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Tous les matins du monde : l'incipit

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Objectifs :
Lire méthodiquement l’incipit du roman, percevoir les horizons d’attente de lecture.
Les citations font référence au texte des éditions Folio-Gallimard, n°2533.

L’incipit (du latin incipio, is, ere : commencer) constitue le tout début du roman : il est fondamental puisqu’il ouvre le récit en exposant les informations essentielles qui sont liées aux personnages (Qui sont les personnages principaux ?) ; au temps (Quand l’histoire se déroule-t-elle ?) ; au lieu ( l’action se déroule-t-elle ?) ; aux thèmes (De quoi parle l’histoire, quel en est le sujet principal ?).
Il prépare les « horizons d’attente » du lecteur, le plongeant dans un univers particulier et dans une aventure de lecture toute singulière.

Ainsi, cette ouverture répond aux exigences du début de roman mais elle est tout aussi originale dans le sens où elle introduit d’emblée le lecteur dans une perception littéraire unique, celle dont la chair est silence, musique, et suggestion…

Axe de lecture : « De l’ouverture traditionnelle vers une approche déconcertante, qui est sans retour. »
1. Une ouverture en apparence traditionnelle mais paradoxale
Le temps
La datation semble en apparence assez précise en évoquant une saison et la date de la moitié de siècle, cependant il y a contradiction entre ce complément de temps inaugural et l’événement daté : la mort de Madame de Sainte Colombe. L’évocation d’un décès comme un procès brutal (mis en valeur par la brièveté de la phrase et l’emploi du passé simple « mourut » = action subite, accomplie, achevée) s’accompagne davantage d’une datation beaucoup plus précise qu’une saison dont la durée s’étale sur plusieurs mois. De plus, il y a paradoxe entre la saison symbolisant le renouveau de la vie et la clôture de cette courte phrase par la mort.

Les personnages 
la structure familiale est exposée de manière originale parce que très imprécise et neutre, par le patronyme familial « De Sainte Colombe ». Le couple est identifiable d’emblée, sans autre précision que le lien patronymique.

- Une approche de fait divers : l’expression convenue « elle laissait » permet de saisir la constitution objective du noyau familial, après le décès d’où la neutralité du GN « deux filles » suivie de la mention dépouillée de leurs âges respectifs.

- Une approche originale : le livre s’ouvre sur la disparition d’un personnage dont on ne sait que le patronyme et la mort : la veuve occupe la place inaugurale et constitue le début de l’histoire. En n’étant plus, elle crée la rupture qui ouvre le destin de sa famille.

Le thème de la mort
est mis en valeur par la construction en parataxe (succession de deux phrases juxtaposées, sans exprimer le lien logique qui les unit), à savoir la conséquence de la mort de Madame. Les phrases courtes se suivent, liées par une logique non exprimée et donc de ce fait, accentuée.

- La mort désunit irrévocablement : parce que Madame n’est plus, « Monsieur de Sainte Colombe ne se consola pas. ». Le verbe au passé simple « ne se consola pas » a une valeur d’accompli et entre en opposition avec le verbe suivant immédiatement (« il l’aimait » = imparfait à valeur durative, répétitive). Le choix du passé simple comme temps achevé réfute tout espoir de consolation pour le pauvre homme et ferme ainsi cet incipit. Aucun espoir de soulagement n’est permis.

- La mort de l’aimée réunit le couple cependant : elle inaugure une vie nouvelle pour le musicien : l’ère de la composition musicale. La mort, sous entendue dans la litote (figure de style atténuant une idée désagréable) « cette occasion » (mise en valeur par la tournure emphatique « c’est …. que ») est déclencheur de l’écriture musicale. Le thème est lancé : l’écriture musicale comme hommage à la défunte réunit le couple à nouveau dans l’expression de la douleur.

Doc. 1 : Vanité par S. B. de Saint André 17e siècle


2. Préparer l'horizon d'attente des lecteurs
Le lieu reculé mais proche de Paris et de son effervescence 
Le jardin donne sur « la Bièvre », deuxième rivière parisienne connue pour sa couleur brune, traversant des zones marécageuses et envasées, entourée de saulaies et de labyrinthes végétaux. Le lieu se place donc sous la dominante du milieu sauvage des marais, à la fois proche de la civilisation.
- Indétermination et symbolisme : les déterminants indéfinis suivis de noms génériques (« maison-jardin-rivière-saules-rive-barque ») n’ancrent pas le lieu dans une réalité géographique mais offrent plutôt une dimension symbolique. Ainsi, la rivière présente des eaux aux couleurs infernales et les saules sur la rive ne manquent pas de rappeler leur symbole dans la mythologie chrétienne, l’immortalité. « Ainsi, l’immortalité côtoie l’eau sombre des ténèbres.»

- Thématique du lieu clos, propice à l’intériorité
: le lieu est déterminé par deux attributs « étroit et clos » marquant la fermeture et l’intimité, fermeture également exprimée par une limite naturelle « la rivière », limite permettant la solitude et l’introspection (« une barque dans laquelle…agréable » = l’imparfait de répétition instaure une habitude recherchée du personnage « allait s’asseoir », qui se réfugie « dans laquelle = le personnage est englouti, encerclé, en sécurité » dans une posture propice à la méditation.)

La position sociale
Elle est définie sans précision, d’abord par la tournure négative « il n’était pas riche », puis une approximation « sans qu’il pût se plaindre de pauvreté » (le subjonctif a une valeur d’irréel = mode de l’incertitude). L’auteur utilise dans la même phrase les notions antinomiques de richesse et de pauvreté : l’essentiel n’est pas de caractériser socialement le personnage selon la tradition réaliste mais de situer cet homme dans son environnement social immédiat. Les verbes de troc « posséder-laisser-échanger » et le champ lexical de la rente « revenu-argent-ressources » complété par l’adjectif dépréciatif « petit » ou le verbe « compléter » sous entendent l’absence de cupidité et la modestie consentie du musicien. De même, l’expression « qui lui laissait » ( = le héros est passif et réduit à un pronom complément d’objet) ainsi que le complément du verbe « répugnait », « à parcourir les forêts » (l’objet de la répugnance est le mouvement, l’immensité suggérée par le pluriel du mot « forêt ») présentent un personnage en inertie comme si la chasse pourrait l’extraire de son val.

La sympathie pour le jansénisme 
L’allusion au sympathisant de Port Royal, Monsieur de Bures, permet l’ancrage historique dans le sens où le musicien choisit un érudit janséniste pour l’éducation des filles, élevées alors dans la rigueur et l’austérité. L’enseignement mentionne les « lettres » et « les rudiments de latin » pour une lecture de l’histoire sainte, à savoir une conception de la lecture fortement orientée vers le jansénisme (« la comprendre »).

Madame de Pont-Carré mentionnée dans cet incipit a été une fervente défenseuse de l’abbaye de Port-Royal, en apportant une large contribution financière. Elle était musicienne, jouait luth et viole de gambe. La coloration historique participe de l’éclairage du personnage qui préfère les Solitaires de Port Royal à la cour de Versailles, et anticipe déjà l’austérité rigoriste de son enseignement avec Marin Marais.

La musique
Le thème central, est éclairée progressivement, par touches successives :

- L’enseignement de la musique est abordé sans affect (« ses élèves » est assimilé à « ses ressources », le vocabulaire mathématique « remettre-compléter » évoquent la relation professionnelle, dénuée de tout affect, en apparence). La phrase tout aussi courte, qui suit, sans lien logique exprimé développe l’objet de son enseignement : la viole. Le dévoilement est progressif.

- L’éclairage sociologique et historique, à savoir l’effet de mode culturel comme le souligne le mot « engouement », signifiant un attachement passager et intense.

- La renommée de Sainte Colombe est mise en valeur par la tournure présentative « C’était », par le contraste entre le recul et la discrétion d’un personnage en demi-teinte avec la reconnaissance de son talent. (Contrastant avec l’adjectif « maladroit » qui évoquait ses capacités de chasseur).

- Le parcours : la pédagogie commence par un apprentissage rigoureux comme le souligne le verbe « inculquer », par une maîtrise technique représentée par les termes « les notes et les clés » sans tenir compte d’une interprétation sensible. Le vocabulaire technique tranche froidement avec « l’âge le plus tendre » des petites filles.

De plus, le regard et l’appréciation du père restent en demi-teinte, comme le soulignent l’adverbe modalisateur peu enthousiaste « bien », ou l’attribut « il était content » puis des expressions imprécises et pudiques telles que « de réelles dispositions pour la musique ; résolvaient un certain nombre de difficultés » qui n’expriment nullement la sensibilité artistique des musiciennes, mais une capacité à maîtriser une science.

La formation d’un trio les unit dans une similarité tacite, d’où une ellipse temporelle qui tait les années tendres des filles, d’où les pluriels qui les englobe sans distinction « tous les trois-des petits trios-ses filles-les petites-elles », avec indétermination des individus unis dans une ressemblance (la conséquence est la dissolution des enfants qui « ressemblaient plus à Sainte Colombe qu’elles n’évoquaient les traits de leur mère ») et une appartenance sans effusion ni émotion.

L’amour éternel
Avec la permanence du souvenir (la répétition de l’adverbe « toujours » instaure l’omniprésence de la défunte) et l’imprégnation de la défunte (« intact en lui » ; « dans ses yeux » ; « dans ses oreilles »). La permanence de la mémoire est permise par les sens : la vue, l’ouïe.

L’apparition du fantôme de sa femme est alors préparée, puisqu’elle est dans son for intérieur et intime, et physiquement et mentalement.
L'essentiel
L’incipit est une rupture dans la vie du personnage principal qui s’ouvre à la composition. Il prépare la lecture toute particulière que l’auteur attend : une lecture musicale entre les silences des phrases, quand tout n’est pas dit mais suggéré.

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