Le registre tragique
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L'individu, bien qu'aspirant à la paix et au bonheur, est cependant victime de forces qui le dépassent et l'assujetissent : les dieux, la fatalité comme dans les tragédies classiques, mais aussi le poids de la société, l'hérédité, la condition mortelle de l'homme.
Quand on parle de tragique, il faut distinguer deux acceptions du terme : il renvoie tout d'abord au genre de la tragédie qui désigne une certaine forme de l'art dramatique ; il désigne également, dans un emploi plus courant du terme, un événement malheureux qui fait irruption dans l'existence d'un homme ou de tout un peuple.
On appelle donc « registre tragique », la manifestation de l'angoisse de celui qui s'exprime, sachant que le tragique ne provient pas seulement d'une situation extérieure mais de l'intériorité même de l'individu. Le héros tragique devient alors le porte-voix de cette angoisse.
Le registre tragique s'exprime donc au moyen de différents procédés :
- l'imprécation qui appelle à la
colère divine contre quelqu'un ou quelque chose et la
supplication qui implore la pitié font
fréquemment appel au procédé de
l'apostrophe :
« Et toi, Neptune, et toi, si jadis mon courage
D'infâmes assassins nettoya ton rivage,
Souviens-toi que pour prix de mes efforts heureux,
Tu promis d'exaucer le premier de mes vœux.
[...]
Je t'implore aujourd'hui. Venge un malheureux père. »
(Jean Racine, Phèdre, IV, 2, 1677.) - le lexique et les images sont fortement
marqués par la mort, la fatalité,
et portent une forte charge émotive afin de renforcer
l'expression de la douleur et de l'angoisse :
« Au premier bruit d'un mal si étrange, on accourut partout à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le cœur de cette princesse. Partout on entend des cris, partout on voit la douleur et le désespoir, et l'image de la mort. Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré. »
(Jacques Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre, 1670.) - les modalités exclamatives et
interrogatives sont souvent employées pour
exprimer le désarroi du héros :
« Ils s'aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux ?
Comment se sont-ils vus ? depuis quand ? dans quels lieux ? »
(Jean Racine, Phèdre, IV, 6, 1677.)
La situation tragique évolue au fil de l'histoire
littéraire.
Dans la tragédie grecque, elle prend son origine
à l'extérieur du héros : celui-ci est
soumis à la volonté des dieux. Cependant,
il garde une part de culpabilité et son destin fatal
répond le plus souvent à une faute commise par
lui, par sa famille ou par son peuple.
La tragédie classique tend à
intérioriser davantage la situation tragique dans le
héros lui-même, dans la mesure où celui-ci
s'individualise de plus en plus. Ainsi, le dilemme
auquel il est confronté le renvoie à son devoir
moral ou à sa passion.
Enfin, dans la tragédie contemporaine, le
processus d'intériorisation s'est complètement
achevé si bien que le tragique s'exprime davantage dans
la méditation que fait l'homme sur sa condition
mortelle et sur l'absurdité du monde.
De même, il peut se rencontrer dans des tonalités inattendues :
– la dérision et l'ironie sont, par exemple, des modalités de mise à distance du tragique ;
– le cynisme est aussi souvent la manifestation d'une certaine angoisse ;
– l'humour noir ou l'agressivité manifestent aussi parfois l'angoisse de celui qui s'exprime.
Le registre tragique se rencontre à partir du moment
où s'exprime une certaine angoisse, liée
soit à une situation extérieure soit
à un conflit intérieur. Il se manifeste
alors par un lexique et un réseau d'images
appropriés, ainsi que par des modalités qui
permettent de souligner la souffrance du héros.
On le rencontre le plus souvent dans le genre dramatique de
la tragédie qui met en scène un héros
en proie aux malheurs. Cependant, on peut le trouver dans
d'autres genres littéraires et il peut se manifester
dans des tonalités inattendues.
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