Objectif : Depuis une vingtaine
d’années, de nouvelles dynamiques territoriales sont
en marche qui ont touché les Etats-Unis, le Japon et
maintenant l’Europe. De plus en plus d’hommes vivent
dans des villes de plus en plus nombreuses et de plus en plus
grandes. Les quartiers centraux des affaires se modifient, avec
des immeubles de plus en plus hauts, des réseaux de
communications rapides se mettent en place, les banlieues
pavillonnaires s’étendent de plus en plus loin, des
villes de second ordre perdent leur autonomie et sont
absorbées par les zones d’influence des
métropoles. Dans le même mouvement se concentrent
là le pouvoir économique, le pouvoir de
décision, le pouvoir financier ; les entreprises
commerciales et industrielles modifient leurs modes de
fonctionnement en liaison avec cette évolution de
l’organisation de l’espace.
1. Concentration urbaine et humaine
a. La métropolisation de l’Union européenne
Les nouvelles dynamiques territoriales, dont nous venons de faire
état, ont bouleversé l’organisation du
schéma urbain de l’Europe. Partout,
de Manchester à Milan, dans le nord de la France, en
Belgique, en Italie du nord, en Allemagne rhénane, des
villes ont connu une croissance très forte, ont franchi
très largement le cap du million d’habitants. Elles
concentrent une proportion très élevée de
professions du tertiaire supérieur, sont devenues des
aéroports internationaux et sont reliées entre
elles par des réseaux de transports rapides.
Dominant cet ensemble de métropoles, deux
mégapoles, Londres et Paris, étendent leurs
pouvoirs sur l’ensemble de la mégalopole
européenne.
b. Une métropolisation polycentrique
Près de 500 millions d’européens vivent dans
l’Union européenne, sur 3% des terres
émergées. Un européen sur trois vit dans une
métropole de plus d'un million d’habitants. Outre
les deux mégapoles déjà citées,
s’y inscrivent dix métropoles de niveau
continental : Rotterdam, Bruxelles, Berlin, Francfort,
Vienne, Genève (qui joue un rôle de métropole
européenne par le nombre d’organisations
internationales qui y siègent même si la Suisse ne
fait pas partie de l’Union européenne), Milan, Rome,
Barcelone et Madrid. Et 9 métropoles de niveau
régional qui sont Dublin, Manchester, Birmingham,
Cologne, Munich, Lyon, Turin, Marseille et Naples. Le
système urbain des métropoles européennes
est globalement polycentrique même si la polarisation est
forte autour de Londres et de Paris.
c. Une organisation en réseaux
Les métropoles sont au cœur d’un maillage
serré : les réseaux. D’abord
des réseaux de transports, autoroutes, voies
spécifiques aux TGV, aéroports, réseaux
ferrés de proximité, rocades de raccordements. Ici
les distances ne se calculent plus en kilomètres mais en
heures et minutes : le temps
d’accessibilité devient le facteur
essentiel des localisations pour les implantations de
l’habitat ou des zones d’activités.
Parallèlement, les réseaux de
télécommunications par câbles ou ondes
hertziennes relient les entreprises et les acteurs
économiques. On peut acheter par Internet ou regarder la
télévision sur son portable, envoyer des plans ou
recevoir des bilans complexes en quelques secondes. En 2001, le
trafic annuel téléphonique entre le Royaume-Uni et
la France a dépassé le milliard de minutes,
même niveau entre le Royaume-Uni et l’Allemagne.
2. Concentration des pouvoirs
a. Les métropoles produisent de la richesse
Les fonctions de commandement, le pouvoir de décision se
concentrent dans les grandes métropoles. Dans les
capitales anciennes comme Londres et Paris, mais aussi dans des
métropoles de niveau continental qui se trouvent au centre
de riches régions économiquement
développées. Barcelone,
métropole de la Catalogne fait jeu égal avec Madrid
pour ce qui est du poids économique,
Milan polarise toute le riche Lombardie et
Cologne domine toute la Ruhr, première
région économique d’Allemagne.
Rotterdam vit de tout le vaste hinterland
rhénan.
b. Les métropoles concentrent les sièges sociaux
des entreprises
Toutes ces métropoles constituent aussi les
nœuds de nombreux réseaux
matériels (autoroutes, gares TGV, aéroports) mais
aussi immatériels (informations ou
télécommunications) c’est pourquoi elles sont
prioritairement choisies par les grandes entreprises
européennes ou mondiales pour y installer leurs
sièges. Ainsi les départements conception,
production, commercialisation et gestion sont en relation
continue grâce à des réseaux à hauts
débits.
Ces communications, ces déplacements ou ces transports
sont facilités par un certains nombres
d’aménagements spécifiques : les
plates-formes multimodales (plusieurs modes de
transport s’y rencontrent, route, voie aérienne,
voie d’eau permettant le passage facile d’un mode
à l’autre) ou les hubs (on
désigne par là des aéroports
d’éclatement et de redistribution des lignes
aériennes).
c. par leur pouvoir décisionnel, les métropoles
organisent l’espace
Sièges des pouvoirs politiques, économiques,
financiers, les métropoles ont capacité à
aménager et à organiser
l’espace, régional national et
continental.
Ces métropoles ne sont pas toutes d’égale
importance, certaines ont plus de poids que d’autres. Cette
organisation de l’espace se fait donc en
générant des
inégalités qui ne sont pas sans
conséquences sur l’équilibre de
l’espace de l’Union européenne :
inégalités par les concentrations de population,
inégalités par l’accumulation des fonctions
décisionnelles, inégalités par l’aire
de rayonnement.
Confrontées au phénomène de
métropolisation, les petites communes se vident, perdent
leurs emplois et leurs commerces. La métropolisation est
donc un facteur de ségrégation
spatiale, mais aussi de
ségrégation sociale. Les communes
les plus éloignées de la métropole voient
arriver des populations dont les revenus ne permettent plus
l’accès au logement dans les grandes villes et qui
par là même risquent de se trouver
marginalisées ou doivent subir de pénibles
migrations pendulaires quotidiennes.
L’essentiel
L’espace de l’Union européenne est donc
organisé autour de réseaux matériels et
immatériels qui le sous- tendent. Les métropoles
sont aux nœuds de ces réseaux. Elles sont à
la fois les moteurs et les bénéficiaires de la
croissance urbaine, mais celles-ci ne se fait pas d’une
façon homogène. Les métropoles sont aussi
créatrices et détentrices de richesses et de
pouvoirs.
Le développement disharmonieux de l’urbanisation, la
compétition pour la création de richesse et la
détention de plus de pouvoirs créent de profonds
déséquilibres dans les espaces régionaux et
nationaux, à l’échelle européenne
aussi. Des régions entières sont pour
l’instant en déclin, victimes du pouvoir
d’attraction des métropoles.