Les liaisons dangereuses : un roman épistolaire
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Objectifs :
- Montrer comment Laclos reprend un genre à la mode au 18e siècle, tout en le conduisant à sa perfection.
- Montrer (à partir de l’article de Jean Rousset sur Les Liaisons dangereuses dans Forme et signification, Corti, 1962) comment Laclos réussit à faire parfaitement coïncider la forme épistolaire avec son contenu.
- Montrer comment Laclos reprend un genre à la mode au 18e siècle, tout en le conduisant à sa perfection.
- Montrer (à partir de l’article de Jean Rousset sur Les Liaisons dangereuses dans Forme et signification, Corti, 1962) comment Laclos réussit à faire parfaitement coïncider la forme épistolaire avec son contenu.
1. Un choix qui correspond à une mode
a. Un genre en pleine expansion
Si Montesquieu ouvre la voie avec les
Lettres persanes en 1721, le roman épistolaire se
développe plus particulièrement dans la seconde
moitié du siècle, avec l’engouement
provoqué par Clarisse Harlowe (1748) de
l’écrivain anglais Richardson. Ce
roman influencera aussi bien l’œuvre de
Crébillon (Lettres de la Duchesse en 1768, sans
grand succès en France), que le roman épistolaire
de Rousseau, Julie ou la nouvelle
Héloïse (1761) et
Les Liaisons dangereuses
de Laclos qui apparaît, à maints
égards, comme une « Héloïse
inversée » (Rousset).
(En note : Laclos, qui était un grand admirateur
de Rousseau, semble poursuivre la tradition morale, en
présentant aux lecteurs, non pas un éloge de la
vertu mais une critique des libertins. La Marquise apparaît
ainsi comme l’image négative de Julie et Valmont
l’exact contre-pied de Saint-Preux.)
b. Un genre en quête de la vraisemblance
Le développement du roman par lettres au
18e siècle s’explique, en partie,
par la volonté de renouveler le genre romanesque en
présentant la fiction comme authentique.
Il correspond de fait, à une pratique
répandue dans la noblesse en
général et chez les gens de lettres en particulier
(comme en témoignent par exemple l’immense
correspondance de Voltaire ou celle de Diderot) et à un
goût prononcé, à l’époque,
pour l’art de la conversation.
c. Les Liaisons dangereuses : illustration parfaite du genre
Laclos, fidèle à la tradition du genre, exploite de
manière particulièrement habile les
différents procédés qui visent à
accréditer, c’est-à-dire rendre
vraisemblable, la correspondance.
• Au niveau du paratexte :
- le titre des Liaisons dangereuses est suivi d’un sous-titre qui feint de présenter le livre comme véridique : « ou LETTRES Recueillies dans une Société et publiées pour l’instruction de quelques autres » ;
- le recueil est encadré par un avertissement et une note de l’éditeur qui présentent plutôt le livre comme un roman (« ce n’est qu’un roman »), mais ceux-ci semblent aussitôt contredits par la préface et une série de notes du rédacteur qui insistent au contraire sur l’authenticité du recueil et son utilité.
Ces préambules qui oscillent entre le vrai et le faux, cherchent à brouiller le lecteur qui n’est cependant pas dupe car familier de ce genre de mises en scène, fréquentes à l’époque.
• Au sein de la correspondance :
Laclos multiplie les allusions à la matérialité de la lettre :
- il précise les circonstances de sa rédaction : « à un secrétaire très joli » (Cécile Volanges à Sophie Carnay [L1]) ou sur le dos d’Emilie la courtisane, qui sert de pupitre à Valmont [L48] ;
- il précise aussi son processus d’acheminement : tantôt la lettre est remise en cachette (glissée furtivement dans une main ou entre les cordes d’une harpe [L18]), tantôt cachetée et postée dans la boîte à lettres officielle du château de Mme de Rosemonde [L34], tantôt dérobée ou volée [L44].
L’auteur respecte également le délai de réception qui justifie en partie l’agencement des lettres.
Si Laclos réutilise toutes les ficelles d’un genre en vogue à l’époque, il hisse « à sa perfection la technique épistolaire » (Rousset) et offre au genre l’un de ses plus grands chefs d’œuvre. Sa réussite tient en particulier à un accord parfait du fond et de la forme.
• Au niveau du paratexte :
- le titre des Liaisons dangereuses est suivi d’un sous-titre qui feint de présenter le livre comme véridique : « ou LETTRES Recueillies dans une Société et publiées pour l’instruction de quelques autres » ;
- le recueil est encadré par un avertissement et une note de l’éditeur qui présentent plutôt le livre comme un roman (« ce n’est qu’un roman »), mais ceux-ci semblent aussitôt contredits par la préface et une série de notes du rédacteur qui insistent au contraire sur l’authenticité du recueil et son utilité.
Ces préambules qui oscillent entre le vrai et le faux, cherchent à brouiller le lecteur qui n’est cependant pas dupe car familier de ce genre de mises en scène, fréquentes à l’époque.
• Au sein de la correspondance :
Laclos multiplie les allusions à la matérialité de la lettre :
- il précise les circonstances de sa rédaction : « à un secrétaire très joli » (Cécile Volanges à Sophie Carnay [L1]) ou sur le dos d’Emilie la courtisane, qui sert de pupitre à Valmont [L48] ;
- il précise aussi son processus d’acheminement : tantôt la lettre est remise en cachette (glissée furtivement dans une main ou entre les cordes d’une harpe [L18]), tantôt cachetée et postée dans la boîte à lettres officielle du château de Mme de Rosemonde [L34], tantôt dérobée ou volée [L44].
L’auteur respecte également le délai de réception qui justifie en partie l’agencement des lettres.
Si Laclos réutilise toutes les ficelles d’un genre en vogue à l’époque, il hisse « à sa perfection la technique épistolaire » (Rousset) et offre au genre l’un de ses plus grands chefs d’œuvre. Sa réussite tient en particulier à un accord parfait du fond et de la forme.
2. Originalité de Laclos : « l’alliance
parfaite du fond et de la forme »
(Rousset)
a. La lettre comme moyen d’action
« Plus encore qu’un moyen
d’échange, la lettre est ici un moyen
d’action. » (Rousset).
La lettre ne se contente pas de rapporter l’action mais devient un ressort de l’intrigue.
• La lettre est tout d’abord un outil de séduction : c’est sous le prétexte de favoriser la correspondance entre Cécile et Danceny [L94-95], que Valmont réussit à se procurer un double de la clé de la chambre de Cécile afin de s’y introduire pour la séduire [L 96]. C’est par ses lettres que Valmont parvient à charmer Mme de Tourvel. La manipulation passe aussi par la lecture de la correspondance d’autrui, symbole de la violation de l’intimité qui préfigure la séduction physique (Valmont intercepte aussi bien la correspondance de Cécile que celle de Mme de Tourvel).
• Elle peut être aussi une preuve d’amour : c’est en interceptant le courrier de Mme de Tourvel et en retrouvant une lettre de lui, tachée de larmes, que Valmont obtient la confirmation de l’amour de la Présidente à son égard [L 44].
• Mais dans ce tableau des liaisons dangereuses, la lettre est aussi un instrument de destruction :
- c’est la divulgation d’une lettre de Valmont à Merteuil, dans laquelle celui-ci se vante de sa liaison avec Cécile, qui est à l’origine de la mort de Valmont, tué en duel par Danceny [L162] ;
- c’est la lettre inspirée par Merteuil (« ce n’est pas ma faute », [L141]) qui précipite l’agonie de Mme de Tourvel ;
- c’est la publication de la correspondance de Mme de Merteuil [L169] qui entraîne son déshonneur.
La lettre ne se contente pas de rapporter l’action mais devient un ressort de l’intrigue.
• La lettre est tout d’abord un outil de séduction : c’est sous le prétexte de favoriser la correspondance entre Cécile et Danceny [L94-95], que Valmont réussit à se procurer un double de la clé de la chambre de Cécile afin de s’y introduire pour la séduire [L 96]. C’est par ses lettres que Valmont parvient à charmer Mme de Tourvel. La manipulation passe aussi par la lecture de la correspondance d’autrui, symbole de la violation de l’intimité qui préfigure la séduction physique (Valmont intercepte aussi bien la correspondance de Cécile que celle de Mme de Tourvel).
• Elle peut être aussi une preuve d’amour : c’est en interceptant le courrier de Mme de Tourvel et en retrouvant une lettre de lui, tachée de larmes, que Valmont obtient la confirmation de l’amour de la Présidente à son égard [L 44].
• Mais dans ce tableau des liaisons dangereuses, la lettre est aussi un instrument de destruction :
- c’est la divulgation d’une lettre de Valmont à Merteuil, dans laquelle celui-ci se vante de sa liaison avec Cécile, qui est à l’origine de la mort de Valmont, tué en duel par Danceny [L162] ;
- c’est la lettre inspirée par Merteuil (« ce n’est pas ma faute », [L141]) qui précipite l’agonie de Mme de Tourvel ;
- c’est la publication de la correspondance de Mme de Merteuil [L169] qui entraîne son déshonneur.
b. Un agencement significatif : ordre et désordre
• L’agencement des lettres « dont
l’ordre n’est jamais indifférent »
(Rousset) ressemble à un échiquier
dans lequel le libertin avance ses pions jusqu’à
mettre l’adversaire échec et mat. Loin
d’être des morceaux isolés, les lettres
s’éclairent les unes les autres et
s’intègrent dans une stratégie de
manipulation : ainsi, Cécile demande des
conseils à Mme de Merteuil, à qui
elle accepte de montrer toute sa correspondance avec Danceny
[L29], sans percevoir qu’elle est manipulée par
cette dernière, avant de l’être par Valmont.
Sa naïveté est mise en lumière par la
correspondance entre les deux libertins qui met au jour
toute l’hypocrisie et le cynisme de leur comportement.
• L’organisation du recueil correspond aussi à l’évolution des sentiments. Comme le dit Rousset : « L’ordre et la pureté font graduellement place à une fusion et à un foisonnement des relations engagées qui correspondent au développement de la situation romanesque, à l’apparition du trouble et du désordre dans les sentiments. » Le passage d’un agencement ordonné à un foisonnement de correspondances traduit le passage d’une maîtrise totale des sentiments et des personnes par les libertins à une perte progressive de ce contrôle.
• L’organisation du recueil correspond aussi à l’évolution des sentiments. Comme le dit Rousset : « L’ordre et la pureté font graduellement place à une fusion et à un foisonnement des relations engagées qui correspondent au développement de la situation romanesque, à l’apparition du trouble et du désordre dans les sentiments. » Le passage d’un agencement ordonné à un foisonnement de correspondances traduit le passage d’une maîtrise totale des sentiments et des personnes par les libertins à une perte progressive de ce contrôle.
c. La lettre, miroir de l’âme (« Une lettre est
le portrait de l’âme » [L150])
La réussite du livre de Laclos tient à une
parfaite orchestration des lettres, habilement
réparties entre les douze
épistolaires, et à une
maîtrise du rythme qui évite
l’ennui grâce à une grande
variété au niveau de la longueur et du style des
lettres. Le style n’est jamais gratuit mais
reflète au contraire la personnalité de
chacun : au style maladroit des personnages
naïfs (« Voyez donc à soigner
davantage votre style. Vous écrivez toujours comme un
enfant » écrit la Marquise à
Cécile, [L105]), s’oppose une très grande
maîtrise de l’écriture chez les libertins qui
savent adapter leur style à chaque circonstance.
Valmont adopte ainsi le langage de Tartuffe avec le père Anselme, la rhétorique de Don Juan avec Cécile, le persiflage avec Merteuil, les accents raciniens avec Mme de Tourvel et manie habilement les métaphores ainsi que l’art des formules.
Valmont adopte ainsi le langage de Tartuffe avec le père Anselme, la rhétorique de Don Juan avec Cécile, le persiflage avec Merteuil, les accents raciniens avec Mme de Tourvel et manie habilement les métaphores ainsi que l’art des formules.
Conclusion
Réussite de Laclos qui, après Rousseau, offre avec Les Liaisons dangereuses, l’un des chefs d’œuvre du roman épistolaire.
Réussite de Laclos qui, après Rousseau, offre avec Les Liaisons dangereuses, l’un des chefs d’œuvre du roman épistolaire.
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