A chacun sa vérité
Mais ces énoncés posent problème : ils impliquent que la vérité peut être considérée comme subjective, comme essentiellement relative – chacun pouvant disposer d'une vérité qui ne serait que la sienne. Mais une vérité qui n'est vraie que pour moi est-elle encore une vérité ?
Si la connaissance se réduit à la perception ou à l'opinion, il semble donc légitime de dire « à chacun sa vérité », puisqu'il est vrai que perception et opinion sont, par définition, subjectives et relatives. Mais le problème est précisément de savoir si une telle conception de la connaissance ou de la science peut être admise.
Mais ce relativisme a nécessairement pour corrélat un scepticisme, aux deux sens du terme : il aboutit soit à nier la possibilité même de découvrir aucune vérité authentique, et ainsi à renoncer à tout effort ou à toute recherche théoriques ; soit à se tenir dans une simple position de questionnement ou d'examen perpétuels, sans espoir cependant d'obtenir aucune réponse assurée (suivant l'étymologie du terme « scepticisme », qui provient du grec skeptomaï : « j'examine »).
En d'autres termes, une vérité qui n'est que ma vérité ne saurait être une vérité au sens strict. Il serait absolument absurde, par exemple, de soutenir que chacun a sa propre définition du triangle, ou que chacun est libre de penser ce qu'il veut quant à la réalité de tel événement historique singulier.
Tel est le propos de Descartes, qui remarque que la
diversité des opinions est le signe de ce que l'on n'a
encore atteint aucune connaissance certaine :
« chaque fois que sur le même sujet [deux
savants] sont d'un avis différent, il est certain que
l'un des deux au moins se trompe ; et même aucun
d'eux, semble-t-il, ne possède la science : car si
les raisons de l'un étaient certaines et
évidentes, il pourrait les exposer à l'autre de
telle manière qu'il finirait par le convaincre à
son tour ».
Les opinions sont précisément, pour Descartes, ce que l'on doit dépasser pour accéder à la science.
Mais un dialogue véritable implique que chaque interlocuteur ait en vue, non point la seule défense de son opinion propre, mais l'horizon d'une vérité universelle que peut être nul d'entre eux ne détient encore – et par là même le dépassement et l'abandon de toute opinion subjective.
En ce sens, il faudrait conclure en disant que, si l'on peut légitimement dire : « à chacun son opinion », puisque toute opinion est par définition subjective, on ne saurait nullement dire de même : « à chacun sa vérité ». C'est précisément au-delà de toute opinion, et peut-être même contre toute opinion subjective, que la vérité peut seulement être découverte : « On ne peut rien fonder sur l'opinion », disait Bachelard, mais « il faut d'abord la détruire ». L'opinion est, pour la science, « le premier obstacle à surmonter ».
Platon, Théétète, 152 a-d : sur le relativisme de Protagoras.
Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, III : sur le désaccord et la diversité des opinions comme signe d'ignorance. Discours de la méthode, I : sur le même point, et IV : sur la mise en œuvre du doute radical.
Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, 1 (Vrin, p . 14) : sur l'opinion comme « obstacle épistémologique ».

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