Les Mains libres : une réécriture du livre d'emblèmes
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Objectif :
Découvrir le livre d’emblèmes. Dire en
quoi le recueil Les Mains libres est une forme de
réécriture du livre d’emblèmes.
Le recueil Les Mains libres regroupe des dessins de Man
Ray, qui sont illustrés par les poèmes de Paul
Eluard. Ce regroupement image-texte évoque les livres
d’emblèmes de la Renaissance dont il
constituerait une réappropriation moderne,
surréaliste.
De nombreux exemples montrent la concordance de thèmes, de motifs, de messages entre Les Mains libres et le recueil Délie, objet de plus haulte vertu (1544) de Maurice Scève, poète appartenant à l’école lyonnaise.
Éluard, friand de ces livres d’emblèmes, a réussi à faire partager sa passion à Man Ray. Nombre de ses dessins se rapprochent d’emblèmes d’Alciat, notamment.
De nombreux exemples montrent la concordance de thèmes, de motifs, de messages entre Les Mains libres et le recueil Délie, objet de plus haulte vertu (1544) de Maurice Scève, poète appartenant à l’école lyonnaise.
Éluard, friand de ces livres d’emblèmes, a réussi à faire partager sa passion à Man Ray. Nombre de ses dessins se rapprochent d’emblèmes d’Alciat, notamment.
1. Le livre d'emblèmes
Les livres d’emblèmes sont des
livres illustrés de gravures, publiés
en Europe aux 16e et 17e
siècles. Chaque gravure sur bois ou sur métal
est associée à un titre et un texte.
Profanes ou religieux, ils connaissent un succès considérable dans toute l’Europe.
André Alciat est l’auteur du premier livre d’emblèmes, le plus populaire aussi : Emblemata, (1531), qui a été réédité 150 fois.
Ils répondent à l’engouement pour les images mystérieuses lancé par deux ouvrages célèbres : L’Hypnerotomachia Poliphili, ou Songe de Poliphile, attribué à Francesco Colonna(1467), les Hieroglyphica d’Horapollon (1505).
Les textes sont issus d’un genre littéraire populaire : répertoires de maximes, d’aphorismes, anthologies de citations, de proverbes moraux ou d’adages, tels que les Adages de l’humaniste Érasme.
L’« emblème » est une synthèse entre une image à clef inspirée des hiéroglyphes égyptiens, et un adage moral emprunté aux philosophes ou aux sages de l’Antiquité.
« Mais icy, Emblèmes ne sont autre chose que quelques peintures ingénieusement inventées par hommes d’esprit, représentées, & semblables aux lettres Hieroglyphiques des Egyptiens, qui contenoient les secrets de la sagesse de ces anciens-là par le moyen de certaines devises, & comme pourtraits sacrez: de laquelle doctrine ils ne permettoient que les mystères fussent communiquez sinon à ceux qui en estoient capables, & qui d’ailleurs estoient bien entendus: & non sans bonne raison en excluoient le vulgaire profane."
Préface de l’édition française (1587) des Emblemata d'André Alciat.
Chaque « emblème » se compose généralement de trois éléments : un titre, assez bref, une image qui forme le corps de l’emblème, un texte explicatif, rédigé en latin ou dans la langue vernaculaire.
Dans l’emblème la figure et le texte se rejoignent, se composent dans des espaces clos. Il y a un véritable lien entre le texte et l’image, l’image n’est pas là comme simple illustration.
Profanes ou religieux, ils connaissent un succès considérable dans toute l’Europe.
André Alciat est l’auteur du premier livre d’emblèmes, le plus populaire aussi : Emblemata, (1531), qui a été réédité 150 fois.
Ils répondent à l’engouement pour les images mystérieuses lancé par deux ouvrages célèbres : L’Hypnerotomachia Poliphili, ou Songe de Poliphile, attribué à Francesco Colonna(1467), les Hieroglyphica d’Horapollon (1505).
Les textes sont issus d’un genre littéraire populaire : répertoires de maximes, d’aphorismes, anthologies de citations, de proverbes moraux ou d’adages, tels que les Adages de l’humaniste Érasme.
L’« emblème » est une synthèse entre une image à clef inspirée des hiéroglyphes égyptiens, et un adage moral emprunté aux philosophes ou aux sages de l’Antiquité.
« Mais icy, Emblèmes ne sont autre chose que quelques peintures ingénieusement inventées par hommes d’esprit, représentées, & semblables aux lettres Hieroglyphiques des Egyptiens, qui contenoient les secrets de la sagesse de ces anciens-là par le moyen de certaines devises, & comme pourtraits sacrez: de laquelle doctrine ils ne permettoient que les mystères fussent communiquez sinon à ceux qui en estoient capables, & qui d’ailleurs estoient bien entendus: & non sans bonne raison en excluoient le vulgaire profane."
Préface de l’édition française (1587) des Emblemata d'André Alciat.
Chaque « emblème » se compose généralement de trois éléments : un titre, assez bref, une image qui forme le corps de l’emblème, un texte explicatif, rédigé en latin ou dans la langue vernaculaire.
Dans l’emblème la figure et le texte se rejoignent, se composent dans des espaces clos. Il y a un véritable lien entre le texte et l’image, l’image n’est pas là comme simple illustration.
2. Le poète Maurice Scève
Maurice Scève (né en 1505, mort vers 1564)
est un poète de la Renaissance, chef de file de
l’école lyonnaise. Il publie en 1544 la
Délie, objet de plus haulte vertu, recueil
de 499 fois 10 vers, « illustrant»
50 portraits gravés sur bois et
enchâssés dans l’œuvre originale.
Délie est le nom donné par Maurice
Scève à la poétesse Pernette du
Guillet, son inspiratrice,sa muse.
Du coup de foudre amoureux qui le paralyse au premier regard, le poète ne sort plus jamais : il reste embarrassé, « mal caut », en « pensée obscure » et écrit la complexité de ce délicieux tourment.
Il improvisait ses textes à partir d’images (soit préexistantes, soit gravées pour le livre) en proposant au besoin plusieurs lectures de la même gravure.
Dans Délie, sont figurés des femmes, (différentes figures féminines : femmes possédées par les dieux, mauvaises mères…), des hommes, (des héros comme Orphée, Narcisse, de simples journaliers…) des objets ménagers, des outils (lanternes, alambic, pot au feu, chandelle, baratte, dévidoir, une scie, une cognée…).
Du coup de foudre amoureux qui le paralyse au premier regard, le poète ne sort plus jamais : il reste embarrassé, « mal caut », en « pensée obscure » et écrit la complexité de ce délicieux tourment.
Il improvisait ses textes à partir d’images (soit préexistantes, soit gravées pour le livre) en proposant au besoin plusieurs lectures de la même gravure.
Dans Délie, sont figurés des femmes, (différentes figures féminines : femmes possédées par les dieux, mauvaises mères…), des hommes, (des héros comme Orphée, Narcisse, de simples journaliers…) des objets ménagers, des outils (lanternes, alambic, pot au feu, chandelle, baratte, dévidoir, une scie, une cognée…).
3. Quelques rapprochements possibles entre Les Mains
libres et Délie
Délie et les Mains libres sont des
œuvres sur le désir. Le mot désir
est le mot le plus utilisé par Scève. Le
désir sous-tend tout le recueil Les Mains
libres, il existe notamment un poème,
intitulé Le Désir. Le dessin qui lui
fait face représente Nusch, la muse
d’Eluard. Le premier poème, (après la
préface) introduit le thème du désir :
« Le dessin de Man Ray : toujours le désir,
non le besoin ».
Les deux ouvrages prennent appui sur des lieux précis, Lyon, Fourvière, la Saône pour Scève, Avignon, l’Isle-sur-la-Sorgue pour Eluard.
« Narcisse » : dans le dessin de Man Ray, une femme nue vue de trois-quarts, dont la tête est hors de la page tient son masque tourné vers elle. En regard, le poème d’Eluard :
Masque de poix
N’être que soi
Guide égaré
Dans Délie, une image de Narcisse se mirant dans l’eau et un poème qui exprime également qu’aimer autrui implique de se désaimer.
Et me tuant à vivre il me désire
Afin qu’aimant autrui je me désaime
Oui ou non, le poème d’Eluard reprend le Oui et non de la tradition morale, qui s’affrontent sous forme de deux poings chez Scève.
L’Attente, unique vers d’Eluard fait face au dessin de Man Ray qui représente deux mains d’hommes ouvertes, paume contre paume, une toile d’araignée tissée entre elles, fait écho chez Scève à l’Yraigne, la toile d’araignée circulaire de l’attente et du désir tendue entre deux troncs d’arbres.
Le thème de la connaissance interdite est commun aux deux ouvrages. C’est un thème récurrent dans la production emblématique de l’époque de la Renaissance : il est interdit de connaître les choses élevées (noli altum sapere, citation de Saint- Paul). La revendication de la connaissance interdite estun thème majeur de la pensée surréaliste. Ce thème est abordé par Eluard dès la préface des Mains libres :
Il y a autant de merveilles dans un verre de vin que dans le fond de la mer. Il y a plus de merveilles dans une main tendue, avide que dans tout ce qui nous sépare de ce que nous aimons.
Le Sablier compte-fils des Mains libres fait écho à la femme qui dévide de Scève. L’image est celle d’une jeune beauté, une jeune femme qui file, déployant d’un large geste le fil de laine de son métier. Le poème évoque ses gestes « J’ai consommé maintes saisons en cette vie heureusement maudite… ». La fileuse de Man Ray est comptable du temps, elle est reliée au sablier par des fils entourant sa taille.
Les deux ouvrages prennent appui sur des lieux précis, Lyon, Fourvière, la Saône pour Scève, Avignon, l’Isle-sur-la-Sorgue pour Eluard.
« Narcisse » : dans le dessin de Man Ray, une femme nue vue de trois-quarts, dont la tête est hors de la page tient son masque tourné vers elle. En regard, le poème d’Eluard :
Masque de poix
N’être que soi
Guide égaré
Dans Délie, une image de Narcisse se mirant dans l’eau et un poème qui exprime également qu’aimer autrui implique de se désaimer.
Et me tuant à vivre il me désire
Afin qu’aimant autrui je me désaime
Oui ou non, le poème d’Eluard reprend le Oui et non de la tradition morale, qui s’affrontent sous forme de deux poings chez Scève.
L’Attente, unique vers d’Eluard fait face au dessin de Man Ray qui représente deux mains d’hommes ouvertes, paume contre paume, une toile d’araignée tissée entre elles, fait écho chez Scève à l’Yraigne, la toile d’araignée circulaire de l’attente et du désir tendue entre deux troncs d’arbres.
Le thème de la connaissance interdite est commun aux deux ouvrages. C’est un thème récurrent dans la production emblématique de l’époque de la Renaissance : il est interdit de connaître les choses élevées (noli altum sapere, citation de Saint- Paul). La revendication de la connaissance interdite estun thème majeur de la pensée surréaliste. Ce thème est abordé par Eluard dès la préface des Mains libres :
Il y a autant de merveilles dans un verre de vin que dans le fond de la mer. Il y a plus de merveilles dans une main tendue, avide que dans tout ce qui nous sépare de ce que nous aimons.
Le Sablier compte-fils des Mains libres fait écho à la femme qui dévide de Scève. L’image est celle d’une jeune beauté, une jeune femme qui file, déployant d’un large geste le fil de laine de son métier. Le poème évoque ses gestes « J’ai consommé maintes saisons en cette vie heureusement maudite… ». La fileuse de Man Ray est comptable du temps, elle est reliée au sablier par des fils entourant sa taille.
L'essentiel
Les Mains libres, recueil regroupant les dessins de
Man Ray illustrés par les poèmes de Paul Eluard
(Car les textes illustrent ici le dessin, et non
l’inverse.) constituent une forme de
réappropriation moderne, surréaliste des livres
d’emblèmes de la Renaissance. De nombreux
exemples montrent la concordance de thèmes, de motifs,
de messages entre les Mains libres et le recueil
Délie, objet de plus haute vertu (1544) de
Maurice Scève, poète appartenant à
l’école lyonnaise.
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