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Fin de partie : Lecture méthodique 2, Duo entre Nagg et Nell

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Objectifs :
- Chercher une problématique.
- Proposer une lecture méthodique, des axes de lecture qui éclairent l’ensemble du texte.
- Percevoir dans l’univers englué un soubresaut de vie, puis l’échec annoncé.
Les citations font référence au texte des Editions de minuit.

Pages 27 - 37 « Qu’est ce que c’est, mon gros ? (…) Déserte. »

La pièce fonctionne comme un lieu clos, cellule étrange et inquiétante, dans laquelle les personnages impotents et grabataires évoluent dans une atmosphère de déréliction. Seuls les parents de Hamm, dans une comédie d’amour, luttent contre le néant et la mort qui envahissent la scène. Ce passage devient l’un des seuls moments de vie rappelant les souvenirs du passé.

Problématique :
Au-delà des corps rapetissés et des visages tuméfiés, une sensation humaine et vivante dans la lutte du langage, lutte s’essoufflant emportée dans le néant.
1. Le langage contre la désintégration dans le silence
a. Maintenir le contact
Sentir l’interlocuteur 

Les personnages luttent contre le silence par la communication tactile, visuelle, auditive et phatique (fonction qui crée et maintient un contact dans une communication). Les grabataires sont en quête d’un contact physique, avec une allusion à l’amour charnel sur le mode de la plaisanterie (« C’est pour la bagatelle ? »). Interrogation qui semble illusoire et rhétorique puisqu’on n’y répond pas du tout. Le destinataire ignore le thème de la question, répondant par une autre interrogation : « Tu dormais ? ».
L’impératif « embrasse » est un appel au contact charnel désiré mais impossible puisque la didascalie insiste sur l’échec du rapprochement « avancent péniblement…s’écartent ». Il y a une inversion entre le désir-rêve de tension vers le corps de l’autre et la gestuelle-réalité d’éloignement progressif.
De même l’envie, le besoin de se faire gratter « dans le creux » traduit la nécessité de chaleur humaine et l’impossibilité de se rejoindre, c'est-à-dire le désir latent du corps et l’isolement des êtres.
Enfin, les personnages résistent en instaurant un rapport de contiguïté avec l’examen clinique de leur corps en dégénérescence : évocation de la perte de la dent, de la vue et de l’ouïe. On peut noter l’utilisation de l’adjectif possessif singulier « ma dent » à fonction affective, puis du défini « l’ » évoquant la dernière dent. Ceci a pour effet d’accentuer le pathos du corps rapetissé.
La perte de la vue et de l’ouïe est exprimée à travers un échange en stichomythies (succession de courtes répliques) insistant sur l’examen commun de « notre vue » et de « notre ouïe », auquel répond l’adverbe approximatif et très négatif « mal ». Le dialogue décrit la régression physique comme l’effacement du monde alentour : la perte de la dent, la vue, l’ouïe et les jambes… participent à la dissolution du monde et du sens sur laquelle Nell se résout : « Tant mieux, tant mieux. ».
La régression est dite pour continuer à communiquer malgré tout. Malgré les refus violents et les « Non » de Nell, les personnages ne peuvent se résoudre à la séparation. Malgré le froid et leurs univers entravés, ils ne peuvent se séparer, tant que la tendresse demeure…

Enchaîner un dialogue 

Il s'agit de maintenir coûte que coûte la communication. Les pronoms, les interrogations, les impératifs servent la fonction phatique de la communication. La profusion des questions est un moyen direct d’expression : elle prend en compte le destinataire et exige une réponse même si, dans le cas de notre pièce, la réponse ne coïncide pas toujours avec le thème de l’interrogation. En ce sens, Beckett montre les limites de notre langage déficient, dont l’utilité est avant tout de maintenir un état de communication. (« C’était pour la bagatelle ? _ Tu dormais ? _ Oh non ! »).
De même les nombreux impératifs (« Embrasse… Essayons… Ne dis pas… Rentre…Tiens… Taisez... Parlez… Réfléchis… Frotte ») sont chargés d’une valeur pragmatique qui exige une réponse de l’interlocuteur, que ce soit dans les mots ou les gestes. Il y a ce besoin d’instaurer un échange prenant en compte le destinataire par le biais du type de phrase qui le prend le plus à partie : la phrase injonctive.
Ainsi les pronoms de la première et deuxième personne actualisent l’existence de nos personnages, unis dans un « nous » dès l’instant où ils se prononcent, comme si les individus prenaient acte de leur vie par la communication. De là vient le besoin d’interpeler l’interlocuteur par un surnom dénotant une familiarité et une allusion au corps même si le sobriquet se situe en parfaite opposition avec ces corps raccourcis et racornis (« mon gros », l’adjectif possessif exprime la familiarité qui les unit mais trahit la réalité physique de Nell).
b. Faire illusion
Le passé révolu : un détour par le passé pour échapper à la pesanteur du présent

Nagg invite au souvenir pour échapper au présent. Ce à quoi Nell accède après un refus inefficace demeurant le temps de localiser géographiquement le souvenir, comme garant d’une réalité passée : « dans les Ardennes » (le « Non » est immédiatement discrédité par la précision géographique qui suit). Le passé réunit le couple dans un rire qui ne tarde pas à s’étioler, et ce même dans la tristesse d’un accident ayant causé leur impotence. Les didascalies établissent un decrescendo immédiat : « Ils rient…Ils rient moins fort… Ils rient encore moins fort »).
L’emploi du passé simple pour le souvenir intime permet de créer une distance, celle de la narration. Enfin, le deuxième souvenir, celui d’une crise de fou rire qui s’est avérée presque mortelle, instaure un climat étrange entre le passé et le présent où bonheur et mort viennent se mêler. « Tu as tellement ri que tu nous as fait chavirer. On aurait dû se noyer », dit Nagg. L’éventualité de la mort est conçue comme un irréel du passé, une interruption de la logique survenue dans le passé, c’est-à-dire ce qui aurait pu être et qui n’a pas été, avec la sensation d’un reproche envers le destin, implicitement contenu dans le verbe « devoir ».

Le récit : un détour par la fiction pour échapper au présent

Nagg décide de raconter une énième fois l’histoire du tailleur. La médiation par la narration permet de préserver le contact dans le sens où le narrateur a besoin de l’écoute du destinataire. La parole devient théâtrale puisqu’elle prend en compte le public double que sont Nell et l’ensemble des spectateurs. Nagg se révèle conteur, et donc par là même acteur, prenant la « voix de raconteur », « du tailleur », puis « du client ». La double énonciation a un rôle évident ici : exister, c’est être entendu.
Il dilate son histoire dans la durée, le temps de remarquer la dégradation de son talent de conteur, pour éviter de constater la dégradation de sa vie. La parole narrative se dilue, sans intérêt autre que de faire durer le délai de la confection du tailleur, le délai du déroulement du récit. Il prend soin, dans une logorrhée (flux de paroles inutiles), d’étaler les défauts du pantalon. Variant le vocabulaire en puisant dans les synonymes grossiers du verbe « rater » et évitant toute répétition, son discours varie sur des durées de plus en plus longues, alternant différents tons et prises de parole. Il y a une véritable organisation théâtrale de la prise de parole : de la conversation commerciale au point culminant d’une indignation absurde, Nagg trace une parallèle entre l’œuvre de Dieu et le pantalon du tailleur.
2. Echec et mat
a. Rupture entre les personnages
Désintégration du lien entre les parents : de l’impossible contact au conflit

Les relations entre les parents demeurent entravées par leur enfermement dans des microcosmes, des mondes voisins mais clos, empêchant tout contact entre eux. L’un des deux univers est marqué par l’ordure : celui de Nell, dont la litière est souillée et marquée par la dégradation (de la « sciure » au « sable de la plage » non changé). L’autre univers est celui de la nourriture à travers la réserve de « biscuit ». On peut voir ici l’opposition entre nourriture et excrément.
De plus, si les réactions de Nell débutent par un « Non », et même si celle-ci se laisse vaguement entraînée par le numéro de Nagg, le conflit éclate quand même, ne serait-ce que dans leur réaction. Nell paraît la plus lucide en évoquant « cette comédie » qui se joue « tous les jours ». Elle refuse l’illusion d’une communication-leurre. Malgré le flou référentiel du déterminant démonstratif, le mot « comédie » montre bien que leur vie, leur échange participe d’un faux semblant auquel elle ne porte plus crédit. Nell est également plus lucide envers le passé qu’elle n’enjolive pas comme Nagg. Le bonheur appartient au passé révoluparce que je me sentais heureuse », dit-elle). D’où les didascalies (« Ah hier » ou encore, « Hé oui ») précisant le ton « élégiaque » qu’elle utilise pour répondre de manière lacunaire, à plusieurs reprises (élégie : texte exprimant un sentiment de mélancolie ou de tristesse, lié au deuil, à un amour malheureux…) .
Si Nagg multiplie les fuites devant l’inexorable, Nell aspire à une fin, symboliquement présente dans son évocation du « profond… fond…blanc…net… si blanc …le fond…désert(e)… ». C’est comme si elle aspirait à se laisser engloutir dans un naufrage dont la connotation de pureté et de silence ne manque pas de trancher avec le marasme ambiant (désarroi, découragement, dépression…).
Nell invite au respect de l’envolée lyrique de son fils qui porte « un cœur dans sa tête », parce qu’elle n’est plus aux prises de son présent, dont notamment le conflit avec Nagg.

Rejet des parents par le fils : fracture d’une famille…

Le fils rejette violemment sa famille, inversant les rôles en exigeant leur silence : « Mais taisez-vous, taisez-vous ». Il multiplie les impératifs et les marques de lassitude puis de colère : « Assez ! » Cette fracture, cette rupture du ton manifeste une certaine violence et haine de la situation face au duo pathétique des parents. D’où un épanchement brusque portant sur l’irréalité du présent et d’un rêve d’amour charnel, sur la nature entière (vision globale « ciel-terre »), le mouvement inaccessible de course-poursuite (« courir-suivre-s’enfuir » sont des verbes de mouvements forts et rapides, annihilant son immobilisme, sa paralysie et son âge). Les mots se mêlent et épanchent la folie d’un sursaut, sans doute provoqué par l’excès de vie de ses grabataires de « géniteurs »… Toutefois, le ton finit par monter. De la lassitude, on passe à un personnage « excédé » qui réduit ses parents à l’insulte d’« ordures ». De « Vous n’avez pas fini » à « Ça ne va donc jamais finir », le mépris du fils augmente en représentant ses parents par le pronom indéterminé « ça ». Les parents sont chosifiés en une image régressive traduisant la haine envahissante du fils envers les parents.
b. Vacuité du discours
Polyphonie et désintégration du sujet : le théâtre dans le théâtre

Nell dévoile la comédie qui se joue sur scène comme la comédie de la vie et de l’absurdité de la condition humaine. Nell commente les ressorts de la comédie dans une assertion péremptoire au présent gnomique (vérité générale) qui tisse un lien indéfectible entre tragique et comique : « Rien n’est plus drôle que le malheur » (utilisation d’un vocabulaire avec une forte opposition entre malheur et rire, drôle).
Ainsi la pièce dissèque les ressorts du théâtre et exhibe les rouages d’une comédie, en passant de l’échange des répliques au mécanisme du rire, de l’investissement d’un rôle à l’interprétation. Le sujet se dissout dans la pluralité de ses voix. Le narrateur Nagg s’éparpille entre passé et présent, entre fiction et réalité.

Déficience du langage : échange étrange et décalage, préparation au silence

La mauvaise interprétation des interrogations et l’oubli de l’ordre donné créent un décalage dans un échange où la continuité est difficile à saisir. Avec des questions répondant des non sens ou d’autres questions et des paroles oubliées et laissées en suspens, il semble y avoir, sur la fin, une préparation au silence.
Le dialogue entre les vieillards devient un échange sans réel sens ou importance, où les mots se font écho dans la musicalité des assonances. Peu importe le sens, le dialogue musical prévaut s’il peut cacher le silence latent (l’ambiguïté entre les homophones oui/ouïe crée une équivoque → musicalité des « wa wi on an… »).
Conclusion :
Du duo d’amour au constat : la vie se désagrège. Le passé s’enfuit, l’amour est évacué, l’aspiration vers le néant s’immisce.
Dans cet extrait, l’évocation des ordures envahissant l’espace mime l’imminence d’une fin attendue et redoutée représentée par la désagrégation des corps, de la vie et du sens.

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