1. Moine, médecin, juriste et écrivain...
On ne sait pas grand-chose de l'enfance et de la jeunesse de
François Rabelais (1483 ou 1494-1553), si ce n'est qu'il
est né près de Chinon à la fin du
XV
e siècle. On trouve sa trace
en 1510 : il est alors novice dans un couvent
franciscain près d'Angers ; puis en 1521, il est
moine cordelier (franciscain) en Vendée ; mais
les autorités religieuses interdisant la lecture de livres
grecs, il préfère partir. Devenu
bénédictin dans un couvent du Poitou en 1524,
il assiste l'évêque du lieu et
étudie le
droit.
En 1530, il quitte l'habit de moine, part à Montpellier
étudier la médecine et s'installe à
Lyon pour exercer son nouveau métier. Là, il se
lie avec la société intellectuelle et correspond
avec Didier Erasme, un grand humaniste de
l'époque.
En 1532, tout en menant sa carrière brillante de
médecin, il fait paraître, sous le pseudonyme
d'Alcofribas Nasier (anagramme de son nom), Les Horribles et Epouvantables Faits
et Prouesses du très renommé
Pantagruel, roi des Dipsodes, l'histoire
d'un géant, inspirée d'un personnage populaire de
la littérature du Moyen Age. Les
autorités religieuses condamnent immédiatement
cet ouvrage qui est jugé obscène.
Il en est de même pour la suite des aventures de ses
géants : La Vie
très horrifique du grand Gargantua
en 1534, Le Tiers Livre
des faits et dits héroïques du bon
Pantagruel en 1546, Le Quart Livre en 1552 et
Le Cinquième
Livre en 1564, dont l'authenticité n'est
pas assurée.
Devenu le médecin personnel de Jean du Bellay,
évêque de Paris, il le suit à Rome pour de
longs séjours, mais c'est à Paris qu'il
s'éteint en 1553.
2. Une oeuvre de cinq livres
L'oeuvre de François Rabelais est centrée sur la
vie et les
aventures de deux géants, Gargantua et
son fils Pantagruel.
Pantagruel narre la naissance et la
jeunesse du géant du même nom, sa formation, sa
rencontre avec Panurge et la guerre qu'ils mènent contre
les Dipsodes, envahisseurs du royaume de Gargantua, père
de Pantagruel. Après avoir raconté les
débuts du fils, il décrit dans
Gargantua l'enfance et l'éducation
du père du géant, ses prouesses guerrières
et sa fondation de l'abbaye de Thélème où la
seule règle est : « Fay ce que
vouldras. »
Le Tiers Livre et
Le Quart Livre font
suite à Pantagruel,
mais sans qu'il soit véritablement question de
géants : éloge des dettes et du
« pantagruélion » - herbe
mystérieuse aux vertus singulières -,
consultations de savants pour savoir si Panurge peut se marier
sans risques et de l'oracle de la Dive Bouteille. Rabelais
abandonne le récit des aventures de ses géants
pour proposer sur le mode du rire une réflexion sur
les préoccupations de son temps.
Dans Le Cinquième
Livre, on retrouve Pantagruel et ses compagnons
qui, au terme de leur voyage, rencontrent la pontife Bacbuc.
3. Une oeuvre humaniste
Cette oeuvre foisonnante, dans laquelle on ne trouve aucun souci
de vraisemblance ni de cohérence de l'intrigue, traduit
les préoccupations d'un mouvement de pensée
qui domine l'époque, l'humanisme.
a. Connaissance et éducation
A travers le récit de la vie de Gargantua et de
Pantagruel, Rabelais peint l'idéal d'une
connaissance qui doit être universelle :
elle doit toucher tous les temps et tous les domaines
(géographie, botanique, médecine...) et doit passer
par une observation concrète. Critiquant les
méthodes trop formelles de l'éducation de
l'époque, il décrit un programme d'éducation
qui puisse amener un prince humaniste à l'exercice du
pouvoir : tâches royales étendues même en
matière religieuse, pacifisme, responsabilité
économique. L'auteur veut, par la fiction des
géants, former les futurs acteurs de la
société de la Renaissance.
b. La critique de la religion
OEuvre d'un moine, les cinq livres de Rabelais n'en sont pas
moins une féroce satire du catholicisme :
railleries contre les moines et les monastères, critiques
des dogmes et des rites présentés comme des
superstitions... Mais Rabelais donne à ses héros
une solide formation religieuse : celle-ci naît de la
lecture des textes sacrés et nécessite le
détachement des biens matériels de l'Eglise et une
plus grande liberté par rapport à Rome, dont
Rabelais critique la toute-puissance : c'est donc dans le
courant des premiers réformateurs de l'Eglise que
s'inscrit l'auteur.
c. « Pour ce que rire est le propre de
l'homme »
L'oeuvre de Rabelais est dominée par la
démesure. Raconter l'histoire de
deux géants, c'est choisir de grossir les effets, de
faire rire par une parodie grossière et de
souligner l'absurdité de telle ou telle situation, mais
aussi par le comique qui s'en dégage. Le
grotesque (hauts faits traités sur le mode
bouffon), les tons et les registres de langue contrastés,
les jeux de mots, les accumulations délirantes, tous ces
procédés servent la philosophie et le projet de
Rabelais ; celui qui affirme dans l'avis « Aux
lecteurs » de Gargantua :
« Voyant le dueil [deuil] qui vous mine et vous
consomme [consume] :
Mieulx est de ris [rire] que de larmes escripre
[écrire],
Pour ce que [parce que] rire est le propre de
l'homme »,
veut, par la fantaisie, délivrer un message
sérieux - celui de l'humanisme.
L'essentiel
Rabelais est un auteur du début du XVIe
siècle. Celui qui fut moine, médecin, juriste est
aussi l'auteur d'une grande oeuvre comique mettant en
scène les aventures de deux géants,
Pantagruel et Gargantua. Dominée par le comique et par
une fantaisie bouffonne et parfois grossière, cette
oeuvre est le reflet des préoccupations
humanistes de l'auteur.