1. La distorsion permanente entre les potentiels et la demande
a. Des prélèvements très importants sur
l'ensemble de la planète
Les volumes officiellement comptabilisés indiquent que le
prélèvement total de l'eau, à
l'échelle de la planète est de
3 500 km3 par an et que la consommation est
de l'ordre de 5 000 km3 (soit 70 %).
Cinq Etats effectuent à eux seuls plus de la moitié
des prélèvements mondiaux : Etats-Unis
(467 km3), Chine, Inde, Pakistan et
fédération de Russie (117 km3). Les
prélèvements sont surtout élevés dans
les PED qui ont mis en place une politique de
développement agricole utilisant massivement l'irrigation
(Chine et Inde, Pakistan). Certains pays d'Afrique
prélèvent 0,1 km3/an. La France est
dans une position moyenne avec 40 km3.
b. Un rapport prélèvement/ressources en
défaveur des zones arides
Certains Etats dépassent largement leur capacité
d'approvisionnement en eau : Libye, Arabie Saoudite,
Ouzbékistan prélèvent plus de 100 % de
leur ressources et les Etats d'Asie centrale et du Moyen-Orient
effectuent des prélèvements au-delà de
50 % de leur capacité. Les risques de pénurie
sont très élevés dans la plupart de ces
Etats. Toutefois, des régions disposant de grandes
capacités d'approvisionnement en eau connaissent des
problèmes : pays tropicaux humides, pays industriels
de climat tempéré où la ressource est
particulièrement sollicitée.
2. Une eau sous contrôle pour satisfaire les besoins des
sociétés humaines
a. Le contrôle de la ressource au service des politiques
d'aménagement
Le moyen le plus efficace pour adapter les ressources aux besoins
réels se traduit par la nécessité
d'équiper de barrages les grandes vallées
fluviales. Ainsi, celles des bassins hydrographiques sont
équipées de barrages (65 dans la vallée du
Colorado dont 14 très grands et 7 sur le fleuve
lui-même). Ajoutons les grands canaux de dérivation
vers Los Angeles et San Diego (Californie) à l'ouest et
vers Phoenix et Tucson (Arizona) à l'est. Enfin, des
tunnels de dérivation permettent d'alimenter les villes
(Las Vegas, Reno) et surtout les grands périmètres
irrigués aux Etats-Unis et au Mexique (Imperial Valley).
Retenues et captages prélèvent 96 % des eaux
du fleuve !
b. Le renforcement des déséquilibres entre les
Etats
Les équipements permettent de satisfaire une demande
très forte. Le projet GAP en Turquie, les
équipements en Amérique du Nord (Colorado,
Columbia) ou en Asie (Syr et Amou Daria, barrage des Trois
Gorges) ont des effets contradictoires : parfois, ils
créent une surabondance de la ressource qui favorise le
développement de vallées entières avec leurs
équipements (voirie, santé, écoles... par
exemple en Egypte) selon des logiques cumulatives.
Dans d'autres cas, elles créent la pénurie à
l'aval (vives critiques de l'Irak contre les projets
d'aménagements turcs et syriens sur le Tigre et
l'Euphrate).
Enfin, la modification des usages à l'amont des fleuves
peut créer des risques de pénurie en cas de
modification de l'usage de l'eau. Les projets de
développement au Soudan et en Ethiopie devraient, à
long terme, imposer à l'Egypte de mettre en place une
gestion des eaux prélevées dans le Nil plus
rigoureuse (irrigation plus économe).
3. L'eau entre enjeux de société et enjeux spatiaux
a. Les conflits d'usage
Les conflits d'usage sont au cœur du problème
puisqu'ils illustrent l'inégale accessibilité
à l'eau entre pays partageant un même bassin
versant, une même nappe phréatique ou fossile. Les
conflits entre Etats sont réglés (parfois) par des
conventions bi ou multilatérales (ex.: Etats-Unis et
Mexique pour le Colorado, Canada et Etats-Unis pour la Columbia).
Les premiers accords entre le Mexique et les Etats-Unis datent de
1944 et prévoient que le Colorado conserve un débit
de 35 m3/s au passage de la frontière
(débit naturel à ce point :
665 m3/s). Mais les eaux sont polluées,
saturées d'engrais et de pesticides.
b. La logique de pénurie
Le manque ou l'impression de manque entraîne des situations
de pénurie. Au Moyen-Orient, en Amérique de
l'Ouest, en Asie Centrale, les tensions sont d'autant plus
grandes que l'eau est un moyen de développement
économique – et de développement tout court.
Ces comportements sont plus forts lorsqu'il existe des facteurs
aggravants (aridité et forte évaporation,
concentrations urbaines, recours systématique à
l'irrigation) limitant l'accès à la ressource.
Les Etats et les populations tentent de régler les
tensions nées à la confiscation (réelle ou
crainte) de l'eau en développant des
réglementations internationales (conventions entre Etats
riverains du Rhin, du Danube, du Colorado...). Toutefois, ces
conventions sont souvent au désavantage des pays
situés à l'aval des bassins hydrographiques.
L'essentiel
A l'échelle de la planète, les quantités
d'eau prélevées ne peuvent satisfaire que 70 %
des besoins. Certains Etats dépassent largement leur
capacité d'approvisionnement en eau. Pour adapter les
ressources aux besoins, on équipe les grandes
vallées fluviales (systèmes de barrages,
conduites...) pour alimenter les villes et les
périmètres irrigués. Les
équipements permettent de satisfaire une demande
très forte. Toutefois, l'inégale
accessibilité à l'eau est parfois à
l'origine de conflits d'usage entre pays partageant un
même bassin versant.