective de la langue : on parle d’usage. L'acte individuel de parole est donc d’abord un acte créatif.
Charles Morris est l’un des premiers philosophes du langage américain à développer le domaine de la pragmatique du langage, c’est-à-dire à l’étude de l’usage du langage. Il insiste particulièrement sur le fait qu'il existe un autre type de phrase que la phrase descriptive et référentielle (qui décrit un état du monde) :
John L. Austin critique de manière encore plus pointue « l'illusion descriptive » du langage, c’est-à-dire l’idée que le langage n'aurait qu’une fonction de description du monde. Austin oppose d’abord les énoncés constatifs (ou « descriptions ») et les énoncés performatifs (ou « actions ») : un énoncé performatif n’est ni vrai, ni faux ; il est évaluable en termes d’efficacité. Pour qu’un énoncé performatif soit efficace, il faut qu’il soit prononcé par une personne en charge d’une autorité, avec sincérité et cohérence. Un énoncé de type « Bienvenue chez moi » est donc performatif car il accomplit un acte d’accueil et il est efficace s’il est sincère et cohérent avec l’attitude de la personne qui le prononce.
Par la suite, Austin met en valeur le fait qu’on accomplit nécessairement un acte lorsqu’on parle. Il distingue la valeur locutoire, illocutoire et perlocutoire de cet acte. La valeur locutoire de l’acte de parole est le contenu de l’énoncé lui-même. La valeur illocutoire est la composante d’action de tout énoncé, c’est l’acte accompli par le locuteur : demande, prière, promesse, ordre… La valeur perlocutoire se concentre sur l’action exercée sur le destinataire : par exemple, une flatterie, une insulte ou une question entrainent une réaction de l’interlocuteur.
Reprenant la théorie des actes de langage d’Austin, Bourdieu souligne l’importance de l’autorité de la personne qui s’exprime pour expliquer que certaines paroles sont efficaces et d’autres pas. Tout le monde ne peut en effet pas déclarer mari et femme des futurs époux, absoudre des péchés ou encore baptiser un bateau. Il faut une personne reconnue comme légitime pour le faire (un maire, un prêtre…).
Bourdieu appelle cette légitimité le pouvoir symbolique. Ce pouvoir dépend du capital symbolique de la personne (son prestige, sa reconnaissance). Il ne s’exerce pas par la force physique ou la violence, ni par la contrainte, mais à travers ce que nous pensons et croyons : nous accordons du crédit à une personne importante socialement, dont les fonctions sont reconnues par la société : scientifique, homme ou femme politique, expert, dignitaire religieux, docteur…
Pour qu’un énoncé performatif réussisse, il faut une adéquation entre la fonction sociale du locuteur et le discours qu’il prononce. Le pouvoir performatif des mots est lié au statut de la personne qui les prononce, qui est en quelque sorte un « porte-parole » du groupe social ou de l’institution qu’il représente. Pour Bourdieu, cette efficacité est quasiment associée à un acte de magie.
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