Montage et studios (final cut)
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Objectif :
Envisager la question du montage des œuvres des grands
studios américains ; Déterminer
précisément leur liberté
créatrice.
La création d'une œuvre cinématographique
requiert la participation d'un certain nombre d'individus et
avec eux s'immiscent des responsabilités, des temps de
travail, au sein d'un processus général
très variable d'un film à l'autre. Mais
malgré ces différences sur lesquelles des
hiérarchies s'établissent, il reste difficile de
désigner le véritable auteur d'une œuvre de
cinéma. Et plus l'organisation d'un tel travail est
importante sur le modèle industriel, plus trouble encore
devient cette figure d'auteur.
1. L'auteur et les majors
Des années 1920 aux années 1950 s'imposent
à Hollywood les plus grands studios de
production cinématographique. Ils se composent de
5 majors (la MGM,
la Paramount, la
Warner, la
Fox et la
RKO) et de 3
minors (Universal,
Columbia et
United Artists). Ce sont
de véritables petites villes qui disposent de leur
propre matériel, de leurs propres techniciens et
artistes qui signent majoritairement des contrats pour
plusieurs films.
Le producteur est souvent à l'origine d'un projet (qu'on peut lui avoir confié). S'il s'agit d'une adaptation, il acquiert les droits du roman, s'il ne possède qu'un plan d'histoire, il le fait développer par des écrivains. La distribution est déjà pressentie, les acteurs et actrices qui vont interpréter les rôles principaux sont contactés. Les scénaristes, réalisateurs, dialoguistes sont désignés : ils élaborent le scénario, le découpage et les dialogues. On choisit alors le chef opérateur, le décorateur, le monteur et tous ceux qui vont contribuer à la création (matérialisation) proprement dite. En fin de parcours, on prendra même en charge la distribution et l'exploitation des films.
Dans ces studios, le processus de création d'une œuvre cinématographique est donc à la fois articulé, réparti, centralisé et hiérarchisé. Le producteur supervise l'ensemble des opérations, il est l'autorité suprême, il conserve l'essentiel du pouvoir de décision, mais n'a pas de contact direct avec l'œuvre et n'est en aucun cas l'auteur.
Qui est donc l'auteur ? À force de diviser le travail et d'imposer à l'ensemble des techniciens un strict respect des consignes, ne risque-t-on pas d'en supprimer la figure ? De plus, en refusant la présence d'un auteur véritable, en se privant du même coup de sa sensibilité personnelle, ne risque-t-on pas de diluer les oeuvres dans une série d'opérations contrôlées qui ne feront qu'encourager leur propre standardisation ?
Pour des raisons commerciales, les studios ont voulu imposer dans leurs productions une signature personnelle. Ils y sont parvenus en s'assurant les services de techniciens à l'esthétique forte et de stars appréciées du public.
Au cours des années 1930 à Hollywood (l'âge classique du Studio System), la MGM fait signer Clark Gable, Joan Crawford, Greta Garbo et emploie un décorateur au style marqué (Cédric Gibbons) ; la Paramount, dont les films ont un éclairage très particulier engage Marlène Dietrich et Gary Cooper ; la Warner Bros, spécialiste des dialogues et montages très rythmés, emploie de son côté Bette Davis, James Cagney et Humphrey Bogart. La RKO trouve une unité dans le travail de Van Nest Polglase, maître de l'Art Déco blanc et noir. Chez Universal (une des trois minors), on apprécie la qualité expressionniste « UFA » des images de Hans Dreier. La standardisation est alors évitée. Néanmoins, tout se complique quand les acteurs, réalisateurs et techniciens changent de studio.
La fabrication industrielle des films n'empêche pas l'émergence de véritables identités artistiques.
Selon Jean Mitry, l'auteur d'un film serait la personnalité la plus forte de tout le processus de création, capable d'imposer son style. « Douze hommes en colère » serait un film de scénariste, « Rio Bravo » une œuvre de metteur en scène. L'auteur serait alors le vainqueur d'une lutte d'influences décisive. Ce combat fut d'abord et avant tout celui que se sont menés producteurs et réalisateurs.
Le producteur est souvent à l'origine d'un projet (qu'on peut lui avoir confié). S'il s'agit d'une adaptation, il acquiert les droits du roman, s'il ne possède qu'un plan d'histoire, il le fait développer par des écrivains. La distribution est déjà pressentie, les acteurs et actrices qui vont interpréter les rôles principaux sont contactés. Les scénaristes, réalisateurs, dialoguistes sont désignés : ils élaborent le scénario, le découpage et les dialogues. On choisit alors le chef opérateur, le décorateur, le monteur et tous ceux qui vont contribuer à la création (matérialisation) proprement dite. En fin de parcours, on prendra même en charge la distribution et l'exploitation des films.
Dans ces studios, le processus de création d'une œuvre cinématographique est donc à la fois articulé, réparti, centralisé et hiérarchisé. Le producteur supervise l'ensemble des opérations, il est l'autorité suprême, il conserve l'essentiel du pouvoir de décision, mais n'a pas de contact direct avec l'œuvre et n'est en aucun cas l'auteur.
Qui est donc l'auteur ? À force de diviser le travail et d'imposer à l'ensemble des techniciens un strict respect des consignes, ne risque-t-on pas d'en supprimer la figure ? De plus, en refusant la présence d'un auteur véritable, en se privant du même coup de sa sensibilité personnelle, ne risque-t-on pas de diluer les oeuvres dans une série d'opérations contrôlées qui ne feront qu'encourager leur propre standardisation ?
Pour des raisons commerciales, les studios ont voulu imposer dans leurs productions une signature personnelle. Ils y sont parvenus en s'assurant les services de techniciens à l'esthétique forte et de stars appréciées du public.
Au cours des années 1930 à Hollywood (l'âge classique du Studio System), la MGM fait signer Clark Gable, Joan Crawford, Greta Garbo et emploie un décorateur au style marqué (Cédric Gibbons) ; la Paramount, dont les films ont un éclairage très particulier engage Marlène Dietrich et Gary Cooper ; la Warner Bros, spécialiste des dialogues et montages très rythmés, emploie de son côté Bette Davis, James Cagney et Humphrey Bogart. La RKO trouve une unité dans le travail de Van Nest Polglase, maître de l'Art Déco blanc et noir. Chez Universal (une des trois minors), on apprécie la qualité expressionniste « UFA » des images de Hans Dreier. La standardisation est alors évitée. Néanmoins, tout se complique quand les acteurs, réalisateurs et techniciens changent de studio.
La fabrication industrielle des films n'empêche pas l'émergence de véritables identités artistiques.
Selon Jean Mitry, l'auteur d'un film serait la personnalité la plus forte de tout le processus de création, capable d'imposer son style. « Douze hommes en colère » serait un film de scénariste, « Rio Bravo » une œuvre de metteur en scène. L'auteur serait alors le vainqueur d'une lutte d'influences décisive. Ce combat fut d'abord et avant tout celui que se sont menés producteurs et réalisateurs.
2. Montage
Par le montage, l'œuvre trouve non seulement sa
forme et son sens, mais aussi son principal
auteur. Un examen du montage tel qu'il est pratiqué
par les grands studios hollywoodiens devient dès
lors fondamental.
En effet, de quelle manière le montage peut-il s'imposer dans une économie générale de studios qui divise le travail pour qu'aucune initiative ne puisse s'opposer à celle du producteur ? Très logiquement, en étant soumis aux prescriptions du producteur.
Le montage devient alors le biais par lequel un producteur récupère et arrange l'œuvre d'un réalisateur. Tout réalisateur qui voudra rester maître de son œuvre et contrôler son montage entretiendra à coup sûr des rapports conflictuels avec les studios. Les exemples sont légion. À moins qu'il ne jouisse d'une notoriété suffisante pour signer des contrats qui lui garantissent le montage final, le final cut (Hitchcock l'obtient par exemple pour « La mort aux trousses » chez la MGM).
Ces contrats ne sont pas assurés, en particulier lorsque le cinéma en est à ses débuts. Ainsi Chaplin intente-t-il un procès à Essanay en 1916 pour avoir doublé la durée de son « Carmen ». Il perd ce procès. Les propriétés morales ou artistiques ne sont encore pas d'actualité. En France, Jean Vigo est dépossédé de son « Atalante » en 1934 : le film est remonté et va jusqu'à changer de titre pour devenir « Le chaland qui passe ».
Il restait toutefois possible pour certains réalisateurs ingénieux d'imposer leur propre montage aux studios sans disposer toutefois du final cut : Hitchcock faisait en sorte de ne filmer que de petits fragments de pellicule impossibles à organiser sans lui.
Les consignes de filmage des studios étaient très claires, il fallait filmer chaque scène plusieurs fois sous différents plans pour amplifier les choix possibles au montage. Cela n'empêchait pas les cinéastes audacieux de ne filmer que le strict nécessaire pour qu'aucune modification ne puisse être effectuée au montage.
Outre ces quelques ressources, les réalisateurs étaient souvent peu consultés au moment du montage, d'où les résultats désastreux qu'ils ont dus constater. Orson Welles, après « Citizen Kane », n'a plus bénéficié d'aucun droit sur les montages de ses films. Aussi « La splendeur des Amberson » a-t-elle été massacrée par les studios. L'exemple de Welles est d'autant plus éloquent que ce dernier accordait la plus grande importance au montage et qu'il ne pouvait être lui-même considéré comme un vulgaire exécutant. Mais dans ce cas, plus encore que deux personnalités (celle du producteur et celle du cinéaste), c'était deux conceptions du cinéma qui s'opposaient.
Dans une perspective exclusivement économique et industrielle, les studios devaient faire en sorte que les films soient rentables, qu'ils soient vus par le plus grand nombre, et qu'ils soient donc compréhensibles et divertissants (tels étaient les objectifs assignés au montage). Dans une logique artistique, le montage permettait d'entrer dans des considérations complètement différentes : il fallait qu'il soit artistique, expressif, et non soumis par exemple à un épilogue heureux.
En effet, de quelle manière le montage peut-il s'imposer dans une économie générale de studios qui divise le travail pour qu'aucune initiative ne puisse s'opposer à celle du producteur ? Très logiquement, en étant soumis aux prescriptions du producteur.
Le montage devient alors le biais par lequel un producteur récupère et arrange l'œuvre d'un réalisateur. Tout réalisateur qui voudra rester maître de son œuvre et contrôler son montage entretiendra à coup sûr des rapports conflictuels avec les studios. Les exemples sont légion. À moins qu'il ne jouisse d'une notoriété suffisante pour signer des contrats qui lui garantissent le montage final, le final cut (Hitchcock l'obtient par exemple pour « La mort aux trousses » chez la MGM).
Ces contrats ne sont pas assurés, en particulier lorsque le cinéma en est à ses débuts. Ainsi Chaplin intente-t-il un procès à Essanay en 1916 pour avoir doublé la durée de son « Carmen ». Il perd ce procès. Les propriétés morales ou artistiques ne sont encore pas d'actualité. En France, Jean Vigo est dépossédé de son « Atalante » en 1934 : le film est remonté et va jusqu'à changer de titre pour devenir « Le chaland qui passe ».
Il restait toutefois possible pour certains réalisateurs ingénieux d'imposer leur propre montage aux studios sans disposer toutefois du final cut : Hitchcock faisait en sorte de ne filmer que de petits fragments de pellicule impossibles à organiser sans lui.
Les consignes de filmage des studios étaient très claires, il fallait filmer chaque scène plusieurs fois sous différents plans pour amplifier les choix possibles au montage. Cela n'empêchait pas les cinéastes audacieux de ne filmer que le strict nécessaire pour qu'aucune modification ne puisse être effectuée au montage.
Outre ces quelques ressources, les réalisateurs étaient souvent peu consultés au moment du montage, d'où les résultats désastreux qu'ils ont dus constater. Orson Welles, après « Citizen Kane », n'a plus bénéficié d'aucun droit sur les montages de ses films. Aussi « La splendeur des Amberson » a-t-elle été massacrée par les studios. L'exemple de Welles est d'autant plus éloquent que ce dernier accordait la plus grande importance au montage et qu'il ne pouvait être lui-même considéré comme un vulgaire exécutant. Mais dans ce cas, plus encore que deux personnalités (celle du producteur et celle du cinéaste), c'était deux conceptions du cinéma qui s'opposaient.
Dans une perspective exclusivement économique et industrielle, les studios devaient faire en sorte que les films soient rentables, qu'ils soient vus par le plus grand nombre, et qu'ils soient donc compréhensibles et divertissants (tels étaient les objectifs assignés au montage). Dans une logique artistique, le montage permettait d'entrer dans des considérations complètement différentes : il fallait qu'il soit artistique, expressif, et non soumis par exemple à un épilogue heureux.
L'essentiel
Au sein des grands studios américains,
particulièrement à l'époque du studio
system, la fabrication d'un film est un processus qui exige
une extrême division du travail et un contrôle
absolu du producteur. Si le réalisateur préside
à aux opérations artistiques (éclairage,
décor, direction d'acteurs etc.), c'est le producteur
qui a le dernier mot à l'autre bout de la
chaîne. En cas de profond désaccord entre les
deux parties, la salle de montage devient un véritable
enjeu stratégique décisif pour le
résultat final.
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