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Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ?

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Les formes contemporaines de la médecine et les diverses techniques du vivant tendent à identifier le vivant à un simple mécanisme – ce qui revient à nier sa spécificité, considérant que c’est à partir de ce modèle de la machine que le vivant peut accéder au rang d’objet de connaissance.
Cependant, si cette assimilation s’avère féconde en matière de recherche, elle comporte un certain nombre de limites, notamment sur un plan éthique : cette assimilation ne constitue-t-elle pas en réalité une réduction ? Il est par conséquent nécessaire de redéfinir la relation étroite et complexe qu’entretiennent le vivant et la machine.

1. La technique comme imitation de la nature
a. Antériorité de la nature par rapport à la technique
C’est à partir de ses besoins – et des insuffisances de la nature – que l’homme conçoit et produit des objets techniques. Par ailleurs, c’est la compréhension de la production naturelle qui rend la technique possible et, de toutes les façons, l’homme n’a d’autre possibilité dans cette entreprise que d’utiliser, pour les transformer, les matériaux naturels.

Dès lors, on peut, avec Aristote, considérer que « la technique imite et accomplit la nature ». Elle l’imite en ce sens qu’elle reprend à son compte les processus propres à la nature : la machine est, comme l’organisme, agencé de façon à ce que ses différentes parties concourent au fonctionnement du tout. Et il y a bien accomplissement puisque c’est pour accroître et perfectionner les forces déjà présentes dans la nature que la technique œuvre.

Dans cette perspective, la machine peut être assimilée à un être vivant, dans la mesure où l'on considère que la technique prolonge la nature.
b. La spécificité du vivant
Ceci dit, quelque soit le degré de perfection de la machine, il n’en demeure pas moins, entre celle-ci et un organisme, une différence irréductible qui est une différence, non de degré, mais de nature. Elle se situe à deux niveaux étroitement liés entre eux.

• D’une part, contrairement à l’objet technique qui est produit par quelqu'un (artisan, ingénieur…), et a donc le principe de son unité et de son organisation en dehors de lui, le vivant a ceci en propre que le principe de son unité lui est interne : il est organisé selon un principe de finalité interne : « Chaque être vivant est un système clos de phénomènes, incapable d'interférer avec d'autres systèmes. Changement continu d'aspect, irréversibilité des phénomènes, individualité parfaite d'une série enfermée en elle-même, voilà les caractères extérieurs (réels ou apparents, peu importe) qui distinguent le vivant du simple mécanique », écrit Bergson (dans Le Rire, chap. 2, 1900).

• D’autre part, et c’en est la conséquence directe, le principe de mouvement (croissance, mobilité, autorégulation…) du vivant est interne, tandis que la machine demeure, dans son fonctionnement, irrémédiablement tributaire de son concepteur (si la machine tombe en panne, elle ne peut pas se réparer elle-même).
Il y a donc une originalité de l’être vivant, qui est l’archétype de toute production humaine.

2. L’animal-machine
a. Identité de structure entre l’être vivant et la machine
Envisager cette originalité du vivant dans la spontanéité de son mouvement c’est, du même coup, postuler qu’il y a une indissoluble unité entre sa matière et sa forme, et donc la présence d’un principe de vie, une « âme » (un être vivant est dit être « animé »).

Or, dans une démarche scientifique, un tel présupposé est problématique, car ce principe d’une finalité naturelle et interne, assimilé à l’âme, est substantiellement différent de la matière qui est la substance de tout corps. Dès lors, il est nécessaire, comme le montre Descartes, fondateur de la science moderne, de dissocier radicalement la matière et l’esprit, et d’analyser les corps, qu’ils soient naturels ou artificiels, sans aucun recours à la notion d’âme. C’est donc le principe même d’une finalité naturelle qui se trouve récusé.

Or, ce faisant, c’est la différence même entre un organisme et une machine qui se trouve être abolie, tous deux se retrouvant unis sous un même dénominateur commun, le mécanisme. L’être vivant est donc non seulement mis sur le même plan que la machine, mais compris à partir de celle-ci, puisque c’est le modèle mécaniste qui prévaut, la finalité ayant été exclue du champ de la science physique.

Dans cette perspective, Julien Offray de La Mettrie va adopter la théorie cartésienne de l'animal-machine, en l'appliquant à l'homme. Dans L'homme-Machine (1947), La Mettrie explique que le corps humain est « une machine qui monte elle-même sur ses ressorts : vivante image du mouvement perpétuel ». Descartes distingue l'homme, constitué d'une âme et d'un corps (c'est le « dualisme »), de l'animal, qui, non pourvu d'une âme, peut être assimilé à une machine. À son contraire, La Mettrie estime que le corps et l'âme sont une même totalité (c'est le « monisme ») : « L'homme n'est pas pétri d'un limon plus précieux ; la Nature n'a employé qu'une seule et même pâte, dont elle a seulement varié les levains ». Les animaux sont donc identiques aux hommes. La Mettrie fera scandale en affirmant qu'il doit être possible d'apprendre à parler aux grands singes. Ceci montre bien que, dans le cadre épistémologique de la science moderne, c’est la machine qui sert à penser le vivant.
b. Fécondité épistémologique de cette théorie
L’adoption de ce schème mécaniste dans le déchiffrage du vivant va de pair avec une conception de la production humaine et un interventionnisme qui sont ceux d’une attitude opératoire. Il s’agit de « se rendre comme maître et possesseur de la nature » (Descartes), et dans cette mesure d’accroître considérablement le champ d’action de l’homme sur le vivant lui-même, d’où d’importants progrès techniques dans des domaines comme la médecine (par exemple dans la pratique de la greffe), l’agriculture ou encore dans les diverses exploitations des ressources naturelles.

3. La complémentarité entre la machine et l’être vivant
a. La finalité comme Idée régulatrice
S’il y a une spécificité de l’être vivant, elle ne peut apparaître qu’en comparaison avec la machine. Celle-ci demeure en effet un mécanisme dans lequel les parties existent les unes pour les autres, et non, comme dans un organisme, les unes par les autres, et en ceci elle ne peut permettre de rendre intelligible la structure du vivant.

Kant, dans la Critique de la faculté de juger (1790), montre que les lois mécaniques ne suffisent pas à expliquer intégralement l'organisation des êtres vivants ; le mécanisme ne suffit pas à expliquer la vie. Une montre, par exemple, ne peut se réparer elle-même, explique Kant. C'est pourquoi Kant évoque l'« énergie formatrice » propre au vivant ou à la vie. Il faut donc continuer d'avoir recours à l'idée de « finalité », laquelle est toujours capable de rendre compte de la spécificité des phénomènes de la vie.

Dès lors, mécanisme et finalité ne sont pas incompatibles, mais complémentaires, puisque le mécanisme propre au vivant doit être déchiffré à la lumière de la finalité.
b. Nécessité d’une éthique du vivant
La technique renvoyant par essence à l’utilité, la machine est alors réduite à sa fonction, elle-même définie par rapport à cette utilité. Autrement dit, la machine n’a jamais sa fin en elle-même, elle demeure un moyen, en vue d'une fin.

L’assimilation du vivant à une machine, en particulier lorsqu’il s’agit d’un être vivant conscient et doué de raison comme l’est l’être humain, s’avère dangereuse d’un point de vue éthique. Elle rend en effet possible une instrumentalisation ainsi qu’une fabrique du vivant, et ces possibilités techniques doivent être régulées et limitées par une réflexion de type moral visant à maintenir une valeur intrinsèque au vivant, et à ne pas perdre de vue la respectabilité absolue de l’homme.

La technique doit être subordonné à une éthique qu'il s'agit d'établir, afin que certains principes universels, liés au respect de la vie, puissent réguler l'usage que la technique peut faire du vivant.

Pour aller plus loin
Aristote, Physique et Parties des animaux.

Descartes, Méditations métaphysiques, Principes de la philosophie, Discours de la méthode.

Julien Offray de La Mettrie, L’homme-Machine.

Kant, Critique de la faculté de juger.

Georges Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences.

Claude Bernard, Introduction à l’étude de la science expérimentale.

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