Le mot « registre » correspond à ce
qu'on appelait avant les tonalités. Ce terme est
emprunté au vocabulaire de la musique pour lequel
il désigne la palette des sons d'un instrument ou d'une
voix (des graves aux aigus).
En littérature, il désigne l'impression
particulière que provoque un texte sur le
lecteur : de la tristesse à la peur, en passant par
la joie, toutes les émotions peuvent être
engendrées par un texte et l'étude des
différents registres a pour objectif de les
analyser.
1. Les effets recherchés sur le lecteur
Le registre dramatique est très proche des registres
tragique et pathétique, au point qu'on les confond
régulièrement. Il faut dire qu'ils sont souvent
couplés. On peut convenir que le registre dramatique
cherche à entraîner le lecteur dans une suite
d'événements rapides qu'ils soient tristes ou gais.
Ce registre vise à obtenir du lecteur ou du destinataire
qu'il perde en partie son esprit critique au profit d'une
adhésion pleine et entière aux propos
qui lui sont tenus ou aux personnages qui lui sont
présentés.
2. Les procédés mis en oeuvre
a. Les thèmes
On ne peut signaler les thèmes propres au registre
dramatique, tous peuvent être traités sur ce mode.
On retrouve donc tous les grands thèmes littéraires
que sont l'amour, la mort, l'injustice, les obstacles au bonheur,
les rêves d'ascension sociale, etc.
b. Les figures de style
Les procédés les plus fréquemment
employés sont les figures d'
insistance telles que
la métaphore ou la comparaison, ainsi que les figures
d'
exagération que sont les hyperboles.
Les trois figures sont réunies dans le
dénouement de cette célèbre pièce de
Musset :
« – [...] Vous voyez ce
qui se passe ; nous sommes deux enfants insensés,
et nous avons joué avec la vie et la mort ; mais
notre coeur est pur ; ne tuez pas Rosette , Dieu
juste ! Je lui trouverai un mari, je réparerai ma
faute ; elle est jeune, elle sera riche, elle sera
heureuse ; ne faites pas cela, ô Dieu ! vous
pouvez bénir encore quatre de vos enfants. Eh
bien ! Camille, qu'y a-t-il ?
– Elle est morte. Adieu,
Perdican ! »
(Alfred de Musset, On
ne badine pas avec l'amour, III, 8, 1834.)
A la fin de cette pièce, tous les éléments
de registre dramatique se trouvent réunis. Tout d'abord,
le suspense demeure jusqu'à l'ultime réplique, et
jusqu'à cette dernière phrase, le spectateur
espère : il est entraîné par
l'histoire, il prend parti pour tel ou tel personnage. L'amour,
le bien, le mal, la place de Dieu dans une destinée,
tous les grands thèmes sont convoqués. Le rythme
est tendu, rapide, tout comme dans cet autre extrait de
roman :
« Robinson a dû
découvrir la disparition du barillet [...]. Il
lève la chicote. C'est alors que les quarante tonneaux
de poudre noire parlent en même temps. Un torrent de
flammes rouges jaillit de la grotte. [...], Robinson se sent
soulevé, emporté, tandis qu'il voit le chaos
rocheux qui surmonte la grotte culbuter comme un jeu de
construction. »
(Micher Tournier,
Vendredi ou les Limbes du Pacifique, 1967.)
Ce passage est dramatique dans la mesure où les
événements s'enchaînent très
rapidement, où ils sont involontaires (excepté
pour le premier, le lancer) et où ils ont des
conséquences énormes : la fin de tout ce
qu'avait construit et élaboré Robinson pendant
près de vingt-cinq ans.
3. Les genres littéraires concernés
Loin d'être cantonné au seul théâtre,
le registre dramatique se rencontre partout, dans les
poèmes, dans les récits ou même
dans les comédies. Néanmoins, un sous-genre
théâtral lui fait la part belle, il s'agit du
mélodrame. Ces pièces de
théâtre se caractérisent par
l'invraisemblance d'une intrigue aux rebondissements multiples
ainsi que par l'aspect caricatural des personnages (les
gentils/les méchants). Si le mélodrame comporte
souvent des passages dramatiques, il mêle aussi d'autres
registres, y compris le comique.
L'essentiel
Nous insisterons, pour conclure, sur les différences
entre les trois registres les plus proches que sont le
registre pathétique, le registre
dramatique et le registre tragique. Ce qui permet
à coup sûr d'identifier le dramatique, c'est la
fréquence et l'importance des procédés
propres au théâtre que sont les
rebondissements, l'utilisation des silences et des gestes.