Gargantua : oeuvre de littérature ?
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Objectifs :
Découvrir la littérarité de
l’œuvre au vu de sa réception critique
controversée ; préparer le sujet de
dissertation sur l’œuvre au programme.
Les citations et pages font
référence à l’édition :
François Rabelais, Gargantua, texte original et
translation en français moderne par Guy Demerson,
Edition Seuil, Collection Points.
Gargantua fait suite au premier récit de Rabelais : Pantagruel alors que ce dernier est le fils de Gargantua. Il relate l’enfance du géant, de sa naissance à son accomplissement intellectuel, moral et guerrier.
La réception des écrits rabelaisiens est très controversée au fil des siècles : soit ils sont taxés d’impiété, de narration ordurière, soit ils se rattachent à un sous genre populaire et oral, soit ils deviennent emblématiques d’une écriture libre et humaniste.
Problématique et plan : l’œuvre de Rabelais est-elle œuvre littéraire ; est-ce de la littérature ?
Dans un premier temps, Gargantua se rattache à une tradition orale folklorique, proche du théâtre ou de la représentation carnavalesque. Pourtant, il reprend nombre de motifs et structure des romans en vogue du temps. Enfin, l’œuvre est avant tout la promotion d’une littérature en liberté, d’une écriture littéraire affranchie des contraintes.
Gargantua fait suite au premier récit de Rabelais : Pantagruel alors que ce dernier est le fils de Gargantua. Il relate l’enfance du géant, de sa naissance à son accomplissement intellectuel, moral et guerrier.
La réception des écrits rabelaisiens est très controversée au fil des siècles : soit ils sont taxés d’impiété, de narration ordurière, soit ils se rattachent à un sous genre populaire et oral, soit ils deviennent emblématiques d’une écriture libre et humaniste.
Problématique et plan : l’œuvre de Rabelais est-elle œuvre littéraire ; est-ce de la littérature ?
Dans un premier temps, Gargantua se rattache à une tradition orale folklorique, proche du théâtre ou de la représentation carnavalesque. Pourtant, il reprend nombre de motifs et structure des romans en vogue du temps. Enfin, l’œuvre est avant tout la promotion d’une littérature en liberté, d’une écriture littéraire affranchie des contraintes.
1. Un genre oral, en filiation avec le folklore
populaire
a. Le gigantisme et le folklore
Rabelais perpétue une
tradition folklorique qui associe le gigantisme au
grotesque par effet de grossissement et
exagération relativement à la nature
humaine. Le personnage du géant induit la
description de la taille hypertrophiée du
héros, de son corps jusqu’aux besoins
énormes pour le vêtir et l’alimenter ;
des objets surdimensionnés qu’il utilise aux
détails scabreux liés à sa taille
comme les effets dévastateurs des
excréments sur les hommes…
Exemple :
L’univers narratif voit ses dimensions spatio-temporelles brouillées sur le mode comique : c’est un des procédés oraux pour susciter le rire. Il naît d’un décalage entre le réel humain et les effets disproportionnés comme le déluge urinaire, le fait d’avaler des pèlerins par mégarde, ou encore la transformation des cloches de la cathédrale en clochettes pour la jument.
Exemple :
L’univers narratif voit ses dimensions spatio-temporelles brouillées sur le mode comique : c’est un des procédés oraux pour susciter le rire. Il naît d’un décalage entre le réel humain et les effets disproportionnés comme le déluge urinaire, le fait d’avaler des pèlerins par mégarde, ou encore la transformation des cloches de la cathédrale en clochettes pour la jument.
b. La théâtralité et le «
vocabulaire de la place publique » (l'œuvre
de François Rabelais et la culture populaire au
moyen-âge et sous la renaissance, Mikhaïl
Bakhtine)
L’ambiance verbale rappelle celle de la place publique ou de la foire.
Chacun des épisodes est une entité
narrative indépendante qui pourrait constituer une
saynète, de part l’abondance des actions,
les procédés langagiers comiques,
l’omniprésence de la fête,
l’abondance des harangues et conversations…
Nombres de scènes relèvent de la sotise, de
jeux de scènes dont les effets comiques ne sont
plus à démontrer.
Exemple :
Le prologue notamment vante l’esprit du livre comme un bonimenteur de foire le ferait, s’adressant au lecteur qu’il désire bachique (relatif à Bacchus, dieu de l’ivresse et du vin) en l’injuriant familièrement ou affectueusement. Il l’apostrophe directement, le plaçant dans une situation de réception simultanée à la lecture.
De plus, il capte l’attention du lecteur en faisant la promotion d’une lecture toute particulière : le guidant vers la « substantifique moelle » parallèlement à la joie du banquet, en s’amusant et en buvant. Il s’agit presque d’un entretien publicitaire, avant la lecture qui vaut représentation théâtrale.
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Doc. 1. Gargantua à son grand couvert |
Exemple :
Le prologue notamment vante l’esprit du livre comme un bonimenteur de foire le ferait, s’adressant au lecteur qu’il désire bachique (relatif à Bacchus, dieu de l’ivresse et du vin) en l’injuriant familièrement ou affectueusement. Il l’apostrophe directement, le plaçant dans une situation de réception simultanée à la lecture.
De plus, il capte l’attention du lecteur en faisant la promotion d’une lecture toute particulière : le guidant vers la « substantifique moelle » parallèlement à la joie du banquet, en s’amusant et en buvant. Il s’agit presque d’un entretien publicitaire, avant la lecture qui vaut représentation théâtrale.
2. Un roman inspiré des récits en vogue
a. Dans la lignée des récits
médiévaux
Le roman de Rabelais se nourrit de références aux romans
médiévaux :
épopées et récits de chevalerie, en
les parodiant. Mais la parodie implique une imitation du style épique dans sa
démesure et sa violence.
Exemple :
En effet, il suit la structure narrative traditionnelle : de la naissance du héros (motif récurrent de la haute lignée du personnage) à sa formation (thème du héros exemplaire en devenir) ; des formations successives à sa réalisation dans une épreuve périlleuse (permanence de l’exploit formateur et de l’affrontement qualifiant). Il s’agit d’un récit d’initiation d’un héros naïf subissant des épreuves, mais sur un mode différent.
Du style noble, on passe à un registre burlesque. En effet, le héros fait montre de son intelligence par l’invention d’un torche-cul ; il remporte des victoires par des procédés peu nobles comme l’urine qui noie les adversaires.
Exemple :
En effet, il suit la structure narrative traditionnelle : de la naissance du héros (motif récurrent de la haute lignée du personnage) à sa formation (thème du héros exemplaire en devenir) ; des formations successives à sa réalisation dans une épreuve périlleuse (permanence de l’exploit formateur et de l’affrontement qualifiant). Il s’agit d’un récit d’initiation d’un héros naïf subissant des épreuves, mais sur un mode différent.
Du style noble, on passe à un registre burlesque. En effet, le héros fait montre de son intelligence par l’invention d’un torche-cul ; il remporte des victoires par des procédés peu nobles comme l’urine qui noie les adversaires.
b. Dans la lignée des récits
populaires
Gargantua est un personnage issu de la tradition orale folklorique,
largement convoqué dans Les Grandes Chroniques
su grand et énorme géant Gargantua. Le
personnage issu de la tradition orale intègre la
suite du Roi Arthur et se révèle plus
obscène et excessif que dans le roman. Rabelais
s’en inspire reprenant même certains
épisodes qui connaissaient un succès sur
les foires, tel l’épisode du vol des cloches
ou l’avalage des pèlerins.
c. Allusions et intertextualité
Rabelais est souvent rapproché de Lucien de Samosate, auteur
du 2e siècle qui a écrit des
satires sur la société dont il est
contemporain, en mêlant fantaisie et profondeur
philosophique. Rabelais use de procédés
identiques et exploite même des
procédés que Lucien dénonce, telle
la profusion de détails ou l’allongement
excessif des listes interminables…
Le texte de Rabelais présente de nombreuses allusions aux textes fondateurs antiques ou humanistes, faisant confiance à son public lettré et cultivé. Il joue avec l’allusion intertextuelle convoquant tantôt Platon, tantôt Erasme, ou autre référence savante ; voire encore les citations liturgiques, les proverbes… Tout est prétexte à rire ou servir l’idéal humaniste.
Ce mélange des genres et références surprend le lecteur face à un univers neuf et paradoxal. L’écriture de Rabelais fait suite à une tradition littéraire et ouvre sur une écriture en liberté…
Le texte de Rabelais présente de nombreuses allusions aux textes fondateurs antiques ou humanistes, faisant confiance à son public lettré et cultivé. Il joue avec l’allusion intertextuelle convoquant tantôt Platon, tantôt Erasme, ou autre référence savante ; voire encore les citations liturgiques, les proverbes… Tout est prétexte à rire ou servir l’idéal humaniste.
Ce mélange des genres et références surprend le lecteur face à un univers neuf et paradoxal. L’écriture de Rabelais fait suite à une tradition littéraire et ouvre sur une écriture en liberté…
3. Une écriture en liberté
a. Faire rire et réfléchir
L’écriture de Rabelais est jubilatoire mais
le rire est au service d’une
pensée toute sérieuse.
L’auteur parodie pour dénoncer les abus de pouvoir de rois épris de conquête ou les contraintes archaïques d’une église sous l’emprise de la censure. L’auteur dénonce la désuétude des valeurs médiévales (passées de mode), ou encore la violence d’une guerre de conquête incarnée par un roi ridicule, dont les excès permettent la dénonciation indirecte de la politique de conquête menée par Charles Quint.
De même, l’auteur qui a appartenu à l’ordre franciscain puis bénédictin s’en prend à l’aspect formel de la religion. Il dénonce la récitation des messes en un jargon incompréhensible évacuant toute interprétation et compréhension possible. La critique va jusqu’au burlesque en vouant le texte liturgique à une fonction soporifique et vomitive, liée au bas corporel, inversant donc la valeur d’élévation spirituelle.
L’auteur parodie pour dénoncer les abus de pouvoir de rois épris de conquête ou les contraintes archaïques d’une église sous l’emprise de la censure. L’auteur dénonce la désuétude des valeurs médiévales (passées de mode), ou encore la violence d’une guerre de conquête incarnée par un roi ridicule, dont les excès permettent la dénonciation indirecte de la politique de conquête menée par Charles Quint.
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Doc. 2. Portrait du roi Charles Quint en arme, 16e siècle |
De même, l’auteur qui a appartenu à l’ordre franciscain puis bénédictin s’en prend à l’aspect formel de la religion. Il dénonce la récitation des messes en un jargon incompréhensible évacuant toute interprétation et compréhension possible. La critique va jusqu’au burlesque en vouant le texte liturgique à une fonction soporifique et vomitive, liée au bas corporel, inversant donc la valeur d’élévation spirituelle.
b. Une écriture libre au service de la
liberté
L’écriture de
Rabelais s’affranchit de toutes les règles
au service d’une pensée
libre.
Le gigantisme ouvre sur la possibilité d’un renouveau, d’une approche optimiste de l’homme de la renaissance assoiffé de connaissance et aimant une vie qu’il veut dévorer, d’où le thème omniprésent du banquet festif.
• Le besoin de liberté se devine dans la critique de la contrainte et de la censure, dans les chapitres consacrés à l’abbaye de Thélème. La philosophie libertaire pose d’emblée le lieu comme une anti-abbaye, puisque « thelema » en grec signifie « libre-arbitre ». L’absence de règle régit toute la communauté et est la condition de l'harmonie sociale, d’un épanouissement humaniste.
• Le besoin d'une écriture spontanée et sincère, sous le signe de la boisson et de la nourriture. L'œuvre de Rabelais fait rire, fait réfléchir, ouvre sur la réflexion humaniste et le besoin d'un renouveau. le couvert d'un rire franc et populaire, sous l'apparence d’une utopie, sous le signe de l’humour et de l’ironie, l’œuvre de Rabelais est emblématique de son temps et de son dysfonctionnement, nourrissant l’esprit de la re-naissance.
Le gigantisme ouvre sur la possibilité d’un renouveau, d’une approche optimiste de l’homme de la renaissance assoiffé de connaissance et aimant une vie qu’il veut dévorer, d’où le thème omniprésent du banquet festif.
• Le besoin de liberté se devine dans la critique de la contrainte et de la censure, dans les chapitres consacrés à l’abbaye de Thélème. La philosophie libertaire pose d’emblée le lieu comme une anti-abbaye, puisque « thelema » en grec signifie « libre-arbitre ». L’absence de règle régit toute la communauté et est la condition de l'harmonie sociale, d’un épanouissement humaniste.
• Le besoin d'une écriture spontanée et sincère, sous le signe de la boisson et de la nourriture. L'œuvre de Rabelais fait rire, fait réfléchir, ouvre sur la réflexion humaniste et le besoin d'un renouveau. le couvert d'un rire franc et populaire, sous l'apparence d’une utopie, sous le signe de l’humour et de l’ironie, l’œuvre de Rabelais est emblématique de son temps et de son dysfonctionnement, nourrissant l’esprit de la re-naissance.
L'essentiel
L’écriture de Rabelais est incontestablement
œuvre de littérature, au service d’une
pensée libre : on y retrouve l’art du narrateur
populaire, la conviction du philosophe humaniste. C’est
une écriture en liberté qui échappe par
le rire et au fil des siècles, à la
censure.
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