1. Des dynamiques humaines opposées
Dans l'esprit d'un citoyen, le milieu urbain repose d'abord sur
l'opposition centre/périphérie. Mais si la
dispersion géographique des habitants selon les
catégories socio-professionnelles en est le digne miroir,
les relations centre/périphérie sont plus
complexes.
a. Un centre, des périphéries ?
Le centre ville est le marqueur psychologique d'un espace
polarisé, celui dans lequel la très grande
majorité des habitants se reconnaît, qu'il s'agisse
d'un monument historique (le Capitole à Toulouse), d'une
place centrale (place Stanislas à Nancy). Le centre ville
est donc le gardien du prestige d'une ville, un
élément de fierté locale.
La forte urbanisation et la tertiarisation de la
société ont accentué les fonctions
métropolitaines des principales villes
françaises : les centres historiques n'ont plus suffi
à contenir l'expression de cette autorité nouvelle
de sorte que des centres de commandement tertiaires sont apparus
dans les faubourgs laissés à l'abandon (Bordeaux,
Lyon, Strasbourg).
A l'occasion de ces opérations urbaines (ZAC), les
banlieues ont explosé à l'extérieur des deux
premières ceintures et depuis 1958, les
périphéries urbaines ne jouissent pas d'une
même égalité : banlieues pavillonnaires
d'un côté et ZUP de l'autre...
b. Dynamiques démographiques et architectoniques
Depuis 1945, les centres villes se dépeuplent et sont
démographiquement dépassés par les
banlieues : 30 millions de Français habitent les
périphéries contre 24 en centre ville. Avant la loi
Malraux de préservation des centres anciens (1962), les
centres villes étaient laissés à l'abandon.
Or, s'ils sont redevenus attractifs, les spéculations
immobilières consécutives aux OPAH en ont
chassé les habitants les plus modestes.
Alors que les centres villes s'embellissaient, des espaces
résidentiels ont été bâtis à la
périphérie des faubourgs. Ces premières ZUP
ont répondu à une demande urbaine
précipitée par les conjonctures économique,
démographique (baby-boom) et historique (rapatriements
d'Algérie). Les périphéries ont alors plus
subi qu'elles n'ont intégré des schémas
d'aménagement urbains concertés et
démocratiques... Au milieu des années 1960, de
nouvelles banlieues pavillonaires sont apparues qui ne se sont
pas substituées au bâti collectif des
premières ZUP mais ont répondu à la
rurbanisation de la société tout en accentuant la
disparité sociale des espaces urbains
périphériques et centraux.
2. La recomposition des espaces urbains
La crise économique et la démocratisation de la
société tentent de gommer ces disparités. La
ville est tout à la fois globalisée (moteur
métropolitain) et éclatée.
a. Une difficile autonomie
Des vies de quartiers, de cités et de banlieues organisent
de nouvelles fonctions urbaines sans que le citoyen ne se
déplace vers le centre de l'agglomération. C'est le
rôle des pouvoirs publics et des collectivités
locales de délocaliser les infrastructures proprement
centrales vers et pour les périphéries. Cette
politique de la ville destinée à servir les
couronnes urbaines extérieures se retourne pourtant contre
son objectif initial : la modernisation des transports
urbains rapproche dans le temps le centre des
périphéries comme elle les éloigne dans
l'espace. Centres et périphéries supportent une
stratification sociale plus aiguë qui en stabilise les
fonctions premières.
b. Les nouvelles banlieues
La rurbanisation a projeté en milieu rural des hommes et
des habitudes proprement urbains. Elle procède d'un
éclatement des villes qui se sont répandues en
tâche d'huile dans l'espace. A l'encontre d'une politique
récente d'aménagement, les
périphéries se spécialisent à
nouveau : comme leurs supports urbains, les grandes usines
ont éclaté en plusieurs unités de production
intégrée situées au sein du flot rurbain.
Plus que jamais, une certaine périphérie est
devenue un espace récréatif pour l'ensemble de
l'agglomération, les couronnes suburbaines accueillent des
technopôles et les villes nouvelles repolarisent l'espace
à la périphérie des banlieues autour de
noeuds de communications et/ou de plates-formes multimodales.
L'essentiel
Au milieu des années 1980, la création d'un
ministère de la Ville fut l'expression politique des
préoccupations posées par la ville, espace de
sauvegarde patrimoniale, de peuplements disparates et de
reconquêtes architecturales. La ville devient alors un
conservatoire, le front pionnier de nouvelles
expériences humaines. La dualité
centre/périphérie est le reflet de ces chantiers.