Tous les matins du monde : deux auteurs et une oeuvre
- Fiche de cours
- Quiz
- Profs en ligne
- Videos
- Application mobile
Objectifs :
Connaître les auteurs, comprendre leur collaboration
étroite ; saisir le contexte d’une œuvre
et son environnement culturel ; retenir la trame
narrative.
Bien des éléments biographiques rapprochent le
romancier du cinéaste. Rien de surprenant à ce
que l’adaptation du film au récit soit si
fidèle et si complémentaire. La
sensibilité des auteurs et musiciens se rejoint en
silence pour faire renaître une musique baroque
renouvelée.
1. Les auteurs
a. Pascal Quignard
![]() |
Doc. 1 : Pascal Quignard |
1948 : Naissance de Pascal Quignard, dans une famille de grammairiens et de musiciens. Ses parents sont professeurs de lettres classiques. Son enfance et son adolescence sont marquées par des périodes de mutisme et d’anorexie dont il se libèrera par les études philosophiques, la lecture et la musique qu’il pratique comme violoncelliste, violoniste et altiste.
1976 : Il est employé comme lecteur chez Gallimard, chez qui il publie deux romans : Le Lecteur, puis Carus.
1986 : Il publie Le Salon du Wurtenberg et Les Escaliers de Chambord qui le font connaître du grand public. Il devient alors secrétaire général pour le développement éditorial chez Gallimard.
1991 : Il participe à la vulgarisation de la musique baroque, aux côtés de Jordi Savall (célèbre violiste, violoncelliste et chef de chœur catalan spécialiste de la musique du moyen-âge au 19e siècle, avec une préférence pour la période baroque).
Il écrit le roman Tous les Matins du monde adapté au cinéma par Alain Corneau avec Jean-Pierre Marielle et Depardieu, père et fils. Cette œuvre assure la réputation de Quignard comme l’un des auteurs incontournables du siècle et suscite l’intérêt du public pour la musique baroque.
1997 : Après avoir renoncé à sa carrière éditoriale et musicale, Quignard tombe malade et écrit Vie secrète, dans lequel on peut lire son amour des mots :
« Lire en rejetant du sang est malcommode mais lire en mourant est possible. »
Cette œuvre est emblématique de l’importante production de Quignard dans le sens où elle mêle tous les genres : la théorie, l’essai, le traité, la fiction, le conte, le rêve, la poésie, le journal intime…
En effet, ses écrits sont très nombreux et variés. Quignard affirme :
« En moi tous les genres sont tombés
»
2006 : Quignard réédite l’ensemble de son œuvre diverse et complexe, néanmoins unie autour d’un thème fondamental : la vie, de la scène primitive de la conception jusqu’à la scène ultime, qui réunit Eros (Dieu du désir et de la vie) et Thanatos (Dieu de la mort).
b. Alain Corneau
1943 :
Naissance du réalisateur dans le Loiret dans un
milieu campagnard et modeste. Il est initié
par son père au cinéma américain et
à la littérature.
Après avoir envisagé une carrière musicale de jazz, il entre à l’école cinématographique de l’IDHEC.
1968 : Il apprend le métier de réalisateur comme stagiaire puis va cosigner un scénario en 1973 avec Nadine Trintignant.
Années 70-80 : Le début de sa carrière se tourne vers le genre policier, proche du film noir américain mais en approfondissant la psychologie des personnages. Après plusieurs succès, il réalise un film mémorable, Série Noire avec Patrick Dewaere, Marie Trintignant, Bernard Blier…
Années 80-90 : Corneau multiplie les expériences cinématographiques : l’adaptation d’un roman historique (Fort Saganne), ou d’un récit autobiographique (Stupeur et Tremblements) ; une quête initiatique en Inde (Nocturne Indien), des policiers… Il refuse l’étiquette d’un genre bien déterminé.
1991 : La sortie en salle de Tous les Matins du monde lui apporte le César du meilleur réalisateur. Il remporte un succès public et un engouement critique surprenant.
2004 : Son œuvre est distinguée par le prix René Clair. Ses choix se portent vers la mise en scène de l’homme dans toutes les cultures, toutes les époques, tous les engagements…
2010 : Il reçoit le prix Henri-Langlois pour la diversité subtile de ses choix et genres, pour l’analyse psychologique des personnages en quête de leur propre réalisation…
Il meurt des suites d'un cancer des poumons en août 2010.
Après avoir envisagé une carrière musicale de jazz, il entre à l’école cinématographique de l’IDHEC.
1968 : Il apprend le métier de réalisateur comme stagiaire puis va cosigner un scénario en 1973 avec Nadine Trintignant.
Années 70-80 : Le début de sa carrière se tourne vers le genre policier, proche du film noir américain mais en approfondissant la psychologie des personnages. Après plusieurs succès, il réalise un film mémorable, Série Noire avec Patrick Dewaere, Marie Trintignant, Bernard Blier…
Années 80-90 : Corneau multiplie les expériences cinématographiques : l’adaptation d’un roman historique (Fort Saganne), ou d’un récit autobiographique (Stupeur et Tremblements) ; une quête initiatique en Inde (Nocturne Indien), des policiers… Il refuse l’étiquette d’un genre bien déterminé.
1991 : La sortie en salle de Tous les Matins du monde lui apporte le César du meilleur réalisateur. Il remporte un succès public et un engouement critique surprenant.
2004 : Son œuvre est distinguée par le prix René Clair. Ses choix se portent vers la mise en scène de l’homme dans toutes les cultures, toutes les époques, tous les engagements…
2010 : Il reçoit le prix Henri-Langlois pour la diversité subtile de ses choix et genres, pour l’analyse psychologique des personnages en quête de leur propre réalisation…
Il meurt des suites d'un cancer des poumons en août 2010.
2. Le contexte de l'oeuvre
a. La genèse
• À
l’origine, un film ?
Alain Corneau formule le projet de « faire un film dont toute la chair soit musique ». Il est admiratif de la musique baroque durant les fastes de Versailles sous le règne du Roi Soleil.
• À l’origine, un roman ?
Corneau rencontre Quignard qui a déjà écrit sur ce même thème La Leçon de musique. L’écrivain propose la rédaction d’un roman qui se centrerait davantage sur la musique de chambre et l’ambiance austère des jansénistes, loin du faste de la cour de Louis XIV.
• À l’origine, une musique ?
Jordi Savall est pressenti pour écrire un scénario musical, et adapter certaines pièces de Marais et Sainte Colombe, en fonction des scènes du film. Ainsi, le musicien a du travailler la dernière interprétation de La Rêveuse de Marin Marais non pas avec la recherche d’une perfection musicale mais comme un acteur : il doit interpréter la fragilité de l’amant qui se sait à l’origine de l’agonie de la jeune femme.
Comme le confie Sainte-Colombe : « La musique est simplement là pour parler de ce dont la parole ne peut parler. »
Alain Corneau formule le projet de « faire un film dont toute la chair soit musique ». Il est admiratif de la musique baroque durant les fastes de Versailles sous le règne du Roi Soleil.
• À l’origine, un roman ?
Corneau rencontre Quignard qui a déjà écrit sur ce même thème La Leçon de musique. L’écrivain propose la rédaction d’un roman qui se centrerait davantage sur la musique de chambre et l’ambiance austère des jansénistes, loin du faste de la cour de Louis XIV.
• À l’origine, une musique ?
Jordi Savall est pressenti pour écrire un scénario musical, et adapter certaines pièces de Marais et Sainte Colombe, en fonction des scènes du film. Ainsi, le musicien a du travailler la dernière interprétation de La Rêveuse de Marin Marais non pas avec la recherche d’une perfection musicale mais comme un acteur : il doit interpréter la fragilité de l’amant qui se sait à l’origine de l’agonie de la jeune femme.
Comme le confie Sainte-Colombe : « La musique est simplement là pour parler de ce dont la parole ne peut parler. »
![]() |
Doc. 2 : Jordi Savall |
b. Le contexte du récit
• Marin Marais
Né en 1656, il devient chanteur à la Maîtrise de Saint Germain l’Auxerrois où il interprète le Service de la défunte Reine Mère. À seize ans, il décide de partir pour suivre les cours du célèbre pédagogue Monsieur de Sainte Colombe. À dix-neuf ans, il est engagé par Lully pour jouer dans l’orchestre de l’opéra au Palais Royal. À 20 ans, il est qualifié de « musicien de Roi ». Il se consacre à l’opéra et à la composition le reste du temps puis prend la direction de l’orchestre à 49 ans. À la fin de sa vie, il se retire du monde pour une approche plus intime de la musique…
• Sainte Colombe
Sainte Colombe est un musicien virtuose de la viole et pédagogue recherché, dont on ne sait ni les dates de vie et de mort, mais seulement qu’il se tint éloigné de la cour et de ses virtuosités pour préférer l’intimité de la musique de chambre. La position janséniste que lui confèrent le romancier et le cinéaste n’est en rien avérée, mais seulement justifiable par cette attitude de retranchement austère.
• Musique de chambre et musique de cour
La musique du Roi participe du décorum (conventions et apparences protocolaires) de la cour dans ce qu’on appelle les œuvres de décor ou de cérémonie religieuse, la musique de chambre virtuose… (Par exemple, La Marche pour la cérémonie des Turcs que fait répéter Marais dans une galerie baroque du palais.) Le personnage est parvenu à une fonction émérite dans la cour.
En revanche, les musiciens comme Sainte Colombe témoignant d’une certaine indépendance musicale déplaisent à la cour. Le refus du personnage de venir à la cour pour lui préférer des concerts privés s’inscrit dans une démarche libre et indépendante, « anti Versailles », synonyme d’un renoncement à toute reconnaissance officielle.
Né en 1656, il devient chanteur à la Maîtrise de Saint Germain l’Auxerrois où il interprète le Service de la défunte Reine Mère. À seize ans, il décide de partir pour suivre les cours du célèbre pédagogue Monsieur de Sainte Colombe. À dix-neuf ans, il est engagé par Lully pour jouer dans l’orchestre de l’opéra au Palais Royal. À 20 ans, il est qualifié de « musicien de Roi ». Il se consacre à l’opéra et à la composition le reste du temps puis prend la direction de l’orchestre à 49 ans. À la fin de sa vie, il se retire du monde pour une approche plus intime de la musique…
• Sainte Colombe
Sainte Colombe est un musicien virtuose de la viole et pédagogue recherché, dont on ne sait ni les dates de vie et de mort, mais seulement qu’il se tint éloigné de la cour et de ses virtuosités pour préférer l’intimité de la musique de chambre. La position janséniste que lui confèrent le romancier et le cinéaste n’est en rien avérée, mais seulement justifiable par cette attitude de retranchement austère.
• Musique de chambre et musique de cour
La musique du Roi participe du décorum (conventions et apparences protocolaires) de la cour dans ce qu’on appelle les œuvres de décor ou de cérémonie religieuse, la musique de chambre virtuose… (Par exemple, La Marche pour la cérémonie des Turcs que fait répéter Marais dans une galerie baroque du palais.) Le personnage est parvenu à une fonction émérite dans la cour.
En revanche, les musiciens comme Sainte Colombe témoignant d’une certaine indépendance musicale déplaisent à la cour. Le refus du personnage de venir à la cour pour lui préférer des concerts privés s’inscrit dans une démarche libre et indépendante, « anti Versailles », synonyme d’un renoncement à toute reconnaissance officielle.
c. Le résumé
À la mort de sa femme, Monsieur de Sainte
Colombe vit avec ses deux filles Toinette et
Madeleine. Il leur propose une éducation
stricte et leur apprend la viole, le seul
instrument capable « d’imiter toutes les
inflexions de la voix humaine ». Le musicien
passionné refuse la cour du Roi pour lui
préférer l’austérité
d’une vie retirée en campagne. Il exprime
son deuil et son immense peine en jouant, il voit le
fantôme de sa femme apparaître en
interprétant Le Tombeau des regrets.
Le jeune Marin Marais s’introduit chez Sainte Colombe pour lui demander de lui enseigner la viole, mais il est très vite repoussé par le musicien aigri devant le succès du jeune « musicqueur » à la cour. Marais revient en cachette et épie son maître, tout en vivant une passion charnelle avec ses filles. Connaissant un succès considérable à Versailles, il délaisse la maison durant plusieurs années pour suivre sa carrière et se marier.
À la demande de Toinette, Marais se rend au chevet de Madeleine agonisante, pour lui interpréter son air préféré, La Rêveuse, avant qu’elle ne se donne la mort. Plusieurs années plus tard, il revient espionner son maître pour sauver ses compositions intimes de l’oubli : un soir, il demande une dernière leçon, qui s’avèrera la toute première, une ouverture vers la vraie musique des Pleurs…
Le jeune Marin Marais s’introduit chez Sainte Colombe pour lui demander de lui enseigner la viole, mais il est très vite repoussé par le musicien aigri devant le succès du jeune « musicqueur » à la cour. Marais revient en cachette et épie son maître, tout en vivant une passion charnelle avec ses filles. Connaissant un succès considérable à Versailles, il délaisse la maison durant plusieurs années pour suivre sa carrière et se marier.
À la demande de Toinette, Marais se rend au chevet de Madeleine agonisante, pour lui interpréter son air préféré, La Rêveuse, avant qu’elle ne se donne la mort. Plusieurs années plus tard, il revient espionner son maître pour sauver ses compositions intimes de l’oubli : un soir, il demande une dernière leçon, qui s’avèrera la toute première, une ouverture vers la vraie musique des Pleurs…
L'essentiel
Les deux auteurs bien que différents se sont rejoints
sur le terrain de la musique. En effet tandis que Pascal
Quignard accomplissait, entre autre, une carrière
musicale et participait à la vulgarisation de la
musique baroque, Alain Corneau désirait monter un film
« dont toute la chair soit musique ». Ainsi
Tous les matins du monde, correspond aux
préférences et aux ambitions des deux auteurs,
puisqu'il s'agit de l'histoire d'un musicien, Marin Marais,
et de son premier maître, Sainte Colombe, dont le
récit se joue sur fond de musique baroque et musique
de chambre au 17e siècle.
Vous avez obtenu75%de bonnes réponses !