L'énigme de la folie
Connaitre les différentes conceptions de la folie.
- Une énigme est d’abord une parole obscure à déchiffrer, une devinette. La folie, au sens courant du terme, qualifie une personne, des paroles ou des actes incompréhensibles et aussi effrayants qu’imprévisibles.
- Dans notre imaginaire, le fou est l’énigme par excellence. C’est don Quichotte qui attaque des moulins à vent en les prenant pour des géants, c’est aussi le misérable qui se prend pour l’empereur du monde.
- Mais depuis le XIXe siècle, les psychiatres s’emploient à établir une connaissance scientifique des maladies mentales. Aujourd’hui, il y a une distinction de différents types de folie : les psychoses (où la réalité est déformée par le délire), les névroses (troubles plus ou moins graves de notre vie affective). Il existe des traitements antipsychotiques censés donner aux malades mentaux la possibilité d’une vie « normale ».
Dans de nombreuses cultures, la folie n’est pas comprise comme une maladie mentale. Elle peut ainsi être expliquée par des forces sacrées, insondables et surhumaines. La distinction du sacré et du profane définit, selon le sociologue Durkheim (1858-1917), la religion. Le sacré est ce qui doit rester hors d’atteinte du profane. Profaner le sacré, c’est annuler la séparation qui constitue la valeur des choses religieuses et divines en les rabaissant au niveau du monde humain commun. Ces profanations peuvent consister à rire de la parole de Dieu ou à utiliser un objet de culte pour une tâche quotidienne. Au contraire, la folie est parfois interprétée comme la manifestation du sacré ici-bas.
Cela est particulièrement visible dans Ajax, une tragédie écrite par Sophocle. Une nuit, en pleine folie furieuse, Ajax, un héros mythique de la guerre des Grecs contre les Troyens, massacre du bétail en croyant tuer Ulysse et ses alliés. La déesse Athéna est la cause de cette folie : elle a rempli l’esprit d’Ajax d’images mensongères pour le punir de paroles orgueilleuses.
En réalité, la première folie d’Ajax est là dans la démesure, folie dont les grands héros sont plus facilement victimes. Ils sont trop grands pour ne pas être tentés de se croire plus qu’hommes, égaux aux dieux.
Plus près de nous, Les maîtres fous
(1955), un film de Jean Rouch tourné au Ghana en
Afrique de l’Ouest, montre comment des membres
d’une secte entrent en transe lors d’une
cérémonie religieuse.
Pendant cette transe, ils se croient
possédés par des esprits issus de la
colonisation : le gouverneur, le capitaine, la femme
du médecin. Ils manifestent alors à nos
yeux les symptômes typiques de la folie :
mégalomanie, convulsions, danse
frénétique, altération de la
personnalité. Mais de retour à la vie
profane, en semaine, ils se comportent tout à fait
normalement. Nous sommes aujourd’hui tentés
de décrire leur expérience en termes
psychologiques, médicaux, faisant ainsi
disparaitre l’énigme de leurs actes et de
leurs paroles.
Dans l’Histoire de la folie (1961), Michel Foucault retrace comment, en Occident, la perception de la folie a radicalement changé entre le Moyen Âge et le XVIIIe siècle pour fonder finalement le point de vue actuel sur la maladie mentale. La folie est sainte pour les médiévaux. À la Renaissance, dans les œuvres d’Érasme, de Shakespeare ou de Cervantès, la folie témoigne encore d’une sagesse tragique qui dévoile l’absurdité du monde. Mais soudain, à l’âge classique (les XVIIe et XVIIIe siècles), les fous sont enfermés dans les lieux réservés aux déviants improductifs tels que les pauvres, les criminels ou les oisifs. Enfin, d’après Foucault, ce sont les médecins du XIXe siècle, comme Pinel, souvent loués pour avoir donné une certaine liberté physique aux fous enfermés, qui vont les enchainer psychologiquement et médicalement en prétendant les guérir.
Cette critique de la psychiatrie, fondée sur une certaine réhabilitation de la folie, est assez typique des années 1960 aux années 1980. Le film Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975), réalisé par Milos Forman, en offre une illustration emblématique. L’asile psychiatrique y est en effet dépeint comme un enfer morne où l’enfermement physique est redoublé d’un enfermement psychologique produit par les médicaments. La tentative menée par un patient pour apporter de la liberté et de la joie dans l’asile se heurte à la violence répressive de l’institution.
Le fou serait donc, alors, moins victime de sa folie que
de la société qui le condamne et le
stigmatise.
Il est indéniable que, dans ce cas, le
remède a trop souvent été pire que
le mal. La lobotomie, par exemple, consiste à
sectionner les fibres qui relient le lobe frontal au
reste du cerveau, altérant massivement et
irrémédiablement le comportement du
patient. Cette pratique médicale aujourd’hui
interdite a été employée en masse au
milieu du XXe siècle, surtout sur
des femmes. N’eût-il pas mieux valu leur
épargner ces « soins »
barbares ?
S’il est justifié de dénoncer et de
condamner les maltraitances dont les malades mentaux sont
victimes dans nos sociétés, il est
peut-être excessif d’entretenir une vision
romantique du fou visionnaire dont la libération
suffirait à faire le bonheur. Certes, les malades
mentaux n’ont pas vraiment de place dans une
société capitaliste où chaque
individu est censé être avant tout
productif.
Dans des circonstances moins défavorables,
certains fous créatifs se sont faits malgré
tout une place. Vincent Van Gogh ou Antonin Artaud ont,
par exemple, créé des œuvres
inoubliables et admirées. Mais ce fut au prix de
grandes souffrances. Et cela ne doit pas nous faire
oublier tous ces fous et ces folles anonymes qui ne
bénéficient pas de cette immunité
artistique et qui souffrent avant tout bel et bien de
leurs psychoses.

Fiches de cours les plus recherchées


Des profs en ligne
- 6 j/7 de 17 h à 20 h
- Par chat, audio, vidéo
- Sur les matières principales

Des ressources riches
- Fiches, vidéos de cours
- Exercices & corrigés
- Modules de révisions Bac et Brevet

Des outils ludiques
- Coach virtuel
- Quiz interactifs
- Planning de révision

Des tableaux de bord
- Suivi de la progression
- Score d’assiduité
- Un compte Parent