L'Odyssée : Les personnages

• Il est Roi d’Ithaque, une île grecque de la côte occidentale, dans la mer Ionienne. Il a hérité des richesses, des terres et troupeaux, et surtout d’un peuple qu’il traite « avec la tendresse d’un père ». (chant V, v.12, p.84).

• Fils de Laërte, roi d’Ithaque, il est appelé « enfant de Zeus » (chant V, vers 203, p.89) « sage fils de Laërte » (chant VIII, vers 18, p.124). Ulysse est fort de sa lignée, de la puissance et de la sagesse de son ascendance. Il se présente à Alcinoos, roi des Phéaciens en ces termes : « Je suis Ulysse, fils de Laërte, dont les ruses sont fameuses partout, et dont la gloire touche au ciel. » (chant IX, vers 19, p.142).

• Epoux de Pénélope. Celle-ci a gardé une fidélité à l’épreuve de toutes les sollicitations des nombreux prétendants et qui consacré toutes les années d’attente à l’éducation de leur fils Télémaque : un enfant digne de l’honneur et la gloire de son père qui part à la recherche d’Ulysse et lutte avec dignité et loyauté contre les prétendants au trône d’Ithaque.

• Ulysse est un bel homme qui séduit nymphes et déesses : il fait preuve d’une grande force physique lors des jeux athlétiques. Il est d’ailleurs souvent qualifié d’endurant, en référence à sa capacité à endurer les épreuves, braver les éléments déchaînés. (chant X : il tient le gouvernail pendant 9 jours.)

• Héros fragile et mélancolique, il ne cesse de rêver au retour vers les siens, en proie à un profond désespoir chez Calypso, puis tenté par le suicide. (« Je me demandais dans mon cœur sans reproche si j’allais me jeter à l’eau pour y périr ou subir en silence et rester avec les vivants. » chant X, v.50, p.161).
Le héros a donc une profonde part d’humanité qui se manifeste souvent par les larmes et une incapacité à tout maîtriser : capable de fragilité, de faiblesse, de pudeur, de doute…

• Ulysse est un homme habile et rusé : il invente des ruses pour se libérer de Polyphème, des sirènes ; il fabrique un navire pour quitter Calypso et un pieu pour aveugler le cyclope… Héros de la guerre de Troie, il a su se distinguer davantage par sa ruse que par ses exploits guerriers. (La construction du cheval de Troie, rempli de guerriers, en est l’exemple.)

• Chef de ses compagnons, il les protège et les encourage. Il conseille la mesure et la prudence. (Chez les Cicones, il préconise la fuite après le pillage ; chez les lotophages, il évite de manger le fruit de l’oubli ; chez le cyclope, il ment en lui disant que son navire a été détruit…)

• Homme croyant, il prie, supplie et respecte les rituels, notamment de l’hospitalité.

• Téméraire, il est prêt à toute expérience : il veut voir, rencontrer les morts ; il veut entendre les sirènes, affronter l’inaccessible.

Le conteur sait tenir en alerte son auditoire en ménageant le suspense, en avouant ses faiblesses, en accentuant le pathétique, le danger imminent, l’émotion vive…

Dans chaque chant, une figure féminine accompagne l’épreuve d’Ulysse :
- Ino sauve Ulysse seule avec l’aide de son voile (chant V) ;
- Athéna le seconde pratiquement constamment même si elle revêt une apparence masculine ou d’un enfant (chants VII, VII, XIII) ;
- Circé apparaît aux chants X, XI, XII ;
- les figures féminines sont nombreuses durant l’épisode des enfers comme notamment la mère d’Ulysse ;
- la présence de Calypso encadre le récit apparaissant au début et à la fin du récit ;
- enfin le récit est jalonné par l’attente de Pénélope.

Le pouvoir d’Athéna et de Circé sont immenses : leur détermination met l’accent sur la puissance incontestable d’une femme capable de terrasser un groupe d’hommes.

De même, la mortelle peut présenter des attributs divins comme la beauté divine de Nausicaa (chant VII qu'elle était « une vraie déesse au milieu d'elles. » v.290, p.120), la vertu immaculée d’Arété (dont le nom d'ailleurs signifie « vertu »).

Les femmes représentent la totalité des femmes grecques : de la simple servante mortelle à la demi-déesse (Ino devenue déesse des eaux), de la nymphe magicienne (Calyspo ou Circé), aux créatures monstrueuses que sont les sirènes ou Charybde, pour rencontrer de véritables déesses comme Athéna, fille de Zeus.

Qui plus est, les femmes sont équivoques : elles sont plaisir et désir dangereux, qui mène à la perte grâce à une beauté irrésistible. (Calypso charme par ses boucles et sa voix, son cadre de vie sensuel, son pouvoir d’immortaliser et pourrait amener Ulysse à sa perte irrémédiable ; Circé séduit en nourrissant sensuellement les hommes mais elle leur apporte l’oubli de leur origine.)

Ainsi, elles peuvent être adjuvants et opposants : si Calypso retient Ulysse pendant de nombreuses années, elle cède vite à Hermès lorsqu’il exige la libération d’Ulysse et le conseille dans la fabrication d’un navire. Si Circé le retient, elle l’aide pourtant à combattre les sirènes, le prévient pour Charybde et le conseille pour le royaume des morts. La femme retient et libère, mais elle permet cheminement, le passage symbolique d’une réalité à une autre, le passage de la naissance. Elle permet par son identité double une initiation.

Les femmes lancent l’action, l’encadrent : l’épopée s’ouvre sur une femme et se clôt par un retour sur cette femme, enchâssant un long récit analeptique. La femme encercle Ulysse, puisque le sens de sa destinée est de revenir vers Pénélope, sa femme qui est le but de sa quête. Pénélope est omniprésente, même chez les autres figures féminines. Les femmes sont autant l’ombre de Pénélope que le reflet du héros lui-même. Ainsi Athéna a reconnu en Ulysse son double. (chant XIII, v.291, p.220 : « nous sommes toi et moi des astucieux : toi de loin le premier des hommes en conseil et discours, moi fameuse entre tous les dieux pour ma finesse et mon astuce… »).

Les dieux et déesses éprouvent des sentiments humains : la rancœur, la colère, la jalousie, l’admiration... Ces émotions motivent leurs actions pour obtenir le respect et la crainte, pour aider ou s’opposer aux hommes. Ainsi Poséidon punit Ulysse qu’il hait parce qu’il a aveuglé son fils Polyphème, et les Phéaciens pour avoir aidé Ulysse à revenir à Ithaque. Ainsi Athéna intercède auprès de son père pour permettre le retour d’un homme de valeur dans sa patrie.

• Zeus, le plus puissant. L’assemblée convoquée par Zeus à la demande d’Athéna concerne Ulysse : il envoie Hermès mécontent auprès de Calypso ; celle-ci fâchée s’y résout. Poséidon s’en prend à Ulysse pour le punir d’avoir aveuglé Polyphème mais il ne peut contrer la décision de Zeus qui permet le retour du héros. Zeus a un pouvoir immense mais d’autres dieux et déesses peuvent l’influencer.

• Le pouvoir de métamorphose ou transformation : ils se transforment eux-mêmes (Athéna se présente sous la forme d’une enfant ou d’un homme) ou métamorphosent autrui (Athéna va modifier l’apparence d’Ulysse avant de le faire connaître aux Phéaciens ; Circé changent les hommes en porcs avant de leur redonner apparence humaine).

• La magie et attributs divins : les sandales divines de Zeus et Athéna ; la déesse vierge qui ôte le sommeil de Zeus, le voile d’Ino qui protège, la vapeur d’Athéna qui entoure et guide Ulysse, l’anti-poison d’Hermès ; les prophéties et songes annonciateurs... (le songe de Nausicaa). Les dieux participent d’un univers surnaturel, enrichi par les monstres et créatures folkloriques. Ils accompagnent le héros immergé dans un univers barbare et redoutable issu du folklore grec et de la mer Egée.

Les interventions divines associées aux péripéties merveilleuses mettent en valeur les exploits du héros, son endurance. L’homme est ainsi placé au centre de la narration. Les relations sont évoquées en termes de reconnaissance, de rancœur du côté des dieux, en termes de prières et sacrifices du côté des hommes…