L'état de nature est-il un état de guerre de tous contre tous ? - Maxicours

L'état de nature est-il un état de guerre de tous contre tous ?

Objectifs
  • Comprendre la notion d'état de nature.
  • Connaître les positions de Hobbes et Rousseau sur l'état de nature.
  • Connaître la définition de l'État de Max Weber.
Points clés
  • Thomas Hobbes considère que si les humains n’établissent pas une autorité commune assez forte pour les tenir en respect, s’ils vivent donc à l’état de nature, ils sont condamnés à se livrer une guerre perpétuelle de chacun contre chacun.
  • Pour Rousseau, l’homme à l’état de nature ne calcule pas. C’est un animal solitaire qui, certes, agit d’après l’impératif de la survie individuelle, mais qui est aussi capable de pitié. Dans cet état, les êtres humains sont tout simplement incapables de faire la guerre.
  • La violence dans l’histoire va surgir, selon Rousseau, après la formation des sociétés, avec l’apparition de la propriété privée et des inégalités qui en découlent. 
  • Weber définit l'État comme définit comme l’institution qui a revendiqué avec succès le monopole de la violence physique légitime.

Une question hante notre culture : que se produirait-il si nos institutions étaient détruites, si les fondements de la vie sociale s’effondraient ? Cette hypothèse a été mise au goût du jour récemment avec la « collapsologie », la théorie de l’effondrement progressif, partiel ou total, des cadres économiques, sociaux et politiques qui rendent la vie humaine confortable et sûre, voire tout simplement possible. Les films ou les séries dépeignant un monde ravagé par le désastre témoignent de la même inquiétude. Cette question n’est pas nouvelle. La philosophie politique classique évoque aussi cette situation sous le nom d’état de nature : la vie humaine sans État, sans loi, voire sans culture. Pour nous autres éduqués dans des sociétés très organisées, la perspective est effrayante. Nous n’imaginons que chaos, destructions et tueries commises par des humains retournés à la barbarie ou à l’animalité.

Mais les présupposés de cet imaginaire doivent aussi être questionnés : la violence est-elle naturelle ? L’État lui-même est-il toujours le garant de la paix ?

1. La guerre de tous contre tous : une conséquence de notre nature ?

Au XVIIe siècle, l’idée d’état de nature apparaît en philosophie politique dans l’œuvre du philosophe anglais Thomas Hobbes (1588-1679). Marqué par la Grande Révolution et les conflits sanglants qu’elle a entraînés en Angleterre, Hobbes est soucieux d’établir solidement les principes d’une société paisible et sûre. Or si les humains n’établissent pas une autorité commune assez forte pour les tenir en respect, s’ils vivent donc à l’état de nature, ils sont condamnés à se livrer une guerre perpétuelle de chacun contre chacun.

D’une part en effet, l’égalité naturelle de nos moyens physiques et intellectuels se traduit concrètement par le fait que presque n’importe qui sera toujours assez fort ou rusé pour tuer presque n’importe qui d’autre. D’autre part, en l’absence d’une autorité à même de faire respecter les lois, tous les individus ont droit à tout ce qu’ils estiment nécessaire à leur vie et à leur agrément. Cela entraîne une défiance générale de tous à l’égard de tous, qui ne peut que produire un état de guerre : si n’importe qui peut menacer ma sécurité, il est raisonnable d’attaquer le premier. La guerre est alors perpétuelle, non pas tant parce que les individus se battent en permanence que parce qu’ils sont toujours disposés à se battre.

Il faut souligner que la pensée politique de Hobbes repose sur une anthropologie pessimiste, c’est-à-dire sur l'idée que la cause de nos conflits est ancrée dans la nature humaine. Nous serions naturellement méfiants, enclins à la compétition et avides de gloire. C’est pourquoi il serait nécessaire d’instaurer un artifice tel que l’État afin d'empêcher l’expression de nos tendances violentes naturelles.

2. L’état de nature : un paradis perdu ?

C’est précisément cette conception de la nature humaine qui est contestée par Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), surtout célèbre pour sa peinture paradisiaque de l’état de nature dans son Discours sur les origines et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755). La description de l’état de nature chez Hobbes repose en effet sur le présupposé que l’égoïsme et la violence observables chez nos contemporains « civilisés » seraient des caractéristiques naturelles et essentielles de l’être humain. Rousseau se demande au contraire si ces caractéristiques déplorables ne sont pas un produit de l’histoire des sociétés humaines.

Rousseau conçoit donc l’état de nature d’une manière originale en l'imaginant à partir d’êtres humains vivant, non pas privés d’institutions politiques fortes, mais avant même que ces institutions soient concevables. Il s’agit moins d’une vie sans État qu’une vie sans culture. L’homme à l’état de nature, tel que Rousseau le conçoit, ne calcule pas. C’est un animal solitaire qui, certes, agit d’après l’impératif de la survie individuelle, mais qui est aussi capable de pitié. Dans cet état, les êtres humains sont tout simplement incapables de faire la guerre. La violence est toujours possible, mais elle ne peut pas devenir systématique. L’homme naturel de Rousseau n’aura jamais l’idée, par exemple, de défendre par la violence un stock de nourriture. Tout au plus pourrait-il se battre pour sauver sa vie s’il ne peut pas fuir le danger.

La violence dans l’histoire va surgir, selon Rousseau, après la formation des sociétés, avec l’apparition de la propriété privée et des inégalités qui en découlent. Rousseau ne conçoit cependant pas qu’un retour à l’état de nature soit possible. La socialisation humaine est irréversible. Malheureusement « l’esprit universel des lois de tous les pays est de favoriser toujours le fort contre le faible et celui qui a contre celui qui n’a rien ».

3. La société : un lieu de conflit ?

En effet, on peut s’étonner avec Montesquieu (1689-1755) de ce que « les hommes haïssent si fort la violence, et que tant de nations soient gouvernées par la violence ». Peut-on imaginer un gouvernement sans violence ? L’État, d’après le sociologue Max Weber, se définit comme l’institution qui a revendiqué avec succès le monopole de la violence physique légitime. En d’autres termes, seuls les agents de l’État disposent du droit de faire usage de la violence dans l’exercice de leur fonction. C’est ce qui explique que les policiers ou les militaires français disposent d’une arme. Or, il est toujours possible de questionner la légitimité de l’usage étatique de la violence.

D’une part, en politique intérieure, on peut se demander quelle est la fonction réelle de la police. Est-elle là pour garantir la sécurité de la population ou celle de l’ordre établi, du pouvoir en place ? D’autre part, en politique extérieure, les États modernes sont en mesure de déclencher des guerres d’une amplitude inconcevable pour une humanité pré-étatique. S’il est vrai que ces États nous protègent parfois d’une violence endémique quotidienne, il est inconséquent de ne pas s’interroger sur le fait que certains de ces mêmes États disposent du pouvoir d’anéantir l’humanité toute entière avec l’arme atomique.

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