Le mot « registre » correspond à ce
qu'on appelait avant les tonalités. Ce terme est
emprunté au vocabulaire de la musique pour lequel
il désigne la palette des sons d'un instrument ou d'une
voix (des graves aux aigus).
En littérature, il désigne l'impression
particulière que provoque un texte sur le
lecteur : de la tristesse à la peur, en passant par
la joie, toutes les émotions peuvent être
engendrées par un texte et l'étude des
différents registres a pour objectif de les
analyser.
1. Les effets recherchés sur le lecteur
Le terme « pathétique » vient du
grec pathêtikos (dérivé de
pathos) qui est « relatif à la
passion » ; on l'associe donc à des textes
qui, évoquant les plus hauts degrés de la tristesse
et de la souffrance humaines, provoquent
l'attendrissement, voire la pitié, du
lecteur. Pour que le registre pathétique soit
présent, il faut que le lecteur puisse
se reconnaître dans la situation et dans les
personnages présentés, il faut qu'il puisse
compatir à ce qui lui est présenté.
2. Les procédés d'écriture mis en
œuvre
a. Les thèmes
Le registre pathétique est fréquemment
présent lorsque sont évoquées de grandes
situations douloureuses telles que la mort, la maladie, la
séparation... En général, ces situations
sont d'autant plus pathétiques que tous ces malheurs
auraient pu être évités. Avec cette prise de
conscience par le lecteur que nul n'est à l'abri de
l'erreur et donc de la souffrance naît le registre
pathétique.
Ainsi, Voltaire évoque-t-il le tremblement de terre de
Lisbonne dans un poème pathétique :
« O malheureux mortels !
ô terre déplorable !
O de tous les mortels assemblage
effroyable !
D'inutiles douleurs éternel
entretien ! »
(Voltaire,
Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756.)
b. Les figures de style
D'une manière générale, toutes les figures
de l'
exagération, dont l'hyperbole, entrent dans le
cadre du registre pathétique : elles servent à
amplifier un phénomène et accentuent donc la
sensibilité du lecteur.
« Ils vont, de l'aube au soir,
faire éternellement
Dans la même prison le même
mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine
sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait
quoi dans l'ombre. »
(Victor Hugo, Les
Contemplations, « Melancholia »
[III, 2], 1856.)
La description du travail des enfants vise uniquement à
émouvoir le lecteur et Hugo n'hésite pas à
peindre des conditions effroyables quitte à forcer le
trait.
Les exclamations, les apostrophes et les
interrogations contribuent, elles aussi, à
installer ce climat de douleur.
« Ecoute-moi !
Regarde-moi ! Vois mes larmes ! Est-ce qu'un
cœur d'homme peut rester glacé
devant le désespoir d'une
mère ? »
(Emmanuel
Roblès, Montserrat, 1948.)
Les commentaires du narrateur ou de l'auteur peuvent
servir à souligner l'émotion présente dans
un texte. Victor Hugo excelle dans cet exercice, notamment
lorsqu'il évoque la mort de Gavroche :
« Il n'acheva point. Une
seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette
fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua
plus. Cette petite grande âme venait de
s'envoler. »
(Victor Hugo, Les
Misérables, 1862.)
Enfin, la lamentation, qui exprime des regrets
très vifs doublés d'une tristesse intense, est
typique de ce registre. Ainsi, Bossuet évoquant la mort
d'Henriette d'Angleterre, épouse du frère du roi
Louis XIV, y recourt-il abondamment :
« O nuit
désastreuse ! ô nuit effroyable, où
retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre
cette étonnante nouvelle : Madame se meurt !
Madame est morte ! »
(Jacques
Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette
d'Angleterre, 1670.)
c. Le lexique
Dominent, dans les textes pathétiques, le vocabulaire de
l'
affectif (ceux de l'
émotion et de la
souffrance) et les adjectifs appréciatifs.
Victor Hugo évoquant la défaite des troupes de
Napoléon I
er à Waterloo
écrit :
« Sous les sabres prussiens,
ces vétérans, ô deuil !
Tremblaient, hurlaient, pleuraient,
couraient.
– En un clin d'œil. »
(Victor Hugo, « L'Expiation »,
1852, Les Châtiments, 1853 et 1870.)
3. Les genres littéraires concernés
Le registre pathétique, comme tous les registres, ne peut
être restreint à un genre littéraire unique,
par exemple la poésie. Néanmoins, on
constate que cette dernière recourt fréquemment au
pathétique pour évoquer des
événements douloureux. Mais on trouve
également des descriptions pathétiques dans
de nombreux romans, ainsi que des monologues
pathétiques dans de nombreuses pièces de
théâtre.
L'essentiel
Le registre pathétique est extrêmement
répandu en littérature ; l'une de ses
fonctions essentielles est d'émouvoir le lecteur, voire
de le bouleverser. Le registre pathétique est donc
surtout utilisé pour évoquer des thèmes
graves ou relatifs à la souffrance. Il
faut noter, tout particulièrement, que les
procédés rhétoriques de
l'exagération sont au service de ce registre.