Vie, mort et renaissance de la rhétorique
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- Connaitre la longue histoire de la rhétorique dans la pensée occidentale.
- Comprendre pourquoi la rhétorique, domaine d’étude et de pratique millénaire, a progressivement disparu de la culture occidentale.
- Comprendre pourquoi il est nécessaire de l’enseigner de nouveau aujourd’hui.
- À partir du XVIe siècle, la rhétorique se réduit progressivement à un répertoire de figure de style en vue d'orner les discours. Locke lui oppose le discours scientifique, supposément neutre et objectif. Au XIXe siècle, les Romantiques critiquent la rigidité de la rhétorique.
- Au XXe siècle, la rhétorique connait un retour en grâce, dans la littérature d'une part, mais surtout du côté du droit. Les concours d'art oratoire rencontrent un succès grandissant.
- Dans les sociétés démocratiques, à l'heure où se multiplient les discours, maitriser la rhétorique permet de persuader ou se défendre, et donc d'exercer pleinement son rôle de citoyen ou de citoyenne.
Dès sa naissance en Grèce antique, la rhétorique, telle qu’elle est enseignée par les sophistes, est critiquée et condamnée par Socrate. Il considère que ce n’est pas un art, mais une flatterie, un savoir-faire routinier. C’est un ensemble de procédés qui peut mettre en valeur n’importe quel contenu, qu’il soit vrai ou faux, tout comme la cosmétique.
Socrate condamne ici principalement la rhétorique telle qu’elle est pratiquée par les sophistes, soit sous forme de longs discours qui n’ont pour but que de briller devant un public médusé, soit dans des débats où l’adversaire est réduit au silence par des pièges langagiers (dilemmes, jeux de mots, etc.).
À l’époque moderne (XVIe siècle), la rhétorique est tout d’abord progressivement amputée de certaines de ses parties, et réduite à l’élocution et l’action (l’invention, la disposition et la mémorisation en sont donc écartées). L’élocution concerne la mise en langage des arguments et notamment leur ornementation par des figures, ce qui fait que la rhétorique va progressivement se réduire à un répertoire de « figures de rhétorique » qu’on appelle aussi « figures de style ».
Au XVIIe siècle, le philosophe John Locke prend acte de la progressive réduction de la rhétorique à un ornement par des figures. Il dénonce cet ornement comme une parfaite supercherie qui éloigne de la vérité et du savoir. Le discours scientifique, neutre, objectif, sans figure qui séduisent le lecteur et suscitent des passions, est le seul discours apte à la recherche de la vérité. Sous l’influence de Descartes et des Lumières, l’argumentation perd toute prétention en matière de connaissance au profit du seul discours scientifique reposant sur l’évidence et la démonstration.
Les Romantiques au XIXe siècle, avec Victor Hugo en tête de file, critiqueront eux aussi ce qui reste de la rhétorique au nom de la liberté d’écriture, de la spontanéité et de la sincérité. L’art oratoire est perçu comme une entrave à l’inspiration de l’écrivain, à son génie et son style propre.
La rhétorique voit donc à la fois son domaine se réduire à celui du discours orné, et les rejets qu’elle suscite se multiplier : les scientifiques la jugent trop frivole, les écrivains du XIXe et du début du XXe siècle la perçoivent comme un carcan dont ils ne veulent plus.
Au XXe siècle, certains écrivains commencent à prendre la défense de la rhétorique contre ce que Jean Paulhan appelle « la Terreur dans les lettres », c’est-à-dire le discrédit dans lequel est tombé la rhétorique, au point de n’être plus enseignée. Il souligne le fait qu’utiliser la rhétorique ne consiste pas nécessairement à ajouter des ornements, mais à rechercher une mise en langue juste, correcte, claire et adaptée. L’élocution ne consiste pas seulement en l’ornementation du discours, au contraire : il s’agit de réguler son style, voire de soustraire, de retirer des ornements lorsque c’est nécessaire plutôt que d’en ajouter.
Même réhabilitation du côté d’un grand poète du XXe siècle, Francis Ponge : pour lui, la rhétorique est un art de résister aux pensées et aux phrases toutes faites, au langage figé des conventions. La rhétorique est « l’art de ne dire que ce que l’on veut dire ».
Au niveau universitaire, c’est du côté du droit qu’il faut se tourner pour voir, à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, les questions de la rhétorique et de l’argumentation à nouveau étudiées. En effet, dans tous les domaines où il y a des opinions controversées (le droit, la philosophie, l’histoire, les lettres, mais aussi la science moderne, qui n’est ni évidente, ni infaillible), on a recours à des techniques d’argumentation, et donc à la rhétorique telle que l’avait étudiée Aristote.
Enfin, dans les sociétés démocratiques modernes, où règne la liberté de penser, de s’exprimer et de défendre ses idées, l’art d’argumenter, de convaincre ou de persuader est devenu un apprentissage essentiel. De nombreuses études en sciences de l’éducation soulignent le rôle et l’importance de l’argumentation dans la formation de futurs citoyens, aptes à comprendre et maitriser les moyens de persuasion.
Au XXe et XXIe siècle, la rhétorique est donc réhabilitée et devient un domaine d’étude foisonnant. Ce n’est donc pas un hasard si elle finit, dans les programmes du lycée, par réapparaitre comme objet de réflexion, d’étude et de pratiques.
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