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Gargantua : oeuvre comique ou sérieuse ?

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Objectifs :
Proposer une lecture synthétique qui prépare au sujet de dissertation, comprendre une problématique interne à l’écriture rabelaisienne…
Les citations et pages font référence à l’édition : François Rabelais, Gargantua, texte original et translation en français moderne par Guy Demerson, Edition Seuil, Collection Points.

Gargantua fait suite au premier récit de Rabelais : Pantagruel alors que ce dernier est le fils de Gargantua. Il relate l’enfance du géant, de sa naissance à son accomplissement intellectuel, moral et guerrier.

Au-delà du nombre de chapitres qui constituent autant d’entités narratives indépendantes, le roman propose une certaine continuité au fil des épisodes, évoluant entre un éclat de rire burlesque issu du folklore populaire et la profondeur d’un idéal philosophique…

Problématique et plan : l’œuvre de Rabelais et plus précisément Gargantua, est-elle œuvre comique ou sérieuse ?

Dans un premier temps, Gargantua est un récit profondément comique qui ne laisse pas de place à la mélancolie et qui suscite le rire par divers procédés. Pourtant, le comique est au service d’une réflexion critique, profondément humaniste. Enfin, se profile l’expression d’un idéal philosophique humaniste qui devient emblématique du siècle de la Renaissance.
1. Le roman comique
a. Le gigantisme et le comique folkorique
Rabelais perpétue une tradition folklorique qui associe le gigantisme au grotesque par effet de grossissement et exagération relativement à la nature humaine.

Exemple :
La description de la taille du héros suscite le rire, de son corps jusqu’aux besoins énormes pour le vêtir et l’alimenter ; des objets surdimensionnés qu’il utilise aux détails scabreux liés à sa taille comme les effets dévastateurs de ses excréments sur les hommes…
b. Le comique carnavalesque
Rabelais puise son comique dans la tradition carnavalesque qui se fonde sur une inversion des valeurs, des hiérarchies, ce que Mikaïl Bakhtine appelle « l’inversion du haut vers le bas » (l’œuvre de François Rabelais). Le comique se fonde alors sur la prédilection du thème excrémentiel, obscène et sur le renversement des valeurs : le moine devient un guerrier « mi diable » qui jubile du carnage qu’il réalise ; le roi est détrôné et ridiculisé ; l’abbaye multiplie les outrages aux autorités religieuses en annulant les règles, restrictions et vœux.

Exemple :
Ainsi, l’ouvrage est dédié aux « buveurs » et « vérolés », aux « maladies joyeuses » qui sont les conséquences d’une vie abusant immodérément des plaisirs liés à la nourriture, la boisson et au sexe. Le prologue est bâti comme un boniment de foire, vantant les bienfaits du vin, et imprégnées de l’ambiance festive débridée du carnaval. L’auteur invite le lecteur à l’amusement et à l’ivresse, refusant les conventions nobles du langage rhétorique. Il y a inversion des valeurs comme volonté de puiser dans le langage populaire avec jurons et grossièretés, allusions grivoises des propos « bien ivres »…
c. Le comique verbal
Rabelais met son langage au service du rire par des techniques audacieuses :

- Le néologisme ou l’invention verbale lors des propos « torcheculatifs ».

- Le détournement de proverbes et termes liturgiques
adaptés aux nécessités narratives : « L’habit ne fait pas le moine » dont il utilise et le sens propre et le sens figuré...

- Le vocabulaire technique comme la terminologie médicale omniprésente lors de la description des carnages et démembrements occasionnés par les coups de Frère Jean.

- Les latinismes et mots savants, par effet de contraste avec le ton burlesque : « omnis clochabilis, in clocherio clochando, clochans clochativo clochare facit clochabiliter clochantes. » (Chapitre 19)

- Les onomatopées aux effets sonores drôles qui imitent les bruits du quotidien.

- Les calembours et contrepèteries : « une femme ni belle ni bonne, à quoi vaut toile ? » (Chapitre 52)

- Les énumérations exagérées, telle la liste interminable des jeux de Gargantua qui étourdissent à la lecture. (Chapitre 22)

L’objectif est de créer le rire et l’enthousiasme en ironisant cependant sur les discours savants des sophistes, truffés de références et de latinismes qui les rendent inintelligibles… Alors, le comique sert la dénonciation, plus sérieux qu’il n’y paraît de prime abord.
2. Le comique au service du sérieux
a. La parodie
L’auteur parodie le code chevaleresque de l’épopée en utilisant la ruse et l’humour. Le comique se met au service de la parodie de valeurs désuètes et met à mal le code d’honneur hérité du moyen-âge, dont il dévoile les limites.

Exemple :
Ainsi le héros n’utilise pas l’arme noble mais des éléments cocasses (l’urine du géant ou de la jument, un arbre, un bâton de croix) ; il n’est pas valeureux et preux mais plutôt fuyard et pillard (les adversaires sont des anti-héros).
Même dans le camp de Gargantua, le combattant est mis à mal : le frère Jean combat au nom du service « du vin » (jeu de mot évident avec le « service divin ») et il n’épargne pas même les repentants. Il jure comme un charretier et combattant avec son bâton de croix devient la parodie des chevaliers croisés.

Doc. 1. Gargantua urinant devant Notre Dame,
illustration de Jules Garnier

b. La dénonciation
Le comique s’ancre dans une réalité contemporaine de Rabelais pour dénoncer les abus de pouvoir de rois épris de conquête ou les contraintes archaïques d’une église sous l’emprise de la censure.

Exemple :
L’auteur dénonce la violence et la déraison d’une guerre de conquête incarnée par Picrochole : il est soumis à la violence de son caractère comme le souligne l’onomastique (« Picrochole=bile amère »). Il incarne ainsi l’homme politique agresseur, la politique de guerre de conquête telle que la menait Charles Quint. Le jugement est alors sans appel puisqu’à la démesure de l’ambition répond la démesure de la défaite.

De même, l’auteur qui a appartenu à l’ordre franciscain puis bénédictin s’en prend à l’aspect formel de la religion. Il dénonce l’emploi des hymnes liturgiques et recueils de sermons évacuant toute interprétation et compréhension. De même, il singe la multiplicité des messes quotidiennes qui conduit à « expédier » les prières au plus vite en les « marmonnant » dans un langage mêlé de latin incompréhensible ou d’un jargon scolastique inintelligible. Les prêches s’éloignent de la vraie vocation de la parole qui est une communication claire, efficace.

La critique va jusqu’au burlesque en vouant le texte liturgique à une fonction soporifique et vomitive, liée au bas corporel, inversant donc la valeur d’élévation spirituelle.
3. L'ancrage profondément humaniste
Le prologue invite le lecteur à un mode d’interprétation plus profond, en dépassant l'excès comique. Il ancre son récit dans une réalité politique et sociale, et propose une approche philosophique de la vie. Dans les épisodes les plus burlesques, se lit en filigrane un credo humaniste. La lecture sert de prétexte à une réflexion symbolique sur le monde.
a. Les enjeux de l'humanisme
Une réflexion sur l’éducation 
Sous le couvert du mode burlesque, l’auteur parodie les excès de l’éducation scolastique (enseignement médiéval basé sur une connaissance livresque respectant les directives chrétiennes imposées par la Sorbonne) et des érudits « sorbonnards » ou « sorbonnicoles ».

Une conception de l’art de bien gouverner 
Grandgousier est un monarque pacifiste qui œuvre pour la paix en privilégiant le dialogue et la négociation intelligente. Il se résigne à une guerre juste et défensive qui épargne le plus possible les adversaires respectés. Sa description prend le contrepied de l’assaillant violent et avide, qui ne manque pas de rappeler le politique belliqueux qu’est Charles Quint.

Une conception de l’engagement dans un ordre religieux
Le moine ne peut s’exclure de son temps devant le risque de devenir inutile et paresseux et il ne peut nier son individualité propre, devenant réfractaire à force de contraintes stériles.

Une confiance en l’intelligence humaine

L’œuvre devient un manifeste en faveur d’un savoir encyclopédique ; une promotion de l’esprit critique privilégiant l’exercice de la raison à la mémorisation futile d’un savoir livresque.

La fiction se met au service d’une réflexion sur la place de l’homme dans le monde : le bonheur est accessible dans une intégration sociale harmonieuse, qui permet le respect de chacun.
b. Une représentation symbolique d'un idéal
Le gigantisme ouvre sur la possibilité d’un renouveau, d’une approche optimiste de l’homme de la renaissance assoiffé de connaissance et aimant une vie qu’il veut dévorer, d’où le thème omniprésent du banquet festif.

Le besoin de liberté
Ce besoin se devine dans la critique de la contrainte et de la censure, dans les chapitres consacrés à l’abbaye de Thélème. La philosophie libertaire pose d’emblée le lieu comme une anti-abbaye, puisque le premier vœu dans un monastère est l’abdication totale de la volonté propre. Or, « thelema » en grec signifie « libre-arbitre ». L’absence de règle régit toute la communauté. Le refus des lois qui correspondent à la réalité monacale est garant d’une harmonie sociale, d’un épanouissement humaniste.

Le besoin de sincérité
Il passe par la dénonciation des hypocrites en matière de religion, de politique et de justice. Thélème incarne alors l’harmonie idéale, vers un respect de tous, englobé dans une communauté libertaire et unie.

Sous une apparence d’utopie, sous le signe de l’humour et de l’ironie, l’œuvre de Rabelais est emblématique de son temps et de son dysfonctionnement, nourrissant l’esprit de la re-naissance.
L'essentiel
L’art de Rabelais fondé sur le rire puisque « le rire est le propre de l’homme, dépasse un comique folklorique et carnavalesque pour proposer une représentation ironique de son époque dans un réalisme grossier et une représentation emblématique d’un nouveau mode de fonctionnement.

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