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Tous les matins du monde : le suicide de Madeleine

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Objectifs :
Lire méthodiquement la scène du suicide (« Mademoiselle de Sainte Colombe ôta le drap … une brusque secousse prit ses genoux. »), percevoir la couleur tragique de l’extrait.
Les citations font référence au texte des éditions Folio-Gallimard, n°2533.

Madeleine de Sainte Colombe occupe une place centrale dans le roman dans la mesure où elle tente et initie le jeune Marin Marais à l’amour charnel. Elle constitue de surcroit la figure tragique du roman de part son physique gracile et fluet (« sa beauté mince » chapitre VI, page 34), son tempérament pusillanime (« Madeleine ne se plaignait jamais. À chaque colère de son père, elle était comme un vaisseau qui chavire et qui coule inopinément : elle ne mangeait plus et se retirait dans son silence » chapitre II, p. 19) et sa prédisposition à la souffrance (Elle vit entourée de « sentiments d’angoisse », chapitre VII, page 34) Après la perte de l’être aimé puis celle de son enfant, son suicide est amené comme une exigence tragique pour la jeune femme d’aller au bout de sa douleur, de faire de sa vie une pénitence silencieuse.

Axe de lecture : de l’urgence de la dernière rencontre à la mise en scène du suicide.
1. L'urgence de la dernière rencontre
L’ultime séparation
- Désunion dans les comportements opposés : il y a métamorphose du personnage féminin dont le caractère est la discrétion. Elle est, dans l’urgence, celle qui agit et prend l’initiative provocatrice et brusque d’où le passé simple « ôta » qui souligne la volonté subite de se dévoiler. La valeur accomplie du verbe est mise en valeur par l’adverbe « brusquement » qui souligne la sauvagerie du geste. Elle a la volonté de montrer sa maigreur sur le lieu de l’amour, le lieu de leur union passée. Cette dernière rencontre rappelle leur fusion amoureuse rapide et brutale, à l’initiative de la jeune femme fluette.

Au contraire, Marin Marais est spectateur des derniers moments, il témoigne de la maigreur de Madeleine par son recul impulsif : sa réaction est caractérisée par la précipitation et la répulsion. (Le passé simple « recula » repris plusieurs fois au même temps indique la brièveté, la prise spontanée de distance traduisant son « épouvante », page 102). Il subit la violence de la vision et réagit sans mesurer la conséquence de ses actes : « avec tant de précipitation que…» Ses actes ne sont pas réfléchis : la proposition subordonnée consécutive dévoile son acte manqué, celui de détacher le rideau du lit qui le protégerait de l’agonisante, proposition comprenant une subordonnée relative emboîtée décrivant le rideau qui se déploie pour mieux les désunir. Sa réaction lors de la dernière rencontre témoigne du désintérêt sexuel de Marais envers son initiatrice.

- Désunion dans le contraste : l’un représente la vie faste (comme le montre la description métonymique du « poignet plein de rubans ») et elle la progression de la mort dans l’anéantissement de son être (« sa main décharnée » : la chair, la vie s’est déjà détachée d’elle).

La figure de la mort
- L’oubli de la pudeur depuis que la maladie ronge son corps annonce l’avancée de la mort : tout orgueil est aboli. L'antériorité du verbe « elle avait relevé sa chemise » trahit l’intention de dévoiler sa nudité culpabilisatrice (mise en évidence par la reprise de l’adjectif « nus » et la mention crue de l’intimité de la jeune femme, non désignée par une périphrase mais par « les cuisses et le sexe »).
Il y a comme une progression de la mort dans le sens où la jeune femme disparaît progressivement : « le lit était trop haut » (disproportion de la réalité et du reste de vie dont elle dispose), ses mains sont décharnées, ses fesses « maigres », « aussi légère qu’un coussin ». La comparaison d’égalité traduit la légèreté de la jeune femme mais surtout l’absence de vie dans son corps, d’où la comparaison avec l’inanimé.

- L’animalité du comportement sauvage : « poussant un petit cri » sous tend la perte de son humanité : elle ne contrôle plus la douleur physique, et la force lui fait défaut « elle cherchait à grimper » (L’imparfait insiste sur sa tentative sans appel et son acharnement pathétique).

- L’entêtement pathétique des dernières volontés : de nombreux verbes d’actions dans de courtes phrases juxtaposées montrent la détermination de la jeune femme qui « posa-tendit-montra-mit » : elle est celle qui avance, propose, dévoile, maintient le lien. Son scénario ultime et tragique est parfaitement apprêté, son discours est préparé depuis longtemps comme le prouve la comparaison avec l’ourlet de sa chemise. La phrase courte de Quignard introduit un certain malaise, un déroulement inexorable de la rencontre.

- Un bilan lucide : elle affirme lucidement dans une assertion sans appel : « L'amour que tu me portais n'était pas plus gros que cet ourlet de ma chemise. » La phrase est imparable parce qu’il s’agit d’une vérité passée, révolue et lorsque Marais tente de répondre sans conviction « tu mens », elle ne relève même plus. Femme fidèle à ses sentiments, et déchirée, elle a besoin de dire sa vérité.

- La dernière volonté : est exprimée dans une tournure impérative « Joue, s’il te plaît. » ordre réitéré par le verbe « enjoindre » La dernière volonté est la représentation privée du seul lien entre les amants, ce que les mots ne peuvent dire : la musique. Toinette a compris puisqu’elle rattache le rideau qui les sépare et les « laissa » dans leur ultime scène d’adieu. Madeleine est chef d’orchestre de la dernière pièce qu’elle entend : elle choisit le morceau qui a été écrit pour elle, seule preuve de reconnaissance, seul titre qui lui correspond dans sa vie de rêve et d’illusion… Elle a l'initiative et le geste du chef d’orchestre : interrompant l’interprétation pour réajuster le tempo. La succession de phrases très courtes, juxtaposant l’ordre et l’acceptation de Marais crée une tension palpable dans le silence de l’exécution, largement rendue dans le scénario du film. Le musicien chante son adieu à celle qui meurt d’amour pour lui.

- L’adieu passionnel : le silence permet le regard fasciné d’où le champ lexical développé du regard  « regarder-yeux-ne pas les fermer-détailler » cohabitant avec celui de la fièvre « brûler-fièvre ». Il y a fascination pour son corps dans la musique. L’amour méduse, et vampirise, il absorbe la vie.
2. La mise en scène du suicide
Le détachement et l’observation 
Le départ de Marin est décrit avec une focalisation interne, du point de vue de Madeleine. Elle est dans l’observation statique « approcha ses yeux » et observe « au travers des bulles d’air », derrière « le carreau de la fenêtre », doublement séparée de la vie qui continue de se dérouler à l’extérieur…

- Détachement des siens sur le départ : elle voit « Marin qui aidait sa sœur à monter » (valeur durative de l’imparfait décrivant une action en cours qui n’est pas encore achevée dans le passé) et « ferma la porte » (valeur conclusive du passé simple, clôture de l’épisode), comme si la famille partait ensemble, réunie dans l’action de « monter-poser-s’engouffrer-fermer » alors qu’elle meurt, seule et reste sur le quai de sa douleur.

- Il y a proximité de la vie et de la mort, notamment dans l’opposition des couleurs de la nuit progressant (valeur durative de l’imparfait « venait ») et des couleurs vives et luxueuses qui s’en vont (Marin posa «son talon à torsades d’or et de rouge », couleurs symboles de la vie et du luxe).

Mise en scène du suicide
- Le cérémonial : les préparatifs sont sciemment réalisés comme en attestent les verbes de la quête « chercher-fouiller-ramener-remettre-revenir». Les verbes sont précédés d’un préfixe de réitération, comme s‘il s’agissait de revenir à un état original après avoir trouvé la lumière (« le chandelier » symbolisant la résolution consciente) et le soulier racorni (ramenant le souvenir de l’amant et de son père). Ainsi, répète-t-elle « Il ne désirait pas être cordonnier », ainsi réfutait-il et sa famille et la possibilité d’en fonder une. Son désespoir se lit dans cette rengaine qui montre le caractère intéressé du jeune homme méprisant son origine.

Les préparatifs prennent l’allure d’un rituel avec une incantation « elle marmonnait-elle répétait » (valeur itérative de l’imparfait).

La structure des phrases narratives très courtes et en parataxe donnent un caractère fatal à la scène, comme si tout se déroulait inexorablement : la jeune femme se tend vers la mort dans une incohérence apparente, en suggérant les causes profondes de son adieu.

- La précision du scénario ultime : la minutie du geste est suggérée par les compléments de manière « minutieusement » puis de lieu d’une précision exacte « près de la chandelle ». Tout semble savamment orchestré jusqu’au choix du « grand lacet » des chaussures : avec les déterminations précises des noms « tabouret » puis « poutre ». En effet, « le-la » sont des articles définis dont la précision est accentuée par la proposition subordonnée relative « que Marin…assis » (= l’instrument de la mort a servi à son amant, a servi à l’interprétation de La Rêveuse et au suicide) et le groupe adjectival « la plus proche de la fenêtre » (à savoir le dernier endroit d’où elle a pu l’observer). L’amour est irrémédiablement lié à la mort.

- La difficulté de se donner la mort semble avant tout une lutte physique : les verbes d’effort montrent la difficulté majeure qu’elle semble rencontrer : « tirer-grimper-parvenir-introduire-serrer ». Elle paraît en lutte avec la résistance que lui oppose son corps : « introduisit sa tête dans le nœud ». ; « elle eut du mal à faire tomber le tabouret. Elle piétina et dansa ». L’impropriété du verbe suggère une danse funèbre ironique : elle cherche la force physique de se donner la mort.

- Le point culminant du récit est le « cri » qu’elle pousse au moment de la douleur, au moment de l’insurmontable, cri secondé d’une secousse brusque comme l’expulsion de ce qui lui reste de souffle, comme une funeste libération.
L'essentiel
Madeleine représente ici la femme tragique, de par sa silhouette frêle et sa tragique fidélité qui l'a fait renoncer à la vie. Elle est d'autant plus tragique que son suicide, marquant le refus de la vie et des souffrances, lui interdit la rédemption.

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