Les Mains libres, lecture méthodique 2 : « Le Don »
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Objectif :
Découvrir quelles sont les motivations des deux
artistes dans cette œuvre à 2 mains.
Étudier le dessin de Man Ray (p.572 édition La
Pléiade) et le poème qui lui fait face : LE
DON.
Les « Mains libres » de Man Ray et Paul
Eluard, paru en 1937, est l'exemple-type de ce que le
mouvement surréaliste a offert de meilleur en
matière d'entreprise collective.
Ici, la couleur est clairement annoncée : ce sont des « dessins illustrés de poèmes ».
Man Ray, le photographe avait aussi un joli coup de crayon, et ses dessins révèlent un imaginaire certes surréaliste (il y a des résonances avec De Chirico ou Dali), mais aussi une quête jamais assouvie de l'idéal féminin, du désir.
Des dessins qui paraissent simples, enfantins, parfois. Comme sont simples les mots de Paul Eluard qui a donc « illustré » de courts poèmes les croquis de son ami, mots qui expriment clairement cette recherche de la femme, de la fusion dans l’amour, du désir.
Un exemple de cette « union libre » : en vis-à-vis d'une femme nue, offerte, la poitrine bombée, la tête renversée, Eluard a écrit :
LE DON
Elle est noyau figue pensée
Elle est le plein soleil sous mes paupières closes
Et la chaleur brillante dans mes mains tendues
Elle est la fille noire et son sang fait la roue
Dans la nuit d'un feu mûr.
Ici, la couleur est clairement annoncée : ce sont des « dessins illustrés de poèmes ».
Man Ray, le photographe avait aussi un joli coup de crayon, et ses dessins révèlent un imaginaire certes surréaliste (il y a des résonances avec De Chirico ou Dali), mais aussi une quête jamais assouvie de l'idéal féminin, du désir.
Des dessins qui paraissent simples, enfantins, parfois. Comme sont simples les mots de Paul Eluard qui a donc « illustré » de courts poèmes les croquis de son ami, mots qui expriment clairement cette recherche de la femme, de la fusion dans l’amour, du désir.
Un exemple de cette « union libre » : en vis-à-vis d'une femme nue, offerte, la poitrine bombée, la tête renversée, Eluard a écrit :
LE DON
Elle est noyau figue pensée
Elle est le plein soleil sous mes paupières closes
Et la chaleur brillante dans mes mains tendues
Elle est la fille noire et son sang fait la roue
Dans la nuit d'un feu mûr.
1. Les motivations des artistes
L’amitié
entre Eluard et Man Ray
permet d’envisager leurs arts respectifs dans un
rapport de complicité. Les Mains
libres prend vie avec la volonté de
traiter les
thèmes de la relation amoureuse et de la
liberté de désirer.
Dans la Préface, Paul Eluard explique ce qui motive Man Ray : le désir et l’envie d’être aimé.
« Le dessin de Man Ray : toujours le désir, non le besoin… Man Ray dessine pour être aimé. »
Pour Eluard, le dessin apparaît comme source d’inspiration, comme une possibilité de dépassement mais aussi de retour sur soi. C’est à cette époque-là qu’Eluard prend quelques distances avec André Breton. (Il rompra définitivement en 1938). Il ressent le besoin de se recentrer sur une poésie plus singulière, sa relation avec Man Ray lui permet de se sentir libre de le faire.
Dans la Préface, Paul Eluard explique ce qui motive Man Ray : le désir et l’envie d’être aimé.
« Le dessin de Man Ray : toujours le désir, non le besoin… Man Ray dessine pour être aimé. »
Pour Eluard, le dessin apparaît comme source d’inspiration, comme une possibilité de dépassement mais aussi de retour sur soi. C’est à cette époque-là qu’Eluard prend quelques distances avec André Breton. (Il rompra définitivement en 1938). Il ressent le besoin de se recentrer sur une poésie plus singulière, sa relation avec Man Ray lui permet de se sentir libre de le faire.
2. Le thème du désir
Le désir engage nécessairement deux
êtres. Il est une projection de soi sur
l’autre et la nécessité de combler
un manque pour parvenir à une forme de
bonheur, qui passe par la présence de
l’autre. Eluard est le chantre de l’amour
fusionnel, dans la lignée du philosophe
Platon, (notamment dans le discours
d’Aristophane du Banquet). Le désir
vient de la volonté de retrouver une unité
perdue.
Le recueil parle, montre sans cesse cet(te) autre à admirer, adorer, désirer, et c’est d’un double désir dont il est question, celui du dessinateur et celui du poète.
Aucun voile de pudeur ne recouvre le dessin, ni n’atténue les mots, le désir érotique est clairement exprimé. Cela désacralise la figure de la partenaire (contrairement à certains autres recueils d’Eluard où la femme, dans les mots du poète est adulée, adorée à un point tel qu’elle perd de son humanité pour devenir une femme idéale, divine inspiratrice : L’Amour, la poésie, dédié à Gala ; Le Phénix, dédié à Dominique…).
Dans ce recueil, comme dans le recueil Facile, le verbe est cru, le vers sans détour, violent parfois, le désir est celui d’un corps véritable, qui ne se refuse pas, qui est incarné. Le corps devient « un objet » à étreindre, à posséder. Ceci est renforcé par la présence du dessin qui souvent se montre encore plus explicite. Dans Les Mains libres, la plupart des dessins de Man Ray représentent des femmes nues et des visages marqués par le désir ou dévoilant un sein (Cela représente 24 dessins sur 36).
Extraits :
LES SENS
…
Ta bouche séduit ton visage
Et ton corps peut venir
Battant comme un cœur.
LES YEUX STÉRILES
Elle est comme un bourgeon
L’espace de la flamme
Candide elle a l’arôme
D’amoureux enlacés.
NU
…
Au pays des figures humaines
On s’apprête à briser ta statue ridicule.
POUVOIR
Il la saisit au vol
Il l’empoigne par le milieu du corps
La ceinturant de ses doigts robustes
Il la réduit à l’impuissance.
Vertige la main dominante
Couvre toutes les distances
Sans plus bouger que sa proie.
Le recueil parle, montre sans cesse cet(te) autre à admirer, adorer, désirer, et c’est d’un double désir dont il est question, celui du dessinateur et celui du poète.
Aucun voile de pudeur ne recouvre le dessin, ni n’atténue les mots, le désir érotique est clairement exprimé. Cela désacralise la figure de la partenaire (contrairement à certains autres recueils d’Eluard où la femme, dans les mots du poète est adulée, adorée à un point tel qu’elle perd de son humanité pour devenir une femme idéale, divine inspiratrice : L’Amour, la poésie, dédié à Gala ; Le Phénix, dédié à Dominique…).
Dans ce recueil, comme dans le recueil Facile, le verbe est cru, le vers sans détour, violent parfois, le désir est celui d’un corps véritable, qui ne se refuse pas, qui est incarné. Le corps devient « un objet » à étreindre, à posséder. Ceci est renforcé par la présence du dessin qui souvent se montre encore plus explicite. Dans Les Mains libres, la plupart des dessins de Man Ray représentent des femmes nues et des visages marqués par le désir ou dévoilant un sein (Cela représente 24 dessins sur 36).
Extraits :
LES SENS
…
Ta bouche séduit ton visage
Et ton corps peut venir
Battant comme un cœur.
LES YEUX STÉRILES
Elle est comme un bourgeon
L’espace de la flamme
Candide elle a l’arôme
D’amoureux enlacés.
NU
…
Au pays des figures humaines
On s’apprête à briser ta statue ridicule.
POUVOIR
Il la saisit au vol
Il l’empoigne par le milieu du corps
La ceinturant de ses doigts robustes
Il la réduit à l’impuissance.
Vertige la main dominante
Couvre toutes les distances
Sans plus bouger que sa proie.
3. Analyse des deux oeuvres
a. Le dessin
Le dessin représente une femme nue, la
tête renversée vers l’arrière,
sa longue chevelure abondante lui descendant au moins
jusqu’au bas du dos.
Le cadrage ressemble à celui d’une photographie, Man Ray a choisi un plan américain (manière de cadrer un personnage à mi-cuisses).
La taille est fine, bien marquée, le sein haut, les cils sont bien dessinés.
Cette femme semble profiter de l’instant, sensuellement, offrant son corps à la chaleur du soleil ou au regard de l’amant, comme un don de soi.
Le trait est fin, parfois hachuré, il laisse plus d’espaces blancs, vides que de masses noires. La seule masse noire est celle de la chevelure, qui peut faire écho à la « crinière lourde » évoquée par Charles Baudelaire dans son poème la Chevelure, et génératrice de désir.
Mais, la femme n’apparaît pas comme une proie, elle s’offre (contrairement à d’autres dessins du recueil). Ce qui correspond au titre du poème « Le Don », puisque ce n’est pas le dessin qui, pour ce couple d’œuvres, donne son titre à la double page.
Le cadrage ressemble à celui d’une photographie, Man Ray a choisi un plan américain (manière de cadrer un personnage à mi-cuisses).
La taille est fine, bien marquée, le sein haut, les cils sont bien dessinés.
Cette femme semble profiter de l’instant, sensuellement, offrant son corps à la chaleur du soleil ou au regard de l’amant, comme un don de soi.
Le trait est fin, parfois hachuré, il laisse plus d’espaces blancs, vides que de masses noires. La seule masse noire est celle de la chevelure, qui peut faire écho à la « crinière lourde » évoquée par Charles Baudelaire dans son poème la Chevelure, et génératrice de désir.
Mais, la femme n’apparaît pas comme une proie, elle s’offre (contrairement à d’autres dessins du recueil). Ce qui correspond au titre du poème « Le Don », puisque ce n’est pas le dessin qui, pour ce couple d’œuvres, donne son titre à la double page.
b. Le poème
- Il est composé de 5 vers regroupés en
deux strophes de 3 et 2 vers.
- Un octosyllabe, 3 alexandrins, 1 hexasyllabe.
- Le premier vers évoque une femme, La femme : elle. L’amant définit les contours de celle qu’il aime.
- Le poème s’ouvre sur une accumulation, trois substantifs (sans déterminant) qui caractérisent la femme :
→ noyau = la matrice, le centre de tout, la mère universelle ;
→ figue = la sensualité, le sucré, l’aspect méditerranéen, le corps qui évoque un passage du Cantique des cantiques : « le figuier embaume ses fruits » ; « le fruit est doux à mon palais »…
→ pensée = l’aspect raisonnable, l’esprit.
- Le champ lexical de la lumière est très présent : plein soleil, brillante, feu, celui, sensuel, de la chaleur aussi, soleil, chaleur, sang, feu mûr. Le féminin est présenté, en quelque sorte comme le principe vital.
- Elle devient obsession, même devant ses paupières closes elle irradie, provocant son désir, qu’il exprime dans le groupe dans mes mains tendues. Il est tout tendu vers elle, son désir est violent.
- Elle est toute séduction : son sang fait la roue.
- Elle est la fille noire, cette expression peut faire référence au Cantique des cantiques, « Je suis noire, mais je suis belle. » mais également à la Vénus noire de Baudelaire. L’amant met l’accent sur le côté ensorcelant de celle qui lui fait face, un aspect un peu diabolique.
- Les couleurs sont chaudes, fortes, contrastées, le rouge oranger voisine avec le noir : rouge de la figue, du sang, du feu mûr ; noir de la fille, de la nuit sous les paupières closes.
Ce poème évoque la première strophe de Parfum exotique de Baudelaire :
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone…
- Un octosyllabe, 3 alexandrins, 1 hexasyllabe.
- Le premier vers évoque une femme, La femme : elle. L’amant définit les contours de celle qu’il aime.
- Le poème s’ouvre sur une accumulation, trois substantifs (sans déterminant) qui caractérisent la femme :
→ noyau = la matrice, le centre de tout, la mère universelle ;
→ figue = la sensualité, le sucré, l’aspect méditerranéen, le corps qui évoque un passage du Cantique des cantiques : « le figuier embaume ses fruits » ; « le fruit est doux à mon palais »…
→ pensée = l’aspect raisonnable, l’esprit.
- Le champ lexical de la lumière est très présent : plein soleil, brillante, feu, celui, sensuel, de la chaleur aussi, soleil, chaleur, sang, feu mûr. Le féminin est présenté, en quelque sorte comme le principe vital.
- Elle devient obsession, même devant ses paupières closes elle irradie, provocant son désir, qu’il exprime dans le groupe dans mes mains tendues. Il est tout tendu vers elle, son désir est violent.
- Elle est toute séduction : son sang fait la roue.
- Elle est la fille noire, cette expression peut faire référence au Cantique des cantiques, « Je suis noire, mais je suis belle. » mais également à la Vénus noire de Baudelaire. L’amant met l’accent sur le côté ensorcelant de celle qui lui fait face, un aspect un peu diabolique.
- Les couleurs sont chaudes, fortes, contrastées, le rouge oranger voisine avec le noir : rouge de la figue, du sang, du feu mûr ; noir de la fille, de la nuit sous les paupières closes.
Ce poème évoque la première strophe de Parfum exotique de Baudelaire :
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone…
L'essentiel
Le recueil Les Mains libres est complètement
dédié à l’expression du
désir, c’est cette expression qui est
interprétée par l’un comme l’autre
des deux artistes Man Ray et Paul Éluard, dans Le
Don.
Le désir, voilà le " seul acte de foi du surréalisme ", ainsi que l'avoue Breton en 1934 dans Qu'est-ce que le surréalisme ?
Le désir, voilà le " seul acte de foi du surréalisme ", ainsi que l'avoue Breton en 1934 dans Qu'est-ce que le surréalisme ?
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