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Mémoires de guerre : oeuvre historique et politique ou littéraire ?

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Objectifs :
Croiser les lectures des Mémoires, du constat informatif et explicatif d’une période historique à la traduction littéraire d’un émoi, et d’une perception artistique.
Les Mémoires de guerre de Charles De Gaulle suivent un héritage à dominante historique et politique dans le sens où il témoigne d’une période dont il se fait l’historiographe. Toutefois à ce postulat qui semble technique s’adjoint une dimension artistique puisque le texte met en lumière les qualités stylistiques du général capable d’un envol lyrique dans certains passages, dans lesquels se perçoivent ses préférences littéraires.

Problématique liée au genre : le statut des mémoires est complexe et se situe au carrefour de tous les autres genres prosaïques. Son appartenance à la littérature est souvent remise en question dans le sens où l’écriture de l’histoire ne relèverait pas de l’expression artistique.

Pourtant, l’individu privé transparait souvent dans son témoignage, dans sa façon de dramatiser, de mythifier, de réhabiliter ou de lyncher… Quelle part de littérature ? Quel écrivain est le mémorialiste ?

1. Du constat historique à la proposition politique
a. Constater les dégâts : dimension explicative et informative des Mémoires
Constat du territoire français avec une exactitude géographique et historique
Le tout début du Salut atteste de la « blessure » de la France, avec un champ lexical développé de la ruine et de la paralysie. De Gaulle se déplace dans toutes les régions de l’hexagone pour constater les ravages, la pénurie extrême et les note au fil de son observation comme témoin objectif de « Calais, Boulogne, Dieppe, Rouen, Le Havre, Cherbourg, Nantes, Marseille, Toulon, écrasés par les bombardements [...] détruits de fond en comble » qui ne sont « plus que quais en ruine, bassins crevés, écluses bloquées, chenaux encombrés d'épaves » (page 8. L’énumération des villes visitées, ainsi que le champ lexical de la destruction traduit une volonté descriptive objective et réaliste).

Constat de l’opinion publique
le premier chapitre décrit parallèlement et de manière contradictoire l’effet euphorique de la libération qui savoure « une subite détente morale », « une euphorie », « un étonnement ravi » (page 9).

Vers la lucidité de l’historien

Il impose la réalité devant l’euphorie de la fin 1944. Il parle de lui à la troisième personne, tenant ironiquement à distance ce personnage mythique auxquels les français meurtris et en attente se rattachent, d’où l’utilisation d’un lexique fantastique, mythique, du miracle : « Quant à De Gaulle, personnage quelque peu fabuleux, incorporant aux yeux de tous cette prodigieuse libération, on compte qu'il saura accomplir par lui-même tous les miracles attendus » (p. 10). De Gaulle se sait être le héros sacralisé duquel on attend la réparation du désastre. Par le vocabulaire de la chimère, il recadre la réalité déformée par une euphorie collective.
b. Dresser le bilan de la reconstruction : dimension explicative et argumentative
Relater les faits et les moyens du redressement du pays
Le général légitime son programme accompli « rendre son rang de grande puissance à la France » comme une nation dont le redressement ne peut être assuré que par un contrôle parfait des capacités d’agression germaniques. Revenir sur son organisation programmatique dans l’urgence d’une libération dispersée permet d’attester du succès de la mission, a posteriori.

Exemple :
Le texte a pour objectif une explication et des justifications sur les réformes économiques (augmentation des salaires, promotion ouvrière…), sociales (augmentations de salaires, allocations sociales, assurances maladie…) « afin que le travail reprenne et qu’échoue la subversion ». La maîtrise de la reprise est passée par l’ambition d’œuvrer à l’unité de l’Europe avec les grandes puissances pour replacer la France dans le concert des vainqueurs.

Les passages de « Le rang - L’ordre » répondent après coup aux partis politiques formulant des objections, à une opposition. La narration est avant tout une reprise des mesures vitales du gouvernement provisoire qui mettent un terme à l’anarchie et aux désordres provinciaux. Le général explicite et justifie « l'emprunt de la libération » (p. 48), qui s'avère être « un triomphe » (p. 49).

Raconter dans un postulat historiographique une période définie

Le mémorialiste endosse le rôle de transcription chronologique d’un matériau historique à un moment déterminé. Ainsi Les Mémoires constituent un ensemble parfaitement structuré dont chaque tome relate une période délimitée dans un souci de composition stricte, sous le couvert d’une autorité historique à respecter scrupuleusement.

Exemple :
Ainsi, la poursuite des combats et la reconstitution de l’armée française aux côtés des alliés est traduite avec la précision rigoureuse d’un journaliste de guerre. De Gaulle obéit aux codes du genre historique en racontant les éléments de lutte dans les poches de résistance allemande avec la progression de la première armée du général De Lattre, de la Provence jusqu’en Alsace ; puis la deuxième division blindée du général Leclerc chargée de reprendre la capitale alsacienne. Enfin, les généraux Caillies et Salan sont chargés de restaurer l'autorité de la France retrouvée sur la façade atlantique où l'armée allemande dispose encore de zones occupées. Si le mémorialiste redoute d’être « faillible oui incomplet », le texte tend vers l’exhaustivité et l’objectivité en respectant la chaîne causale des explications.
c. Annoncer une orientation politique : la dimension polémique des Mémoires
Questionner les français et argumenter en faveur d’un pouvoir exécutif fort
Faut-il un exécutif fort ou confier aux chambres les clés du pouvoir ? Le général expose au fil des Mémoires ses idées politiques. Pour lui, l’état doit être le reflet de l’autorité sur l’ensemble du peuple français. La notion d’état passe par l’image charismatique de son chef qui s’impose dans une assemblée qu’il a instituée.

« C’est donc du chef de l’État, placé au dessus des partis, …que doit procéder le pouvoir exécutif… À lui l’attribution au dessus des contingences politiques. » Il se défend de la dictature mais utilise une autorité régalienne se soumettant à la volonté du peuple. Il demeure ainsi le garant de l’unité de la France, dans une intention de rassemblement, au-delà des scissions. Il galvanise la foule et traduit non sans malice la formidable liesse qui entoure ses passages et discours.

De Gaulle sacralise sa mission, notamment lors du défilé sur les Champs Elysées : il dit que chacun l’a choisi « comme recours de sa peine et symbole de son espérance, et qu’à cette vue, resplendisse l’unité nationale. » Les présents de vérité générale, la fluidité sans pareille de son éloquence dépasse la fonction de l’historiographe vers celui d’un orateur efficace et péremptoire.

Critiquer une orientation parlementaire

Au travers sa rédaction se lit le mépris des politiques qui privilégient leur ambition personnelle par rapport au salut du pays : le parlementarisme et les institutions à venir sont pointés du doigt. Les raisons de sa démission sont son refus d’une république parlementaire. De Gaulle craint une instabilité créée par les partis multiples (La IIIe république connaît 102 gouvernements) qui privilégient les « intérêts catégoriels » alors que l' « intérêt supérieur » de la France, « qui est tout autre chose que l'avantage immédiat des Français » (p. 38), est délaissé par les partis.

Le mémorialiste est aussi homme politique qui justifie de ses choix et projets, qui dit son idéal, son désaccord. Il est aussi et surtout l’historien du pays et de sa personne en tant qu’homme d’État et témoin d’une époque. Ainsi à la dimension historique, politique, s’ajoute une dimension autobiographique.
2. Les Mémoires, oeuvre de littérature
a. L'héritage littéraire
Le genre des mémoires est considéré comme un genre littéraire hybride, né à la fin du Moyen-âge. Ils sont alors le synonyme de « chroniques » dans le sens où l’auteur-chroniqueur relate des faits dont il témoigne sans forcément impliquer sa personne. Le genre se trouve aux frontières du livre d’histoire et du documentaire. Cependant, il garantit une authenticité des faits observés en se doublant peu à peu d’une dimension plus personnelle. Le témoin engage son individualité, son intégrité. Le regard d’historien se double d’un rapport individuel à l’histoire.

Pierre Nora dans Les Mémoires d'État, de Commynes à De Gaulle  étudie ce lien qui engage personnellement l’individu.
Ainsi, peu à peu d’un engagement historique, naît un engagement individuel qui ne manque pas de rattacher le genre à un postulat autobiographique, plus intime et donc ouvrant la voie à l’expression littéraire via l’expression de soi.

Ainsi, Philippe Lejeune, spécialiste du genre autobiographique, concède un lien entre le genre des mémoires et celui du récit autobiographique : « L’autobiographie entre assurément pour beaucoup dans la composition des mémoires ; mais souvent, dans ces sortes d’ouvrages, la part faite aux événements contemporains, à l’histoire même, étant beaucoup plus considérable que la place accordée à la personnalité de l’auteur, le titre de mémoires leur convient mieux que celui d’autobiographie. » (L’Autobiographie en France, Philippe Lejeune)
b. Le style de De Gaulle
L’art de la formule, l’autorité en matière de politique
L'auteur montre d’indéniables qualités d’orateur dont ses discours annexés ne manquent pas de témoigner. Il aime la phrase formulée comme une maxime sentencieuse. Sous le couvert de son nom, de son expérience, l’auteur multiplie les sentences avec des phrases brèves, aux présents de vérité générale qui ont l’allure d’une maxime classique comme celles de La Bruyère ou La Rochefoucauld) Il livre ainsi des leçons de conduite politiques, telles « Plus le trouble est grand, plus il faut gouverner » (page 47) ou « L’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans éloignement » (page112).

L’art de la rhétorique
De Gaulle orne son discours de figures analogiques liées à l’appareil politique (la métaphore du sommet, de la navigation en mer, de la lumière). Son discours regorge de métaphores politiques comme « Le vent du changement souffle en rafales sur la France libérée. » (page 113) ; « Les roses de la gloire ne peuvent être sans épine. » (page 205)… Ces images parfois clichés agrémentent un discours qui s’appuie parfois sur un réseau de signification symbolique.

Ainsi, De Gaulle oppose souvent l’obscurité de l’occupation à la lumière retrouvée, la chute dans les ténèbres à une ascension vers la lumière… Il puise dans la poétique de Péguy qu’il admire. Ainsi les champs lexicaux et métaphores se filent tout au long des mémoires, lui offrant une dimension poétique et symbolique.

Exemple :
La description de la France meurtrie
après une marée dévastatrice se fait émouvante et bouleversante au-delà de sa fonction réaliste et historique. La métaphore romantique (« La marée, en se retirant, découvre donc soudain… le corps bouleversé de la France » ) offre la même vision grandiose et apocalyptique que l’on trouve chez Hugo évoquant « les vagues et les remous de ces milliers de têtes »…
c. Le lyrisme et la poésie
Au-delà d’un patriotisme intellectuel, l’auteur montre un attachement sans pareil à sa terre, sa nation.

Personnification de la France
De Gaulle personnifie la France et lui donne visage humain : elle possède un « corps » (p. 7), est capable de se mouvoir puisqu’elle « se retrouve chez elle » après la libération (p. 55). Elle « reparaît » (p. 69), et « se reprend » (p. 67). Elle est capable de sentiment humain puisque la bataille des Ardennes pendant l’hiver 1944 la « touche au plus vif ». De Gaulle en fait une force vivante et humaine. Cette personnification atteint son point culminant lors de la célébration de la victoire : « La voici vivante, respectée, recouvrant ses terres et son rang, appelée, aux côtés des plus grands, à régler le sort du monde » (p. 314).

 
Doc. 1 : La République, Daumier 1848
Allégorie de la Patrie mère nourricière

La mère nourricière
De Gaulle puise dans le lien mythique de l’attachement à la terre originelle en montrant en la France, une mère. Elle « berce en son chagrin » « ses enfants malheureux » partis au combat (p. 51). À la fin de la libération, quand les prisonniers, les déportés, les expatriés reviennent, De Gaulle instaure un lien filial entre le pays nourricier et ses habitants, comme ses « enfants les plus chers parce qu'ils furent les plus malheureux » (p. 291).

La terre sacrée, la France chrétienne
De Gaulle
fait de la France l’objet d’un culte, en usant un vocabulaire sacré : il a « foi en elle » (p. 67) mais la France de Vichy aurait pu salir « l'âme de la France ». L’amour de son pays se lit dans un patriotisme mêlé de foi qui amène à la « résurrection » (p. 238). « Fille ainée de l'Eglise », héritière de la foi catholique, la France se voit confier la mission de défendre la liberté.
L'essentiel
Ainsi, le mémorialiste est le témoin d'une époque, veillant à mettre en avant son œuvre et son influence sur son temps. De Gaulle, aux côtés de Chateaubriand, se veut être un grand mémorialiste, répondant à la fois à une tradition d’écrit historique tout comme celui d’un témoignage dont on ne peut nier les qualités littéraires.

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