L'essentiel
Le retour à la paix, en 1945, voit la dissolution
progressive de la grande Alliance. La création de
l'Organisation des Nations Unies, en 1945, ou le
procès de Nuremberg, en 1946, masquent mal les
premiers malentendus entre les alliés occidentaux et
l'Union soviétique. Les ambitions de cette
dernière font ainsi naître la méfiance des
autres, tout particulièrement celle des Etats-Unis.
1. La question allemande à l'origine des premiers
malentendus
a. Des frontières mal définies
Les Alliés avaient, avant la fin des hostilités,
retenu comme principe que le retour à la paix devrait
s'accompagner d'un retour aux frontières
européennes de 1938, c'est-à-dire avant les
acquisitions territoriales faites par l'Allemagne au
détriment de la Tchécoslovaquie (Sudètes
notamment) et avant l'Anschluss (annexion de l'Autriche). Pour
l'Allemagne, cela signifiait un retour aux frontières
définies en 1919, au lendemain de la Première
Guerre mondiale. Mais l'Union soviétique, en 1945,
entend tirer profit de sa participation au conflit sous forme
d'un accroissement territorial destiné à former un
glacis protecteur des régions de la Russie occidentale. On
assiste donc à un glissement de la Pologne vers l'ouest,
au détriment du territoire allemand qui se voit
amputé de quelques 100 000 km². La nouvelle
frontière germano-polonaise étant fixée le
long de deux rivières : l'Oder et la Neisse. Or, si
cette situation satisfait l'Union soviétique, les
alliés occidentaux ne l'acceptent que difficilement et ne
reconnaissent pas cette nouvelle frontière qui forme alors
une pomme de discorde entre Union soviétique et
alliés occidentaux.
b. Que faire de l'Allemagne ?
Le sort de l'Allemagne est une autre pomme de discorde entre les
anciens alliés. Certes, la conférence de Postdam
avait, en juin-juillet 1945, fixé des cadres
généraux quant au sort de l'Allemagne vaincue. On
s'était mis d'accord pour la dénazifier, la
démilitariser, ainsi que pour juger les criminels de
guerre et les criminels contre l'humanité. Mais dès
le début de l'année 1946, les points de vue
divergent entre Occidentaux et Union soviétique. Cette
dernière entend utiliser la zone d'occupation qu'elle
détient en Allemagne comme un dédommagement des
pertes subies durant le conflit. Par ailleurs, elle souhaite
limiter les possibilités de reconstruction de l'Allemagne
afin d'éviter toute revanche de sa part. On assiste donc
à un démontage systématique de l'appareil
industriel allemand de la zone qu'elle contrôle pour aider
à la reconstruction de sa propre économie.
Américains et Britanniques redoutent au contraire
l'appauvrissement de l'ancien Reich et veulent éviter que
sa ruine n'entraîne sa population dans le communisme. Aussi
mettent-ils rapidement fin à la politique de
dénazification et de démantèlement des
restes de son appareil industriel. Au total les positions
soviétique et occidentale sont inconciliables.
2. Les ambitions soviétiques à l'origine de la
méfiance
a. La volonté de soviétisation de l'Europe
orientale
Lors de la conférence de Yalta, en
février 1945, les Alliés se sont entendus sur
la nécessité – en accord avec la Charte de
l'Atlantique et les principes de la future Organisation des
nations unies qu'ils projettent de mettre en place – de
favoriser le libre choix de leurs institutions et de leurs
gouvernements par les pays qu'ils libèreraient de la
tutelle nazie. Or très vite, l'Union soviétique ne
respecte pas cet engagement. Dans les différents pays
libérés par l'Armée rouge, les communistes
prennent une place de plus en plus importante dans les
gouvernements de coalition issus de la libération.
En Pologne, c'est à contre-coeur que les quelques
ministres issus du gouvernement polonais en exil à Londres
durant le conflit sont intégrés au gouvernement de
coalition. De fait, ils sont très rapidement isolés
et réduits à un rôle secondaire, avant
d'être progressivement arrêtés sous des motifs
divers. En Albanie et en Yougoslavie, deux pays qui se sont
libérés sans intervention de l'Armée rouge,
les chefs de la résistance communistes prennent en main
les leviers du pouvoir, éliminant les autres courants de
la résistance, avec l'accord à peine voilé
de Staline.
b. Les prétentions soviétiques en Turquie et en
Iran et leur échec
La fin du second conflit mondial offrait à l'Union
soviétique de Staline une opportunité de renouer
avec la politique territoriale traditionnelle de la Russie,
à savoir la recherche d'un agrandissement vers le sud, en
direction de la Turquie et de l'Iran.
Disposant d'une large façade maritime, la Russie –
puis son héritière issue de la révolution
de 1917, l'Union soviétique – souffre
malgré tout traditionnellement des difficultés
d'accès de cette façade qui ouvre sur des mers
prises par les glaces ou sur des mers commandées par des
détroits qu'elle ne contrôle pas.
Dans ce contexte, les ambitions russes sur la région des
détroits, en mer Noire, sont une constante de la politique
étrangère russe puis soviétique. On assiste
donc, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une
tentative soviétique de s'implanter en Turquie et de
contrôler les détroits du Bosphore et des
Dardanelles. Les Etats-Unis, en août 1946, devant la
menace soviétique – notamment le soutien
soviétique accordé à la rébellion
kurde –, décident de renforcer leur présence
militaire maritime dans la région, mettant ainsi fin aux
ambitions soviétiques.
L'Union soviétique a également des ambitions en
Iran, qu'elle occupe conjointement avec les Britanniques
depuis 1941. Depuis cette date, elle profite de la
présence de son armée sur une partie du territoire
iranien pour encourager des mouvements séparatistes kurde
et azéris, afin d'annexer les provinces
pétrolifères du Nord du pays. Là encore,
en 1946, il faut l'intervention pressante des Etats-Unis
pour que l'Union soviétique renonce, non sans amertume,
à ses ambitions.