1. Les villes des PED, lieux de fortes concentrations humaines
a. L'adaptation difficile de la ville à l'explosion
urbaine des dernières années
Près de deux milliards d'humains vivent dans les villes
des PED. L'urbanisation y est rapide : plus de 8,5 %/an
dans des villes telles que Dhaka, Delhi ou Kinshasa, en moyenne,
4,3 %/an en Afrique et 3,2 % en Asie. Les taux
d'urbanisation sont encore modérés pour la plupart
des ensembles continentaux des PED (34 % pour le continent
africain, 25 % pour l'Asie du Sud, 40 % pour l'Asie)
à l'exception de l'Amérique latine (78 %).
Sous les effets de l'exode rural (60 % de l'accroissement
des effectifs urbains) et d'une forte natalité urbaine,
les villes des PED gonflent rapidement et l'insuffisance de la
plupart des équipements urbains est plus forte dans les
périphéries d'implantation récente.
b. La concentration de la pauvreté
Dans les PED, et notamment en Afrique, la croissance urbaine
s'accompagnait d'une réelle amélioration des
conditions de vie. Toutefois, la situation a changé depuis
et selon le BIT (Bureau International du Travail), la
décennie 1990 est une période négative
où le nombre de chômeurs urbains passe en Afrique de
9 à 28 millions dans les villes africaines. De la
même manière en Inde, dans les 9 villes de plus de
2 millions d'habitants, on comptait en 1991 plus de
17 millions de personnes vivant dans les bidonvilles, avec
des densités pouvant atteindre
200 000 hab./km2 (ex. : Dharavi
à Bombay, Pilkhana à Calcutta). Le tiers de la
population de Manille et de Bangkok vit dans des zones de
villages « sous-intégrés » ou
dans des zones de squatters. La paupérisation est
élevée (50 % des habitants d'Accra, 75 %
des habitants de Lusaka vivent en dessous du seuil de
pauvreté), ce qui a des effets directs sur les
restrictions alimentaires (la plupart des habitants de Kinshasa
ne prennent plus qu'un repas par jour).
2. Le poids de l'économie informelle dans les
villes des PED
a. Le développement des activités
Les décolonisations ont favorisé dans bien des cas
le développement des emplois publics et parapublics qui se
sont diversifiés dans le tertiaire international (les CBD
dans les villes africaines – Johannesburg,
10e bourse mondiale des valeurs – ou les
villes asiatiques, les tours jumelles Petronas à Kuala
Lumpur en sont la forme la plus aboutie). Les cultures
d'exportation ont permis le renforcement de l'équipement
des zones portuaires et industrielles (villes portuaires
africaines) tandis que l'industrie se développait (villes
sud-américaines). Si les villes d'Asie du Sud et du
Sud-Est servent souvent d'ateliers pour des FMN, l'industrie
s'est développée en Afrique surtout dans le cadre
de l'agroalimentaire – rare secteur d'exportation –
bien présente à Douala ou Abidjan (café en
poudre, chocolaterie, huilerie, conserverie).
b. La place de l'économie informelle
Partout, la croissance rapide a dépassé les
capacités d'organisation des Etats et les capacités
d'intégration de ces populations dans l'économie,
d'où le développement d'une économie
informelle (souvent complétée par un habitat
informel). A cela, il faut ajouter les réductions
d'activités (ex. : à Abidjan, entre 1983 et
1993, la ville a perdu 15 000 postes de travail). Le
BIT estime que 60 % des emplois urbains de l'Afrique
subsaharienne relèvent de l'informel. Il peut prendre des
formes variées : petits métiers,
micro-commerce, artisanat de récupération...
jusqu'aux activités illégales. Cette
économie informelle met à portée d'une
clientèle peu aisée des objets en rapport avec son
pouvoir d'achat.
3. La concentration de la pauvreté ne freine pas
l'émergence des cultures urbaines
a. Les problèmes majeurs : santé et violence
En dehors des secteurs d'habitation disposant de tous les
équipements urbains, le regroupement à la
périphérie des villes est problématique.
L'absence de réseau d'adduction d'eau et de système
de collecte des eaux usées est responsable d'une
insuffisance sanitaire (forte mortalité infantile,
altération de la qualité sanitaire des nappes
phréatiques, paludisme, risque de choléra).
Les maladies (ex. : sida) sont un second problème
puisque les villes des PED (et surtout dans les quartiers les
plus pauvres) présentent les conditions favorables
à la diffusion des agents pathogènes. Enfin, lieu
privilégié du pouvoir, les métropoles
(Amérique latine, Afrique et dans une moindre mesure,
Asie) sont également un lieu de prédilection de
tous les affrontements (entre factions politiques :
Brazzaville, Mogadiscio).
b. La création de cultures urbaines
Le regroupement de populations d'origines différentes a
des effets contradictoires. La ville est avant tout un espace de
rencontres, d'échanges entre différents groupes
dans des lieux de socialisation tels que les marchés
(souks des villes orientales ou marchés urbains),
les lieux de culte, les lieux de vie nocturne.
Les villes sont également un lieu de création
artistique, notamment musical (raï algérien ou rumba
congolaise). Enfin, la fonction médiatique des villes est
également très importante car elle exerce une
action de longue durée. La radio est très
développée et la télévision est
encore l'apanage des villes.
L'essentiel
Les villes des PED ont connu une croissance exceptionnelle dans
les vingt-cinq dernières années. Les apports de
population ont dépassé les possibilités de
leur intégration économique et urbaine. L'ouverture
aux marchés mondiaux et ses effets sur l'emploi, les
insuffisances – ou les lenteurs – de gestion par les
pouvoirs publics ont contribué à l'apparition de
« l'informel » (autant du point de vue des
activités économiques que du bâti). Les
espaces « urbains » concentrent les problèmes
sanitaires, politiques, économiques mais apparaissent
malgré tout comme des milieux dynamiques, créateurs
de nouvelles cultures urbaines et de sociabilité.